La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Cirque & Rue

"Bosch Dreams"… Délice savoureux théâtral, poétique, musical et circassien

"Bosch Dreams", Espace Chapiteaux, La Villette, Paris

Dans le cadre du festival "Le Québec à la Villette", le cirque, drapé d'imaginaire et de poésie, dépose sa valise pour investir avec bonheur l'Espace Chapiteaux de La Villette dans une thématique artistique où la peinture de Jérôme Bosch est revisitée au travers du ludique et du merveilleux.



© Per Mortem Abrahamsen.
© Per Mortem Abrahamsen.
Avec "Bosch Dreams", l'univers circassien est à mille lieues des numéros d'acrobaties ou de fauves. Le cirque se renouvelle depuis de nombreuses années sous différentes formes. Pour ce spectacle, la troupe québécoise rend un hommage appuyé à Hieronymus Bosch, plus connu sous le nom de Jérôme Bosch (1450-1516), peintre néerlandais dont nombre d'artistes se sont inspirés. Nous entrons dès le départ par la grande porte, celle du tableau "Le jardin des délices" (1504).

Un conférencier (Rémy Ouellet) nous explique quelques panneaux de l'œuvre. Mais celle-ci s'anime d'elle-même en faisant vivre des personnages avec tels détails pointés pour nous amener vers d'autres lieux où se jouent d'autres scènes.

Le spectacle doit être appréhendé dans son tout. Celui-ci est composé des œuvres de Bosch avec Dali en arrière court, de musique, celle entre autres des Doors, Philip Glass, Duke Ellington, de théâtre et de quelques numéros de cirque qui n'en sont qu'un pendant. Tout se recoupe, se traverse et se tient dans cette cathédrale de création où chaque brique s'assortit de son voisin pour se lier à lui. On passe d'un univers à un autre sans que ni césure, ni coupure n'aient lieu.

© Per Mortem Abrahamsen.
© Per Mortem Abrahamsen.
La troupe nous emmène dans différents mondes avec des caractères tirés d'un tableau ou d'un songe qui atterrissent dans un conte pour investir le plateau. Ou à l'opposé, venant des planches, ils s'habillent des habits du fabliau pour finir dans une peinture animée. Car celle-ci s'anime, ce qui donne cet étrange sentiment irréel de fuite et d'évasion, voire de merveilleux. Les personnages, mi-réels, mi-imaginaires, semblent rejoindre un espace-temps particulier, celui de Bosch avec ses visions oniriques qui prenaient vie dans ses œuvres.

La seule caution à la réalité s'incarne chez le conférencier qui disparaît au final laissant les monstres de la création prendre leur quartier. Il incarne le théâtre dans sa nudité, faisant un discours alors que tout se tait autour de lui. La parole, confisquée par le silence, la musique et l'art pictural, semble se revêtir des habits du rêve, là où elle peut exister à contre-courant.

Il y a une très belle scène où au-dessus d'une baignoire se tient un homme faisant des acrobaties autour d'une clé enlacée à un cercle. Le tout est entre air et eau, accompagné d'une musique des Doors.

© Per Mortem Abrahamsen.
© Per Mortem Abrahamsen.
Une autre représentation montre une roue, tirée du tableau "Les sept péchés capitaux et les quatre dernières étapes humaines" (vers 1500), qui tourne ; et dans laquelle les différentes scènes circulaires de l'œuvre de Bosch apparaissent les uns à la suite des autres et où la réalité théâtrale vient s'immiscer avec, à tour de rôle, des monstres aux longues trompes, des sorcières au visage hideux, un monsieur élégant habillé de noir et une fille ressemblant à un petit chaperon vert à robe rouge.

Les tableaux opèrent par magie, deviennent réels car plongés dans le feu de l'imaginaire circassien, autour de personnages sortis tout droit de contes où la réalité, bousculée, se réfugie dans le micro d'un conférencier qui finit par s'éclipser.

La nudité d'un corps et les costumes aux couleurs sombres ou claires, toujours aux tons tranchés, permettent d'opérer une bascule visuelle dans laquelle l'imagination du spectateur peut se déplacer du concret du plateau vers les peintures de Bosch où le rêve et la poésie sont en habits de roi et de reine. On s'y laisserait prendre.

"Bosch Dreams"

© Per Mortem Abrahamsen.
© Per Mortem Abrahamsen.
Les 7 doigts et Théâtre République.
Idée originale et concept : Samuel Tétreault.
Scénario : Samuel Tétreault, Martin Tulinius et Ange Potier.
Textes : Samuel Tétreault, Martin Tulinius et Simon Boberg.
Direction artistique et mise en scène : Samuel Tétreault.
Avec : Vladimir Amigo, Héloïse Bourgeois, Sunniva Byvard, Evelyne Lamontagne, Mattias Umaerus,
Rémy Ouellet, Matthias Reymond
Consultation dramaturgique : Simon Boberg.
Assistance à la mise en scène : Charlotte Bidstrup, Olaf Triebel et Matias Plaul.
Vidéo et animation : Ange Potier.
Masques, costumes et décors : Ange Potier.
Création lumière : Sunni Joensen.
Création sonore : Janus Jensen.
Accessoires : Mette Hammer Juhl.

© Per Mortem Abrahamsen.
© Per Mortem Abrahamsen.
Réalisation des costumes : Bente Nielsen et Kristine Widriksen.
Costume du monstre poisson : Mathieu René.
Réalisation des masques : Karin Ørum.
Maquillages et ailes : Line Ebbesen.
Musique : Claire Gignac - La Nef, Nans Bortuzzo, Vivian Roost, The Doors, Philip Glass, Ahn Trio, Grapelli, Duke Ellington, Tom Waits, Chilly Gonzales.
Production Théâtre République.
Coproduction Les 7 Doigts et La Fondation Jheronimus Bosch 500.
Durée : 1 h 30.

Du 30 novembre au 17 décembre 2017.
Mercredi et vendredi à 20 h, samedi à 16 h et 20 h, dimanche à 16 h.
La Villette, Espace Chapiteaux, Paris 19e, 01 40 03 75 75.
>> lavillette.com

Safidin Alouache
Vendredi 8 Décembre 2017

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022


Brèves & Com








À découvrir

"Salle des Fêtes" Des territoires aux terroirs, Baptiste Amann arpente la nature humaine

Après le choc de sa trilogie "Des Territoires", dont les trois volets furent présentés en un seul bloc de sept heures à Avignon lors du Festival In de 2021, le metteur en scène se tourne vers un autre habitat. Abandonnant le pavillon de banlieue où vivait la fratrie de ses créations précédentes, il dirige sa recherche d'humanités dans une salle des fêtes, lieu protéiforme où se retrouvent les habitants d'un village. Toujours convaincu que seul ce qui fait communauté peut servir de viatique à la traversée de l'existence.

© Pierre Planchenault.
Si, dans "La vie mode d'emploi", Georges Perec avait imaginé l'existence des habitants d'un bâtiment haussmannien dont il aurait retiré la façade à un instant T, Baptiste Amann nous immerge dans la réalité auto-fictionnelle d'une communauté villageoise réunie à l'occasion de quatre événements rythmant les quatre saisons d'une année. Au fil de ces rendez-vous, ce sont les aspirations de chacun qui se confrontent à la réalité - la leur et celle des autres - révélant, au sens argentique d'une pellicule que l'on développe, des aspérités insoupçonnées.

Tout commence à l'automne avec l'exaltation d'un couple de jeunes femmes s'établissant à la campagne. Avec le montant de la vente de l'appartement parisien de l'une d'elles, écrivaine - appartement acquis grâce au roman relatant la maladie psychiatrique du frère qui les accompagne dans leur transhumance rurale -, elles viennent de s'installer dans une usine désaffectée flanquée de ses anciennes écluses toujours en service. Organisée par le jeune maire survient la réunion du conseil consultatif concernant la loi engagement et proximité, l'occasion de faire connaissance avec leur nouvelle communauté.

Yves Kafka
17/10/2022
Spectacle à la Une

"Qui a cru Kenneth Arnold ?" Une histoire à dormir… éveillé

Levant la tête vers le ciel, qui pourrait soutenir encore que le monde s'organise autour de la Terre centrale et immobile… depuis que Copernic et Galilée ont renversé magistralement la hiérarchie du système solaire, rejetant notre planète Terre - actrice décatie et déchue - au rang d'accessoire de l'étoile Soleil ? De même qui, de nos jours, pourrait être assez obtus pour affirmer que d'autres formes d'intelligences ne puissent exister dans l'univers… depuis que le GEIPAN (Groupe d'Études et d'Informations sur les Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés) a été scientifiquement créé pour démêler le vrai des infox entourant ces phénomènes ? Le collectif OS'O, la tête dans les étoiles (cf. "X", sa précédente création), s'empare de ce sujet ultrasensible pour apporter sa contribution… "hautement" artistique.

© Frédéric Desmesure.
Dans l'écrin du Studio de création du TnBA, une table avec, pour arrière-plan, un écran tendu plantent le décor de cette vraie fausse conférence sur les P.A.N. Mobilisant les ressources de la haute technologie - bricolée frénétiquement - un (vrai) acteur (faux) conférencier de haut vol, assisté d'une (vraie) actrice (fausse) scientifique coincée dans ses notes, et accompagné d'un (vrai) acteur complice, (faux) journaliste critique, incrusté dans les rangs du public, le maître ufologue va compiler les témoignages venus d'ici et d'ailleurs.

Sur le ton amusé des confidences, le conférencier introduit la session en livrant son étrange vision d'une nuit d'été où, à l'aube de ses quinze ans, à 23 h 23 précises, il fut témoin d'une apparition fulgurante alors qu'il promenait son chien sur une plage… Et, encore plus étranges, les deux heures qui suivirent et leur absence de souvenirs, comme s'il avait été "ravi à lui-même", enlevé par les passagers des soucoupes orange…

Suivent d'autres témoignages reposant eux sur des archives projetées. Ainsi, dans l'état du New Hampshire, du couple Betty et Barney Hill, témoignant "en gros plan" avoir été enlevé par des extraterrestres dans la nuit du 19 au 20 septembre 1961. Ainsi, au sud du Pérou, des géoglyphes de Nazca, photographies à l'appui montrant un système complexe de lignes géométriques seulement visibles du ciel… et ne pouvant avoir été tracées que par des extraterrestres…

Yves Kafka
09/02/2023
Spectacle à la Une

Dans "Nos jardins Histoire(s) de France #2", la parole elle aussi pousse, bourgeonne et donne des fruits

"Nos Jardins", ce sont les jardins ouvriers, ces petits lopins de terre que certaines communes ont commencé à mettre à disposition des administrés à la fin du XIXe siècle. Le but était de fournir ainsi aux concitoyens les plus pauvres un petit bout de terre où cultiver légumes, tubercules et fruits de manière à soulager les finances de ces ménages, mais aussi de profiter des joies de la nature. "Nos Jardins", ce sont également les jardins d'agrément que les nobles, les rois puis les bourgeois firent construire autour de leurs châteaux par des jardiniers dont certains, comme André Le Nôtre, devinrent extrêmement réputés. Ce spectacle englobe ces deux visions de la terre pour développer un débat militant, social et historique.

Photo de répétition © Cie du Double.
L'argument de la pièce raconte la prochaine destruction d'un jardin ouvrier pour implanter à sa place un centre commercial. On est ici en prise directe avec l'actualité. Il y a un an, la destruction d'une partie des jardins ouvriers d'Aubervilliers pour construire des infrastructures accueillant les JO 2024 avait soulevé la colère d'une partie des habitants et l'action de défenseurs des jardins. Le jugement de relaxe de ces derniers ne date que de quelques semaines. Un sujet brûlant donc, à l'heure où chaque mètre carré de béton à la surface du globe le prive d'une goutte de vie.

Trois personnages sont impliqués dans cette tragédie sociale : deux lycéennes et un lycéen. Les deux premières forment le noyau dur de cette résistance à la destruction, le dernier est tout dévoué au modernisme, féru de mode et sans doute de fast-food, il se moque bien des légumes qui poussent sans aucune beauté à ses yeux. L'auteur Amine Adjina met ainsi en place les germes d'un débat qui va opposer les deux camps.

Bruno Fougniès
23/12/2022