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Danse

"Fables à la fontaine"… La Fontaine renversante

Annie Sellem, à l'initiative de ce projet, a souhaité que trois chorégraphes présentent trois fables de la Fontaine au travers de leur art et d'une approche musicale variée. Béatrice Massin, Lia Rodrigues et Dominique Hervieu ont choisi respectivement "Le loup et l'Agneau", "Contre ceux qui ont un goût difficile" et "Le Corbeau et le Renard", éditées en 1668, pour décliner une approche où le verbe est supplanté par le corps.



"Le Loup et l'Agneau" © Benjamin Mengelle.
"Le Loup et l'Agneau" © Benjamin Mengelle.
Dans "Le Loup et l'Agneau", chorégraphie de Béatrice Massin, cela démarre tout doucettement avec deux formes rondes recouvertes d'un long tissu qui avancent. Les corps se découvrent, s'allongent, se rapprochent, se touchent, deviennent un pour se séparer ensuite avec Félix Heaulme qui prend de la hauteur sur une sorte d'escabeau quand Mylène Lamugnière s'avance sur le devant de la scène avec une gestuelle où ses membres supérieurs accompagnent tronc et jambes dans des déplacements, où l'aspect physique de ceux-ci est serti de grâce.

Sa tête s'abaisse et le tronc s'incline vers le bas, le tout prend appui ensuite sur la paume de sa main qui tel un ressort permet de rebondir vers d'autres enchaînements. Cela est vif, rapide, tout en rondeurs avec des sortes de virgules dessinées par un bras qui semble piquer vers l'extérieur pour finir en courbe ensuite. Suivent ensuite des mouvements du tronc et des membres inférieurs accompagnés par les déplacements tranchés et espacés de Félix Heaulme qui prennent appui sur un jeu d'évitements et de rencontres.

"Contre ceux qui ont le goût difficile" © Chaillot - Théâtre national de la Danse.
"Contre ceux qui ont le goût difficile" © Chaillot - Théâtre national de la Danse.
Dans "Contre ceux qui ont le goût difficile", fable peu connue où Jean de La Fontaine (1621-1695) fait l'apologie de ce que pourquoi il est si connu à ces "censeurs" fictifs, la chorégraphie de Lia Rodrigues casse les codes et se démarque profondément du reste du spectacle. Tais Almeda Da Silva, et Dandara Patroclo Santos alternent entre théâtre et danse festive. Il y a durant quelques minutes un moment très théâtral de brossage de dents assez particulier d'une des danseuses qui trône au milieu des planches avec son gobelet bleu et son tube de dentifrice.

Cela bouge de façon très libérée avec des mains qui construisent autour du visage des petits mouvements rotatifs qui s'ouvrent, se ferment dans une gestuelle festive avec le mot "Fin" marqué sur le derrière des danseuses. Cette liberté de ton bouscule l'aspect éducatif à laquelle sont souvent montrées les fables de La Fontaine. En retournant cette approche "moralisatrice" enseignée à l'école, la chorégraphe montre peut-être un aspect beaucoup moins connu des mœurs de La Fontaine qui avait, pour l'époque, une liberté étonnamment transgressive de la notion de couple.

Cela interpelle autant dans la construction chorégraphique que dans le choix de la chanson "Motivés" de Zebda. Je n'ai pas adoré sur le moment ce que proposait Lia Rodrigues mais il se passe réellement quelque chose sur scène. Le tout n'est ni bien rangé, ni lisse et sort des sentiers battus.

"Le Corbeau et le Renard" © Benjamin Mengelle.
"Le Corbeau et le Renard" © Benjamin Mengelle.
Le langage des signes est utilisé par Dominique Hervieu pour "Le Corbeau et le Renard" au travers de différentes langues, les signes étant en effet différents selon celles-ci. Elles sont dansées, toujours avec talent, par Mylène Lamugnière et Félix Heaulme mais il n'est pas clair de comprendre lesquelles sont chorégraphiées et si celles-ci sont le reflet des paroles lancées ou des signes montrés.

Au travers de lucarnes animées dans lesquelles apparaissent des personnages, filmés ou dessinés, parlant l'argot, le français, parfois de façon familière, et des langues étrangères, la gestuelle devient nerveuse, vive, saccadée, courbe ou angulaire, accompagnée de déplacements. C'est un cocktail de mouvements et de consonances qui se font entendre en chœur, mêlant ainsi dans une même humeur, verbe et expressivité, le corps devenant réceptacle des mots.

Le spectacle est très intéressant dans son hétérogénéité artistique, avec des propositions assez surprenantes. Peut-être un tantinet difficile à appréhender pour de jeunes enfants et "Contre ceux qui ont le goût difficile".

"Fables à la fontaine"

"Contre ceux qui ont le goût difficile" © Chaillot - Théâtre national de la Danse.
"Contre ceux qui ont le goût difficile" © Chaillot - Théâtre national de la Danse.
"Le Loup et l'Agneau"
Chorégraphie : Béatrice Massin.
Avec : Félix Héaulme et Mylène Lamugnière.
Lumières : Rémi Nicolas.
Extraits musicaux : Marin Marais.
Costumes : Dominique Fabrègue, Clémentine Monsaingeon.
Durée : 20 minutes.

"Contre ceux qui ont le goût difficile"
Chorégraphie : Lia Rodrigues.
Avec : Tais Almeda Da Silva, Dandara Patroclo Santos.
Dramaturgie : Silvia Soter.
Lumières : Franck Niedda, Lia Rodrigues.
Extraits musicaux : Les Motivés.
Costumes : Francine Barros, Clotilde Barros Pontes.
Durée : 20 minutes.

"Le Corbeau et le Renard" © Benjamin Mengelle.
"Le Corbeau et le Renard" © Benjamin Mengelle.
"Le Corbeau et le Renard"
Chorégraphie : Dominique Hervieu.
Avec : Félix Héaulme et Mylène Lamugnière.
Vidéo : Dominique Hervieu, Pascal Minet
Lumières : Vincent Paoli.
Son : Catherine Lagarde.
Extraits musicaux : Jean-Baptiste Lully, Robert Schumann.
Costumes : Mireille Hersent.
Durée : 20 minutes.

Conception et mise en œuvre à la création : Annie Sellem.

Du 7 au 16 octobre 2021.
Mardi, jeudi à 10 h et à 14 h 30, vendredi à 10 h, samedi à 14 h 30 et 17 h 30, mercredi et dimanche à 14 h 30.
Chaillot - Théâtre national de la Danse, Salle Firmin Gémier, Paris 16e.
Tél. : 01 53 65 31 00.
>> theatre-chaillot.fr

Safidin Alouache
Jeudi 14 Octobre 2021

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