La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Cirque & Rue

"Cirkopolis"… acrobaties plus que théâtrales dans l'univers réinventé de Métropolis !

"Cirkopolis", Théâtre le 13e Art, Paris, puis en tournée

Dans un univers circassien où les sauts périlleux ont pour compagnon de jeu des tableaux déjantés, le cirque Éloize (présent sur les scènes du monde depuis 1993) débarque à Paris avec son nouveau spectacle ayant pour thématique le travail à la chaîne dans une mégapole-usine.



© Patrick Lazic.
© Patrick Lazic.
Fidèle à l'esprit des spectacles de la troupe québécoise, "Cirkopolis" est au croisement de différentes disciplines artistiques. Le cirque se nourrit de théâtre, de danse et de sketchs ; et propose tout un ensemble de numéros dans des univers parfois cinématographiques. Le visuel a aussi ses entrées et donne au spectacle une ambiance feutrée.

Rien n'est laissé au hasard jusqu'à la scénographie et aux lumières qui plongent le plateau dans des atmosphères où la luminosité, souvent ombrée, donne un aspect mystérieux aux personnages habillés en pardessus. Ils ont des déplacements synchronisés, orchestrés comme s'ils étaient des bataillons d'ouvriers prêts à la tâche. Les mouvements des bras et des pieds sont énergiques dans la démarche.

Au fil des tableaux, c'est une ville fantôme, inspiré de Métropolis (1) (1927), qui apparaît avec ses scènes de travail où, pour se sauver de cette monotonie, ils tombent les pardessus pour prendre les agrès. C'est très joyeux dans les numéros et plus grave dans les attitudes théâtrales.

© Patrick Lazic.
© Patrick Lazic.
Toute la troupe possède une maîtrise absolue de sa gestuelle. Rien de très original en somme sauf que tout est auréolé d'une simplicité à couper le souffle. Les scènes s'enchaînent autour de la planche à sautoir, de la roue allemande et de la roue Cyr (2), du trapèze, des contorsions, de la banquine, du diabolo, du mât chinois dans des cassures de rythme où douceur, grâce et efforts physiques alternent.

Il y a une très belle séquence de diabolo avec un, puis deux, et trois yoyos avec lesquels l'artiste crée des figures acrobatiques de toute beauté. La banquine est aussi de la partie avec un voltigeur faisant des sauts périlleux en prenant appui sur les mains de deux ou trois interprètes. Les séquences sont différentes les unes des autres.

Nous sommes dans un univers où les acrobaties sont reines mais partagent le pouvoir avec le jeu, la comédie, une posture, soit de comédiens, soit d'athlètes gommant les efforts et la difficulté derrière la grâce et la simplicité. C'est ce qui fait la caractéristique première de cette troupe.

© Patrick Lazic.
© Patrick Lazic.
Certes, les tableaux sont très variés et utilisent aussi bien les agrès que les corps pour des numéros dont les mouvements sont très complexes dans leurs exécutions mais les attitudes ne le laissent aucunement transparaître. La forme trahit généreusement le fond et donne ainsi un cachet qualitatif indéniable.

Puis, autour de toutes ces acrobaties faites avec maîtrise, un interprète sort du lot pour être faussement malhabile. Ce rôle est tenu de bout en bout. Le théâtre a toute sa part, il n'est pas à la marge, il est de plain-pied dans "Cirkopolis". Nous rebasculons dans le sketch, dans la comédie, qui avait démarré la représentation, donnant une touche décalée, presque fataliste d'une maîtrise que faussement il ne peut posséder. En somme, c'est vous, moi, le spectateur qui sommes interprétés pour faire partie, par procuration, belle et bien du spectacle.

(1) "Métropolis" est un film muet expressionniste allemand de science-fiction de 1927 réalisé par le cinéaste autrichien Fritz Lang (1890-1976). Nous sommes en 2026 et Métropolis est une mégapole découpée en une ville haute, composée de familles d'intellectuelles dirigeantes, qui vivent dans l'oisiveté et le luxe aux dépens de la ville basse, composée des travailleurs qui font fonctionner la ville.
(2) La roue allemande est une roue à deux anneaux alors que la roue Cyr, inventé par le cofondateur d'Éloize, Daniel Cyr, est une roue à un anneau. Pour ces deux types de roue, l'artiste s'accroche avec ses pieds et ses mains à celles-ci.

"Cirkopolis"

© Maxime Ragni.
© Maxime Ragni.
Direction artistique et mise en scène : Jeannot Painchaud.
Co-mise en scène et chorégraphie : Dave St-Pierre.
Avec : Colin André-Hériaud (main à main, jonglerie, roue allemande, banquine et planche sautoir), Selene Ballesteros-Minguer (corde lisse, trapèze, contorsion, jonglerie), Pauline Baud-Guillard (planche sautoir), Ashley Carr (personnage clownesque et planche sautoir), Aaron Dewitt (main à main, jonglerie, roue allemande, banquine et planche sautoir), Rosita Hendry (roue Cyr, Trapèze), Jonathan Julien (passing, porteur, banquine), Frédéric Lemieux-Cormier (roue allemande, jonglerie, plus cubique, banquine et planche sautoir), Alexis Maheu (contorsion, mât chinois et banquine), Arata Urawa (diabolo), Jérémy Vitupier (clown, jonglerie, roue allemande et banquine) et Antonin Wicky (clown, mât chinois, jonglerie, roue allemande, banquine et planche sautoir).
Compositeur : Stéphane Boucher.
Co-concepteur des images vidéo : Alexis Laurence.
Scénographe, illustrateur et co-concepteur des images vidéo : Robert Massicotte.
Concepteur acrobatique planche sautoir et banquine : Krzysztof Soroczynski.
Conceptrice des costumes : Liz Vandal.
Concepteur des éclairages : Nicolas Descôteaux.
Conseiller en dramaturgie et en jeu : Rénald Laurin.
Assistante aux metteurs en scène et entraineur (aérien et contorsion) : Émilie Grenon-Emiroglou
Répétitrice-chorégraphies et conseillère artistique : Johanne Madore.
Conceptrice des maquillages : Virginie Bachand.
Durée : 1 h 30.

Du 5 au 29 octobre 2017.
Mardi, jeudi et vendredi à 21 h, mercredi et samedi à 16 h et 21 h, dimanche à 15 h.
Théâtre le 13e Art, Grande salle, Paris 13e, 01 53 31 13 13.
>> le13emeart.com

Tournée

Du 14 novembre au 19 novembre 2017 : Isaac Theatre Royal, Christchurch (Nouvelle Zélande).
Du 23 novembre au 26 novembre 2017 : The Regent Theater, Dunedin (Nouvelle Zélande).
Du 1er décembre au 3 décembre 2017 : St James Theater, Wellington, (Nouvelle Zélande).
Du 5 décembre au 10 décembre 2017 : The Civic, Auckland (Nouvelle Zélande).

Safidin Alouache
Mardi 24 Octobre 2017

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024