La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Cirque & Rue

Cirque Gruss… La modernité dans une tradition fondatrice… Des racines équestres aux nouveaux arts de la piste

"Origines", Chapiteau porte de Passy, Paris

De la définition militaire du dressage des chevaux et de la création de la piste par le major de cavalerie anglais Philip Astley à la conception acrobatique, spectaculaire et narrative adoptée aujourd'hui par la famille Gruss, deux siècles et demi se sont écoulés. En cinq actes et une trentaine de tableaux, c'est ce voyage dans le temps que nous propose celle-ci avec sa nouvelle création, "Origines".



La poste à 17 chevaux, Charles Gruss © Éloise Vene.
La poste à 17 chevaux, Charles Gruss © Éloise Vene.
L'une des particularités de la compagnie Gruss est d'être la quasi unique détentrice d'une tradition qui fête ses 250 ans cette année : le cirque équestre, qui engendrera le cirque moderne à la fin du XVIIIe siècle, ce dernier étant plus connu aujourd'hui sous l'appellation "cirque traditionnel" par rapport au "nouveau" cirque que nous connaissons depuis une trentaine d'années.

Construit sur les savoir-faire équestres que se transmettent depuis six générations les membres de la lignée Gruss, "Origines" raconte ce qui fonda leurs pratiques, ce qui fut à la source de leurs racines, la création de la piste, de 13 m de diamètre, faite de terre végétale et de sciure ; et rend hommage à celui qui est considéré comme son créateur, Philip Astley.

Langage universel, accessible à tous, la piste a généré les performances équestres du cirque originel comme, de nos jours, les nouvelles compositions réalisées par Gruss et les numéros de saltimbanques proposés par les familles circassiennes contemporaines.

Défilement militaire © Éloise Vene.
Défilement militaire © Éloise Vene.
Pour cette 44e production, deux parties illustrent cette grande histoire artistique avec, dans la première, les références aux figures emblématiques que sont Philip Astley et, à la même époque, Antonio Franconi, "père spirituel du cirque français", le premier à avoir pratiqué les trois grandes disciplines équestres que sont la liberté, la haute école et l'acrobatie équestre ; ainsi qu'Andrew Ducrow et François Baucher qui révolutionnèrent la voltige.

Intitulé "Le cirque est né autour du cheval", celle-ci débute avec Éva Poirieux qui nous conte l'histoire du cheval, son utilité dans l'armée… concrétisée très vite par un défilé militaire, suivi de la représentation d'exercices équins et de la charge de la cavalerie avec épée… et trompettes, et tambours !

Suivront notamment, époque Astley, avec beaucoup de fluidité et d'élégance, le premier numéro de voltige équestre, celui du cheval récalcitrant, complice et "clown", l'arrivée des saltimbanques dans le spectacle créé par le major anglais et la célèbre grande batoude (tremplin flexible qu'utilisent les acrobates) permettant un saut au-dessus d'un, puis de trois, quatre, cinq, non… six chevaux !

Gibraltar, complice et récalcitrant, Charles Gruss© Éloise Vene.
Gibraltar, complice et récalcitrant, Charles Gruss© Éloise Vene.
Toujours accompagnée de l'orchestre - qui offre à chaque prestation des compositions de grande qualité, variés -, le programme se poursuit avec la période française d'Antonio Franconi et l'introduction d'innovations acrobatiques "aériennes" telles que le trapèze et la voltige à deux. Cela ne serait pas complet sans les apports essentiels d'Andrew Ducrow et François Baucher (début XIXe siècle), références universelles de la piste.

Ceux-ci, précurseurs de la présentation de groupes de chevaux en liberté et de l'équitation "savante" développeront leur art avec des numéros créatifs, aux intitulés évocateurs, devenus célèbres et référencés dans le cirque équestre comme "le gladiateur" avec perche enflammée et cerceau de feu, "le noble écossais" buveur, saoul, aux équilibres précaires, ou encore l'attelage multiple, sangles blanches, aux 17 chevaux ("la poste"), sans oublier un hommage aux femmes et écuyères, tout en douceur, avec "L'amazone" de Gipsy Gruss. La plupart des séquences allient avec subtilité la force athlétique, une incroyable précision d'exécution à la complicité avec l'animal et à la poétique artistique.

Duo amoureux dans les airs et à cheval, Svetana Lobova et Firmin Gruss © Éloise Vene.
Duo amoureux dans les airs et à cheval, Svetana Lobova et Firmin Gruss © Éloise Vene.
La deuxième partie, quant à elle, effectue un retour en 2018. Nommée "Des racines et des ailes", celle-ci reprend les fondamentaux du cirque actuel dans des créations originales et nous fait découvrir les cavaliers Gruss comme des artistes ayant acquis de nombreuses aptitudes artistiques circasiennes et maîtrisant parfaitement, de manière virtuose, des techniques comme la roue allemande (Louis Gruss, l'un des petits-fils d'Alexis), le jonglage ("Funk/Soul jongleries", Joseph, Louis, Charles et Alexandre Gruss) avec un inattendu et réussi jeu dans un triangle de verre où les rebonds se font sur les parois.

La qualité de la compagnie Gruss vaut aussi par ses collaborations et son extraordinaire capacité à sélectionner et inclure des numéros hors du commun. On notera, sans tous les nommer, celui de Geoffrey Berhault, fildefériste, exécutant, sur deux fils en tension, en une succession harmonieuse, sauts chassés, sauts à la corde, équilibre sur une main, saut par-dessus l'autre fil plus haut, etc. ; la beauté gymnique des compositions de Desire Cardinali Chavez, équilibriste, contorsionniste et archère de charme.

Enfin, vaut aussi l'association toujours très talentueuse de l'art équestre et des disciplines circassiennes avec notamment le numéro de double sangle aérienne (couple Svetana Lobova et Firmin Gruss) qui est accompli dans un deuxième temps avec la participation de chevaux. Une exécution parfaite, sans sécurité mais maîtrisée. On est ici dans la nouvelle génération des numéros créés par la Cie Gruss.

Si la première partie du spectacle apporte un complément pédagogique à l'expression virtuose de l'art équestre "Gruss", la seconde nous prouve que cette famille du cirque est détentrice d'une tradition riche, toujours fertile, créative, et porteuse d'une évolution permanente... et d'une mutation qu'elle a elle-même initiée. Et, qualité exceptionnelle, il y a une forme d'exaltation naturelle, joyeuse, enthousiaste dans ce que nous offrent les nouvelles générations Gruss qui présagent un bel élan artistique toujours renouvelé pour les années à venir.

"Origines"

Geoffrey Berhault, fildefériste © Éloise Vene.
Geoffrey Berhault, fildefériste © Éloise Vene.
Cirque Alexis Gruss.
Cette création réunit sur la piste les 40 chevaux artistes de la cavalerie Alexis Gruss (tous des "entiers").
Mise en scène : Stephan Gruss.
Chorégraphies : Sandrine Diard.
Avec : Alexis et Gipsy Gruss, Firmin Gruss, Stephan Gruss, Svetlana Lobova, Alexandre Gruss, Charles Gruss, Romuald Bruneau, Louis Gruss, Joseph Gruss, Geoffrey Berhault, Desire Cardinali Chavez.
Musiques originales et arrangements : Sylvain Rolland, Pascal Balzano, Cyril Moret et Massimo Murgia.
Chanteuse et narratrice : Éva Poirieux.
Chef d'orchestre : Sylvain Rolland.
Musiciens : Christophe Gonnet (trombone), Ivan Kabok (guitare), Cyril Moret (saxo, flûte), Massimo Murgia (basse), Pascal Rioux-Balzano (trompette), Nicolas Sausseau, (trompette), Smaël Shérif (saxo, flûte), Julien Teissier (piano).

La roue allemande, Louis Gruss © Éloise Vene.
La roue allemande, Louis Gruss © Éloise Vene.
Création lumière : Jean-Charles Pfauwadel.
Costumes : Bruno Fatalot, confectionnés dans l'Atelier MBV Paris.
Durée : 2 h 30, avec entracte.

Du 13 octobre 2018 au 3 mars 2019.
Jours et horaires >> Voir agenda hiver 2018-2019 à Paris
Chapiteau, Porte de Passy, Paris 16e, 01 45 01 71 26.
>> alexis-gruss.com

Tournée 2019
Samedi 23 et dimanche 24 mars 2019 : Zénith, Toulouse.
Samedi 30 et dimanche 31 mars 2019 : Halle Tony Garnier, Lyon.
Samedi 6 et dimanche 7 avril 2019 : Arena, Bordeaux.
Samedi 13 et dimanche 14 avril 2019 : Zénith, Toulon.
Samedi 27 et dimanche 28 avril 2019 : Zénith, Strasbourg.
Samedi 4 et dimanche 5 mai 2019 : Zenith Arena, Lille.
Samedi 11 et dimanche 12 mai 2019 : Zénith, Caen.
Samedi 18 et dimanche 19 mai 2019 : Zénith, Nantes.
Samedi 25 et dimanche 26 mai 2019 : Zénith, Dijon.

Gil Chauveau
Dimanche 30 Décembre 2018

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024