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Coulisses & Cie

Ceci est peut-être la plus ancienne et la plus récurrente histoire

Tous se croient "Humain". Mais lorsque, de manière imprévue, le monde réel montre une forme de désaccord avec, par exemple, un petit virus venu du fond des âges, femmes & hommes (*) restent ébahis, éberlués, ahuris, tout ébaubis, stupéfaits et se trouvent bientôt colère. Cette histoire est celle de la bascule dans la douloureuse condition humaine lorsque le monde commun et stable disparaît.



"Ionesco Suite" diffusé en direct en décembre par le Théâtre de la Ville © Jean-Louis Fernandez.
"Ionesco Suite" diffusé en direct en décembre par le Théâtre de la Ville © Jean-Louis Fernandez.
Celui des habitudes, des désirs et de la volonté. Le monde se remplit alors de rumeurs et de fureurs. En ces moments, la panique gagne, la peur se propage, les entêtements se manifestent et les lignes de fractures apparaissent. Tout se sépare, les forces s'équilibrent et restent en suspens. Et lorsqu'il perçoit les lignes de fracture, les lignes de crête, l'humain a le vertige. C'est le temps de la crise. Les critères du choix au lieu de réunir séparent. Le présent disparaît. Le passé ronge, l'inconnu dévore.

Et pour ceux qui vivent la ligne de crête, c'est le temps de la tragédie. Il faut tout à la fois batailler et se terrer. C'est que dans le drame abasourdissant qui fait perdre le sens de la joie se faufile silencieusement, malgré tout, une force vive… Et un besoin de liberté.

Il y a ceux qui, en apnée, se jettent la tête dans le sable pour ne rien voir et durer, durer…
Il y a ceux qui, dressant la liste des morts, commentent, commentent.
Il y a ceux qui se lamentent et se flagellent.
Il y a ceux qui entrent en jouissance sans limite.
Il y a ceux qui veulent absolument changer les mots pour évacuer la chose.
Il y a ceux qui créent des rituels pour gagner les apparences d'un ordre.
Il y a ceux qui se mettent en retrait et créent, à la faveur de ce retrait, de nouvelles manières de relier ce qui se sépare, inventent, imaginent, pour le temps d'après, les nouvelles représentations du monde et les célébrations en commun.

Tous développent une force vitale qui trouve son point d'intensité dans une vigueur des mâchoires serrées. En attente, la force du rire libérateur, celui de la farce opposé aux lamentations et au sarcasme, ce rire qui, par cette dimension essentielle et archaïque, renverse, recompose les formes et les techniques de la représentation. Le théâtre dans sa puissance de farce se trouve au cœur de l'Humain.La vigueur comique. Vis comica.

Jean Lambert-wild © Tony Guillou.
Jean Lambert-wild © Tony Guillou.
Le théâtre. Ce théâtre qui ne fait que se réinventer et ressusciter. Éternelle fable de la tortue protégée par sa carapace et du phénix qui, brûlant ses ailes, ressuscite. Ce théâtre qui se fait attendre et pourtant piaffe.

Au cœur de cette pandémie, qui n'a trouvé d'autres solutions que le lazaret mental et la distanciation sociale, qui peine à trouver les solidarités, qui met à l'écart les lieux, les pratiques de rencontre et de célébrations, y compris l'hommage aux morts, il y a, nous l'avons dit, ceux qui se mettent en retrait et créent, à la faveur de ce retrait, de nouvelles manières de relier ce qui se sépare, inventent pour le temps d'après les nouvelles représentations du monde et les célébrations en commun. Ils sont autour de nous. Ils sont avec nous.

Qui essayent de dépasser les formes héritées du XIX et du XXe siècle qui, il faut bien l'avouer, avaient atteint les confins de la convenance et d'un divertissement conformiste. C'est pourquoi il est bon de repérer ceux qui, avec ou souvent sans le soutien d'institution, apportent cette vis comica à toutes les personnes fragilisées.

(*) Ce signe typographique longtemps considéré comme la 27e lettre de l'alphabet est un signe d'union alors que la conjonction "et" ne fait que coordonner, rapprocher. Inventé, dit-on, par le secrétaire de Cicéron, l'esperluette a disparu lors de l'édition du code Napoléon. En ces temps de besoin de trait d'union et d'inclusion, elle porte tous les espoirs.

Quelques propositions

"Le Rond-Point avec vous !"
En attendant la réouverture du Théâtre du Rond-Point, celui-ci propose une série de podcasts permettant la rencontre avec des auteurs et autrices, des comédiens(nes), metteurs et metteuses en scène, créatrice lumière, romancière, dramaturge, écrivain, humoristes, etc.
Les différents épisodes (13 actuellement) des podcasts du Rond-Point sont disponibles sur les plateformes Spotify, Deezer, Apple Podcast, Google Podcasts et Audiomeans…
Ou directement sur >> theatredurondpoint.fr/podcast/
Les invités à écouter sont : Jean-Michel Ribes, Isabelle Huppert, Daniel Pennac, Sara Giraudeau, Marc Fraize, Lolita Chammah, Dominique Bruguière, Gilles Cohen, Tania de Montaigne, Jacques Bonnaffé, Alice Zeniter, Patrick Timsit et Elise Noiraud.
Production : Moustic Studio.
Les prochains invités :
Jeudi 29 avril 2021 : François Morel.
Jeudi 13 mai 2021 : Marina Hands (en partenariat avec Télérama Dialogue).

"Quai des Étudiants"
Théâtre de la Criée, Marseille (7e).

Joies, découvertes et rencontres pour répondre à l’isolement social des étudiants, du mardi 13 avril au vendredi 30 avril 2021.
Aix-Marseille Université, le Théâtre de La Criée et le Centre Psychanalytique de Consultations et Traitement de Marseille-Aubagne se sont associés pour répondre à la réalité de l'isolement social des étudiants frappés par la crise sanitaire et ses contraintes. Le résultat de cette coopération est l'opération "Le Quai des Étudiants".
Au programme, trois semaines de joies, de découvertes et de rencontres pour renouer avec l’imaginaire, l’art et le partage mais aussi pour contribuer à la formation et la professionnalisation des étudiants avec :
Une Semaine de découverte de La Criée qui s'est déroulée du mardi 13 au vendredi 16 avril 2021.
Six temps forts étudiants ont eu lieu, mêlant visites, ateliers de pratique et temps de manipulation technique au plateau.
Une Semaine des métiers à La Criée : du lundi 19 au vendredi 23 avril 2021.
Dix demi-journées de stage professionnel pour découvrir les différents métiers du spectacle vivant à travers des temps théoriques et pratiques. Et notamment, les "Magies du plateau", un spectacle-atelier qui permet une riche découverte des métiers techniques, du vocabulaire et qui propose aux participants de réaliser des manipulations techniques.
Groupes de parole du lundi 19 au vendredi 23 avril 2021.
Chaque jour de 16 h 30 à 17 h 30, des groupes de parole sont également proposés aux étudiants qui souhaiteraient partager en groupe leurs difficultés, avec des thérapeutes qualifiés du Centre Psychanalytique de Consultations et Traitement de Marseille-Aubagne, sous la responsabilité du professeur Hervé Castanet.
Une Semaine de la médiation : du lundi 26 au vendredi 30 avril 2021.
Cinq jours de stage collectif et immersif aux côtés du service des relations avec les publics pour approfondir les enjeux et pratiques de médiation culturelle.
Dans ce cadre-là, plusieurs actions sont proposées : visite du théâtre accompagnée d'un atelier d’écriture, ouverture d’un temps de répétition et rencontre avec les équipes artistiques sur place, temps d’échanges et de retours critiques sur les pratiques de médiation, rencontre avec les différentes équipes administratives et techniques du théâtre, etc.
La participation des étudiants est valorisée dans le cadre de leurs formations sous forme de crédits ECTS et/ou de compensation de stage etc.
En chiffres : 200 étudiants inscrits, 20 formations concernées à AMU, 26 ateliers & rencontres.
Plus d’infos >> univ-amu.fr/fr/public/actualites/le-quai-des-etudiants
>> theatre-lacriee.com

Proposé par les Scènes du Golfe - Théâtres Arradon et Vannes
Un jour, un chapitre : 1 livre, 13 chapitres, 13 jours et 13 lieux.
"Si le soleil ne revenait pas" de Charles Ferdinand Ramuz, lu par Jean Lambert-wild.
Lecture filmée dans des lieux particuliers de Vannes et Arradon.
>> Un jour, un chapitre : "Si le soleil ne revenait pas"
Cette collaboration s'est poursuivie avec une conférence récréative sur le clown blanc : "Et soudain le clown !" (conférence récréative sur l'histoire et l'art du clown blanc) + "Un clown à la mer". En mars et avril, pendant 3 semaines, les Scènes du Golfe ont ainsi présenté ces spectacles dans les écoles primaires, les collèges et les lycées de Vannes et ses alentours. Au total, 27 classes ont accueilli un spectacle et donc un peu de joie artistique dans le contexte actuel compliqué !
>> "Et soudain le clown !"
>> Plus d'info sur la conférence de Jean Lambert-wild

Du côté de la scène nationale de Chalon-sur-Saône, les artistes en résidence, après avoir joué un cabaret au pied des balcons des EPAHD, ont installé des salles de classes dans les locaux de l'espace des arts.
À découvrir aussi sur leur site : "À défaut de s'asseoir en salle… On nage dans la Saône", une vidéo d'Antonia de Rendinger et Oldelaf, réalisée dans le cadre de l'Humour du risque.
>> espace-des-arts.com

Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théâtre de la Ville, avec tous les services sociaux de la Ville de Paris, diffuse à tous ce qui constitue ses succès. Et deux à trois fois par semaine sont proposés des conférences, des tables rondes, des spectacles diffusés en direct et accessibles via le site du Théâtre de la Ville.
20 avril 2021, table ronde diffusée en direct à 19 h : "Laboratoire de mythologies contemporaines", Gratuit.
23 avril 2021, Concert diffusé en direct à 21 h : Jay-Jay Johanson, Gratuit.
>> theatredelaville-paris.com

Des compagnies indépendantes comme celle d'Isabelle Starkier introduisent les formes de théâtres dans les technologies, une expressivité et un goût de la belle langue sur les réseaux.
La Cie Isabelle Starkier a décidé de (ré)inventer de nouvelles formes théâtrales dans la rue ou dans des lieux dont la scénographie permettra de protéger le public. Elle propose également de véritables représentations théâtrales interactives en visioconférence qui permettent de fédérer un public autour de comédiens qui jouent en direct.
>> cieisabellestarkier.fr

Jean Grapin & Gil Chauveau
Lundi 19 Avril 2021

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À découvrir

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023