La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Humour

"Bled Runner"… Fellag, le combattant humoriste

"Bled Runner", Théâtre du Rond-Point, Paris, puis en tournée

Fellag, l'humoriste algérien, est de retour, offrant comme à son habitude une palette de situations dans laquelle il s'amuse à détourner les fleuves, allumer les contre-feux dans un humour où les situations sont poussées jusqu'à l'absurde pour bousculer les contextes sociaux, religieux et politique de l'Algérie.



© Christophe Vootz.
© Christophe Vootz.
Menacé de mort en Algérie, rassurez-vous le reste de l'article est plus joyeux, Fellag vient s'installer à Paris en 1995. Il ne perd pas pour autant son humour car après avoir été, entre autres, directeur du théâtre de Bejaïa (1993-1995), avoir fait une tournée le menant en Tunisie où il s'installe en 1994, il crée et rencontre aussi le succès en France dès son premier spectacle "Djudjurassique Bled" (1997).

Sur scène, il renoue avec des anciens sketchs de son cru en ayant pris soin de les revisiter. D'un regard acerbe, ciseleur, joyeux et tranchant, il s'amuse des travers de nos contemporains, algériens pour la plupart, et pour lequel nous pouvons reconnaître aisément la nature humaine dans ses perversions quelques fois, ses naïvetés parfois, ses roublardises souvent.

Ces fameux caleurs*, par exemple, dans les bus en Algérie, que l'on retrouve aussi en France dans le métro. Ou encore ces trop fameux hittistes, drame social national en Algérie, terme qui désigne ces jeunes désœuvrés qui, depuis les années quatre-vingt-dix, se tiennent à un mur pour passer le temps par manque de travail. Quelques détours aussi sur la religion avec un homme qui se rend au sommet d'une montagne pour savoir si oui ou non, il doit faire le Ramadan. La religion est vue au travers d'une prise de position qui fait cesser le silence pour ouvrir la voix des oubliés, humiliés et du citoyen lambda.

© Christophe Vootz.
© Christophe Vootz.
Fellag prend à partie la mentalité d'un pays, ses croyances, ses superstitions, ses modes de vie, ses problèmes de logement. Son humour est basé sur le quotidien, qu'il transpose dans une réalité dont il détourne le sens, le mot, en grossissant le trait pour le rendre absurde et décalé.

Le spectacle a pour fil rouge les différentes étapes de vie de l'artiste où on le voit enfant, jeune homme en Algérie, puis arrivant en France. Les visages, entre autres, de l'écolier, du mécanicien, du caleur, du hittiste défilent avec toute une mosaïque de portraits qui fait du spectacle un fidèle miroir d'une société malade de ses repères. À croire que la Méditerranée n'est qu'à une brasse de ce que nous vivons.

* Un caleur est une personne qui se cale dans les transports communs entre les femmes pour pouvoir les toucher et les caresser.

"Bled Runner"

© Christophe Vootz.
© Christophe Vootz.
Un spectacle de et avec : Fellag.
Mise en scène : Marianne Épin.
Choix des textes en complicité avec : Marianne Épin et Ahmed Madani.
Lumières : Pascal Noël.
Son : Christophe Sechet.
Vidéo : Quentin Vigier.
Dessin à la plume et aquarelle : Slimane.
Costumes : Eymeric François.
Durée : 1 h 30.

Du 23 février au 9 avril 2017.
Du mardi au dimanche à 18 h 30.
Salle Renaud-Barrault, Théâtre du Rond-Point, Paris 8e, 01 44 95 98 21.
>> theatredurondpoint.fr

© Charlotte Spillemaecker.
© Charlotte Spillemaecker.
Tournée
15 avril 2017 : Théâtre municipal, Beaune (21).
22 avril 2017 : Sud-Est Théâtre, Villeneuve-Saint-Georges (94).
25 au 27 avril 2017 : Théâtre Bernadette Lafond, Nimes (30).
28 avril 2017 : Théâtre Le Sémaphore, Port-de-Bouc (13).
2 mai 2017 : Le Pin Galant, Mérignac (33).
3 et 4 mai 2017 : Odyssud, Blagnac (31).
9 mai 2017 : Théâtre (ex Forum), Le Blanc-Mesnil (93).
11 mai 2017 : Théâtre municipal, Grenoble (38).
20 mai 2017 : Centre Culturel Jacques Prévert, Villeparisis (77).
23 mai 2017 : Théâtre Anthéa, Antibes (06).
14 au 17 juin 2017 : Théâtre 140, Bruxelles (Belgique).
24 et 25 juin 2017 : Les Nuits de Fourvière, Lyon (69).

Safidin Alouache
Mercredi 8 Mars 2017

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024