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Pièce du boucher

Avignon selon Barnabé ou le massacre des innocents

En direct du Festival d'Avignon: Off 2015 épisode 2

Ça y est ! La foule revient en nombre. Mais ne nous voilons pas la face pour autant. Alors que certains spectacles affichent complets ("Célimène et le cardinal", succès Avignon 2014), d’autres envisagent d’arrêter pour cause de salles complètement vides ("Loustic ou les ambivalences d’un leader charismatique"). Avignon, c’est le miroir aux alouettes et ça peut être dur, très dur…



Cloître Saint-Louis © D.R.
Cloître Saint-Louis © D.R.
Côté In, tout est beau (ou presque - nous y reviendrons !), et tellement lisse. Le Cloître Saint-Louis y est un lieu de paix et de quiétude où les gens sont si blancs et si propres. Si vous avez la chance de vous y promener, parviendra peut-être à vos oreilles le chant d’une jolie cantatrice rythmé par celui des cigales.

Côté off, c’est la cour des miracles. Le vent de ces derniers jours a emporté sur son passage des centaines d’affiches de spectacles envahissant les trottoirs d’annonces en tout genre (d’ailleurs, puisque Madame la Maire veut des rues propres, ça aurait peut-être été le moment de les nettoyer un peu, non ?). Ces va-nu-pieds, d'après le In (donc !), vendent leurs spectacles à la criée, abordant le passant en espérant le voir pénétrer dans sa salle.

In et Off, deux mondes qui ne se côtoient jamais. À la limite, ils se croisent. Le In peut être très ennuyeux avec parfois des auteurs qui s’écoutent penser et des acteurs qui s’écoutent respirer. 28 euros la place + 4,5 euros de navette pour se rendre à Vedène et voir jouer un spectacle d'Olivier Py hors les murs, est-ce faciliter l’accès au théâtre ?
Et à l’inverse, dans le Off, tout le monde est un peu artiste…

Et pour beaucoup de compagnies, alors qu’Avignon Off représente le lieu de la dernière chance, l’occasion d’être enfin vu, l’espoir de voir un programmateur entrer dans sa salle et d’acheter son spectacle, certaines en ressortent rincées. Pour donner une simple idée, au Théâtre "la Manufacture", une compagnie paiera une fortune pour se voir programmer les trois semaines (entre 15 et 20 000 euros). Pourtant la salle est moche et pas bien grande. Mais c’est là que les compagnies doivent être si elles veulent espérer être repérées. Car le Off souffre de la même maladie que partout en France : d’un hyper cloisonnement. Il y a les lieux repérés et les lieux oubliés. Par exemple, les spectateurs du théâtre "Le Paris" ne sont pas les mêmes que ceux de la "Manufacture" et la "Manufacture", c’est un peu le In du Off. À Avignon, même si tout coexiste en même temps, chaque compagnie ne vit pas le Off de la même manière.

Alors voilà, Avignon, c’est aussi le parfait représentant de cette crise du capitalisme : une surproduction de spectacles qui engendre finalement une extrême pauvreté et où tout le monde se sucre sur le dos des compagnies : les directeurs de salles, les hébergements (un simple deux pièces en centre-ville devient tout à coup scandaleusement cher, plus cher qu’un appartement dans le centre parisien), et même les cafés qui augmentent tout à coup leurs prix. Tout ce petit monde en ressort plus gras que jamais. Et bien entendu, dans ce "massacre des innocents", ce sont les compagnies et les artistes qui trinquent encore et toujours. Avignon, c’est beau, c’est grand, mais c’est aussi d’une cruauté sans nom.

Tout le programme du Festival Off d'Avignon

Barnabé et Sheila Louinet
Vendredi 10 Juillet 2015


1.Posté par Michel Alban le 14/07/2015 16:49
Cet article la, vous l'avez écrit il y a 20 ans et vous le réactualisez tous les ans, c'est ça hein ? Gardez le sous le coude, car vous pourrez le ressortir dans quelques années ! La Fête continue à Avignon !
P S : Je vais peut-être m'acheter un chapeau pour aller dans la Cour Saint-Louis, moi ? Ou plutôt aller boire un petit café du côté des Teinturiers !

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© Ève Pinel.
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© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

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© Philippe Hanula.
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N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
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