La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Lyrique

Concert de gala de l'Académie de l'Opéra de Paris

Pour le concert de gala de son Académie, l'Opéra de Paris a une fois encore mis à l'honneur le talent de ses jeunes chanteurs au Palais Garnier. Une soirée charmante qui s'inscrit dans la tradition déjà longue d'une institution où fleurissent les belles promesses.



Artistes et artisans en résidence 2018/2019 à l'Académie © Studio j'adore ce que vous faites/OnP.
Artistes et artisans en résidence 2018/2019 à l'Académie © Studio j'adore ce que vous faites/OnP.
Il serait vain de vouloir nommer ici tous les chanteurs de grand talent qui sont passés par l'école de l'Opéra de Paris, devenue Atelier lyrique sous la direction de Christian Schirm en 2004, puis Académie en 2015 sous celle de Myriam Mazouzi (avec un élargissement des actions et des recrutements) - Christian Schirm devenant alors son directeur artistique.

Avec sa triple mission de transmission, de formation et de création, l'Académie offre donc un cursus d'excellence sur deux ans et des projets facilitant l'insertion professionnelle à douze jeunes chanteuses et chanteurs, quatre pianistes et chefs de chant, un(e) metteur(se) en scène, des musiciens(nes) et des artisans d'art sélectionnés sur concours parmi des centaines de candidats(es) venus(es) du monde entier.

On se souvient que de cette école sont sorties les mezzos Marianne Crebassa, Aude Extrémo, les sopranos Nathalie Dessay, Elena Tsallagova mais aussi les barytons Ludovic Tézier, Florian Sempey et Alexandre Duhamel sans oublier les ténors Cyrille Dubois, Stanislas de Barbeyrac - pour ne citer qu'eux, vrais ornements de nos scènes*. Avec de prometteurs nouveaux venus depuis septembre, tels les barytons Timothée Varon, Alexander York, la soprano Liubov Medvedeva, la troupe ne cesse de se reconfigurer.

Chanteurs 2018/2019 de l'Académie © Studio j'adore ce que vous faites/OnP.
Chanteurs 2018/2019 de l'Académie © Studio j'adore ce que vous faites/OnP.
Après l'Ouverture traditionnelle par l'Orchestre de l'Opéra de Paris dirigé par Jean Deroyer ("Der Schauspieldirektor", un Mozart enjoué et radieux), le ténor Maciej Kwasnikowski ne convainc pas totalement (malgré un très joli timbre) dans "Un'aura amorosa", extrait de "Cosi fan tutte". Suit l'air fameux de "Zaïde" ("Ruhe sanft, mein holdes Leben") dans lequel la soprano irlandaise Sarah Shine se révèle absolument délicieuse, incarnant très joliment l'esclave amoureuse avec un timbre fruité et des aigus adamantins.

C'est cependant à la fin de la première partie du concert que vont briller particulièrement deux des meilleures recrues de l'Académie. Après Donizetti, place à Jules Massenet dont toute la troupe va donner des extraits du premier tableau de l'acte III de "Manon". Le superbe baryton Danylo Matviienko remporte aisément les faveurs du public avec un Lescaut subtile, ce superficiel et joyeux cousin de Manon (dans le livret de Meilhac et Gille). Charisme et élégance du chant s'affirment idéalement ici, comme son abattage après l'entracte dans le Figaro du "Barbier de Séville" ("All'idea di quel metallo").

Et la Manon de la soprano franco-belge Marianne Croux se révèle exceptionnelle avec son célébrissime air "Je marche sur tous les chemins" ("Profitons bien de la jeunesse") avec un charme crâne, une sûreté technique et tout l'éclat d'une voix de riche étoffe. Voilà bien l'entrée triomphale d'une artiste épousant parfaitement celle de son personnage.

© Christine Ducq.
© Christine Ducq.
Il faut ensuite attendre le quatrième air de la deuxième partie du gala - et la première scène de l'acte III de "Werther" pour vibrer aux accents magnifiques de la Charlotte de Jeanne Ireland ("Werther !… Ces lettres"). Malgré une diction française encore perfectible, la jeune mezzo américaine se révèle une tragédienne hors-pair, d'un chant à l'intensité pénétrante au cri de la passion la plus vive.

Abandonnant la discrétion d'un accompagnement attentif aux chanteurs, l'orchestre atteint alors des sommets dans l'évocation des sentiments (avec d'admirables vents et trémolos de cordes), rendant justice à la beauté absolue de cette musique. Il déploie aussi son grand art sensuel dans la première scène du dernier acte du "Roméo et Juliette" de Gounod (la "Nuit d'hyménée"), dans laquelle la soprano Angélique Boudeville, impressionnante dans chaque spectacle vu depuis son arrivée en 2017, ne nous transporte pas ce soir-là tout à fait comme espéré (de même que sa Donna Anna un peu plus tôt).

Avec ce genre de gala à enchaînement de numéros, ce n'est pas toujours des plus facile pour les artistes. La soirée se termine avec le Finale de l'acte II de "La Chauve-souris" de Johann Strauss que la troupe donnera dans une création de Célie Pauthe à la MC93 de Bobigny dès mars 2019. La troupe au grand complet parvient à nous entraîner avec un bel élan et une vraie complicité au bal masqué du Prince Orlofsky - nous donnant envie de les revoir bientôt dans ce joyau de l'opérette viennoise.

* Citons aussi Damien Pass, Armelle Khourdoïan, Pauline Texier, Mikhail Timoshenko, Adriana Gonzalez, Tomasz Kumiega, Juan de Dio Mateos, entre nombreux autres talentueux académiciens du passé.

Prochain spectacle des artistes de l'Académie :
"La Chauve-souris" de Johann Strauss (1874).


13, 15, 19, 20, 22 mars 2019 à 19 h 30.
16 et 23 mars 2019 à 17 h 30.


MC93 - Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis
9 Boulevard Lénine, Bobigny (93).
Tél. : 01 41 60 72 72.
>> mc93.com

Christine Ducq
Jeudi 24 Janvier 2019

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique







À découvrir

"Othello" Iago et Othello… le vice et la vertu, deux maux qui vont très bien ensemble

Réécrit dans sa version française par Jean-Michel Déprats, le texte de William Shakespeare devient ici matière contemporaine explorant à l'envi les arcanes des comportements humains. Quant à la mise en jeu proposée par Jean-François Sivadier, elle restitue - "à la lettre" près - l'esprit de cette pièce crépusculaire livrant le Maure de Venise à la perfidie poussée jusqu'à son point d'incandescence de l'intrigant Iago, incarné par un Nicolas Bouchaud à la hauteur de sa réputation donnant la réplique à un magnifique Adama Diop débordant de vitalité.

© Jean-Louis Fernandez.
Un décor sombre pouvant faire penser à d'immenses mâchoires mobiles propres à avaler les personnages crée la fantasmagorie de cette intrigue lumineuse. En effet, très vite, on s'aperçoit que l'enjeu de cet affrontement "à mots couverts" ne se trouve pas dans quelque menace guerrière menaçant Chypre que le Maure de Venise, en tant que général des armées, serait censé défendre… Ceci n'est que "pré-texte". L'intérêt se noue ailleurs, autour des agissements de Iago, ce maître ès-fourberies qui n'aura de cesse de détruire méthodiquement tous celles et ceux qui lui vouent (pourtant) une fidélité sans faille…

L'humour (parfois grinçant) n'est pour autant jamais absent… Ainsi lors du tableau inaugural, lorsque le Maure de Venise confie comment il s'est joué des aprioris du vieux sénateur vénitien, père de Desdémone, en lui livrant comment en sa qualité d'ancien esclave il fut racheté, allant jusqu'à s'approprier le nom d'"anthropophage" dans le même temps que sa belle "dévorait" ses paroles… Ou lorsque Iago, croisant les jambes dans un fauteuil, lunettes en main, joue avec une ironie mordante le psychanalyste du malheureux Cassio, déchu par ses soins de son poste, allongé devant lui et hurlant sa peine de s'être bagarré en état d'ébriété avec le gouverneur… Ou encore, lorsque le noble bouffon Roderigo, est ridiculisé à plates coutures par Iago tirant maléfiquement les ficelles, comme si le prétendant éconduit de Desdémone n'était plus qu'une vulgaire marionnette entre ses mains expertes.

Yves Kafka
03/03/2023
Spectacle à la Une

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
07/04/2023
Spectacle à la Une

Dans "Nos jardins Histoire(s) de France #2", la parole elle aussi pousse, bourgeonne et donne des fruits

"Nos Jardins", ce sont les jardins ouvriers, ces petits lopins de terre que certaines communes ont commencé à mettre à disposition des administrés à la fin du XIXe siècle. Le but était de fournir ainsi aux concitoyens les plus pauvres un petit bout de terre où cultiver légumes, tubercules et fruits de manière à soulager les finances de ces ménages, mais aussi de profiter des joies de la nature. "Nos Jardins", ce sont également les jardins d'agrément que les nobles, les rois puis les bourgeois firent construire autour de leurs châteaux par des jardiniers dont certains, comme André Le Nôtre, devinrent extrêmement réputés. Ce spectacle englobe ces deux visions de la terre pour développer un débat militant, social et historique.

Photo de répétition © Cie du Double.
L'argument de la pièce raconte la prochaine destruction d'un jardin ouvrier pour implanter à sa place un centre commercial. On est ici en prise directe avec l'actualité. Il y a un an, la destruction d'une partie des jardins ouvriers d'Aubervilliers pour construire des infrastructures accueillant les JO 2024 avait soulevé la colère d'une partie des habitants et l'action de défenseurs des jardins. Le jugement de relaxe de ces derniers ne date que de quelques semaines. Un sujet brûlant donc, à l'heure où chaque mètre carré de béton à la surface du globe le prive d'une goutte de vie.

Trois personnages sont impliqués dans cette tragédie sociale : deux lycéennes et un lycéen. Les deux premières forment le noyau dur de cette résistance à la destruction, le dernier est tout dévoué au modernisme, féru de mode et sans doute de fast-food, il se moque bien des légumes qui poussent sans aucune beauté à ses yeux. L'auteur Amine Adjina met ainsi en place les germes d'un débat qui va opposer les deux camps.

Bruno Fougniès
23/12/2022