La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Dévaste-moi"… Persuasion et précision artistique… Pour une nouvelle façon de percevoir un spectacle

"Dévaste-moi", Tournée 2018/2019

Airs célèbres d'opéra, chansons rock, romances populaires. Dans son dernier spectacle "Dévaste moi"*, Emmanuelle Laborit chante et danse, livre des confidences à son public, elle fait le show. Avec ses musicos, (ses boys), tout le tralala et ses effets, les surtitrages qui ponctuent avec humour le tour de chant.



© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Elle met en place avec le soutien de Johanny Bert (qui met en scène) une forme éclectique de théâtre-danse et de music-hall mêlés. Le spectacle est à bien des égards vertigineux.

C'est que, au cas présent, l'artiste ne peut parler ni entendre les sons. Les mots et le sens ne peuvent pas sortir de la bouche. Tout le spectacle est en langage des signes. Interprété, pas traduit. En chantsigne.

Ce qui donne quelque chose de déroutant d'étonnamment maîtrisé qui dépasse très largement la notion de mimodrame et oblige le spectateur qui fait parti des "entendants" à reconsidérer sa manière de percevoir un spectacle.

Car à l'inverse des repères traditionnels qui élaborent un espace scénique dans lequel le sens circule entre les deux bornes de l'indicible : celles de l'obscène et du sublime, la prestation d'Emmanuelle Laborit passe par le bout des doigts et se transmet à tout le corps sans tabous avec la seule force de la persuasion et de la précision artistique. C'est toute la personne qui exprime le poids des sensations, la raison des sentiments ainsi que les effets de style.

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Sans la parole articulée qui porte la logique, sans la voix (sa couleur, ses tremblements) qui porte l'émotivité. Sans un jeu du corps du comédien qui accompagne ou contredit la perception de la situation.

Le jeu est intelligiblement charnel et se concentre sur une intensité du regard qui force l'attention et paradoxalement l'écoute. C'est un regard qui donne le la.

Sur scène les musiciens du Délano orchestra et Emmanuelle Laborit vivent une véritable symbiose. Elle n'est plus seulement une chanteuse interprète mais une musicienne membre de l'orchestre.

Pour le spectateur la charge émotionnelle est intense qui tape des pieds agite les mains ou les claque avec plaisir.

*Emprunté à Brigitte Fontaine.

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
"Dévaste-moi"
À partir de 15 ans.
Chansigne - Spectacle musical.
Mise en scène : Johanny Bert.
En collaboration avec Yan Raballand, chorégraphe.
Comédienne chantsigne : Emmanuelle Laborit.
Avec The Delano Orchestra : Guillaume Bongiraud, Yann Clavaizolle (en alternance avec Josselin Hazard), Matthieu Lopez, Julien Quinet, Alexandre Rochon.
Interprètes LSF : Corinne Gache, Carlos Carreras.
Recherches dramaturgiques : Alexandra Lazarescou.
Création Vidéo : Virginie Premer.
Création costumes : Pétronille Salomé.
Stagiaire Costumes : Stella Croce.
Habilleuse : Louise Watts.

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Création lumières : Félix Bataillou.
Régie Son : Lucie Laricq / Simon Muller.

A été joué du 9 novembre au 26 novembre 2017.
Jeudi à 19 h, mercredi, vendredi et samedi à 20 h, dimanche à 16 h.
International Visual Theatre, Paris 9e, 01 53 16 18 18.
>> ivt.fr

Tournée 2018/2019

9 et 10 octobre 2018 : Bateau Feu - scène nationale, Dunkerque (59).
18 au 20 octobre 2018 : L'Apostrophe - Scène nationale, Cergy-Pontoise & Val d'Oise (95).
6 au 9 novembre 2018 : Théâtre de la Croix-Rousse, Lyon (69).
20 et 21 novembre 2018 : Le Quartz - scène nationale, Brest (29).
27 novembre 2018 : Le Sablier - pôle des Arts de la marionnette en
Normandie, Caen (14).
7 décembre 2018 : Théâtre de Brétigny - scène conventionnée, Brétigny (91).
11 au 14 décembre 2018 : Théâtre Sorano, Toulouse (31).
18 décembre 2018 : Festival Imago, Théâtre Espace Coluche, Plaisir (78).
31 janvier au 2 février 2019 : Centre Dramatique National de Normandie-Rouen, Rouen (76).
15 et 16 f.vrier 2019 : Les Deux Scènes - scène nationale, Besançon (25).
5 mars 2019 : L'Equinoxe - scène nationale, Châteauroux (36).
8 mars 2019 : Le Théâtre - scène nationale (Mois des Drôles de Dames), Mâcon (71).
15 mars 2019 : Théâtre de Thionville, Thionville (57).
11 au 14 décembre 2019 : Les Scènes du Jura - scène nationale, Lons-le-Saunier (39).
© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.

Jean Grapin
Jeudi 20 Septembre 2018

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024