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Concerts

20 ans d'amitié et d'amour de la musique au Festival de Pâques de Deauville

Le Festival de Pâques de Deauville fête ses vingt ans depuis le 23 avril et jusqu'au 7 mai 2016. Vingt ans au service de la musique de chambre depuis cette première édition, parrainée par Maria Joào Pirès et Augustin Dumay, qui voyait débuter les solistes en vue d'aujourd'hui. Depuis lors, plusieurs générations se sont succédé pour une série de rencontres magiques entre aînés et jeunes héritiers.



Kossenko, Rondeau et Atelier de Musique © Claude Doaré.
Kossenko, Rondeau et Atelier de Musique © Claude Doaré.
Depuis la première édition du festival en 1997, dirigé avec passion par Yves Petit de Voize (1) et initié par quatre jeunes interprètes alors inconnus du public (Jérôme Pernoo, Jérôme Ducros, Nicolas Angelich et Renaud Capuçon), le public ne fait pas défaut. Tellement fidèle que le directeur artistique le connaît bien et l'accueille à l'entrée des concerts avec un petit mot pour chacun. Cette bienveillante complicité se retrouve aussi avec les musiciens, jeunes ou moins jeunes, qui se retrouvent avec bonheur pour jouer un large répertoire chambriste (de Bach à T. Escaich). Fidèles aussi les bénévoles d'année en année, ces chevilles ouvrières indispensables de la manifestation - et la marque assurée d'une convivialité joyeuse.

En ce week-end du mitan du festival (après un début brillant les 23 et 24 avril réunissant Augustin Dumay et Marc Minkowski pour la 5e symphonie de Franz Schubert, comme certains de ses solistes fondateurs pour Ernest Chausson), Bach, Mozart et Boccherini étaient à l'honneur le samedi 30 avril grâce à d'autres invités de marque. La fantaisie virtuose du jeune claveciniste Jean Rondeau faisait merveille, associée au talent du flûtiste Alexis Kossenko et du violoniste Julien Chauvin (2), dans le 5e Concerto brandebourgeois. Les musiciens du Quatuor Cambini (dont J. Chauvin) et l'Atelier de Musique accompagnaient (sur instruments anciens) le baryton Edwin Crossley-Mercer au chant intériorisé et beau dans la Cantate BWV 82 "Ich habe genug', donnée dans sa première version pour hautbois (génial Antoine Torunczyk) et cordes.

Margain, Bellom © Claude Doaré.
Margain, Bellom © Claude Doaré.
Après le Concerto pour piano n°17 de Mozart (Justin Taylor gracieux au pianoforte), les interprètes de la soirée livraient une "Casa del Diavolo' idéale. La quatrième des six symphonies opus 12 de Luigi Boccherini, ainsi transcendée par le feu de ses thuriféraires (avec le violon de J. Chauvin nous emportant dans sa fièvre dévorante), fut bien le clou de cette soirée avec son final étourdissant pastiché du ballet "Don Juan" (aux enfers) de Gluck… et une harmonie en état de grâce (toujours le hautbois impressionnant de A. Torunczyk et des cors admirables, ceux de Nicolas Chedmail et Cyrille Grenot).

Le lendemain brillait la jeune génération en trois configurations différentes pour un programme résolument contemporain. Après les onze miniatures extraites des neuf volumes des "Jàtèkok' du compositeur hongrois György Kurtàg (né en 1926), joueuses comme il se doit grâce aux quatre mains (sur un seul piano) de Guillaume Bellom et Ismaël Margain, en un duo aussi complice que fougueux, un trio composé du piano (G. Vincent), du violon (D. Petrlik), et du violoncelle (B. Philippe) redonnait vie aux "Lettres mêlées' de Thierry Escaich (né en 1965) avec ses lignes instrumentales complexes en une chorégraphie sonore savante.

Coeytaux, Gilles, Hennino et Julien-Laferrière © Claude Doaré.
Coeytaux, Gilles, Hennino et Julien-Laferrière © Claude Doaré.
Mais le choc musical nous était réservé par le (jeune) Quatuor Ulysse pour le second quatuor à cordes, "The Fourth Quarters', du compositeur anglais Thomas Adès (né en 1971). Pour avoir eu la chance d'admirer leur travail en répétition (pour une recherche patiente et obstinée des belles couleurs et de la vérité de l'œuvre) et son exécution magnifique en concert, nul étonnement d'apprendre que T. Adès leur a confié le soin de la créer au disque.

Convoquant l'héritage des œuvres de géniaux aînés (3), avec cette même radicalité irriguant pleinement un lyrisme tourmenté, mais faisant aussi appel aux techniques les plus modernes de jeu comme à une recherche de sonorités inouïes, les quatre mouvements du quatuor imposaient leurs climats diurne ou nocturne, si intenses et expressifs. Amaury Coeytaux et Perceval Gilles au violon, Léa Hennino à l'alto et Victor Julien-Laferrière au violoncelle ont porté haut, en cet après-midi de dimanche à Deauville, le risque et la vie incandescente de la musique que nous aimons.

(1) Yves Petit de Voize est un acteur incontournable de la vie musicale française par son action inlassable à la Fondation Singer-Polignac (qui a accueilli et soutenu plus de quatre cents jeunes musiciens à ce jour) - entre nombreuses autres activités.
(2) Julien Chauvin a créé en 2015 le Concert de la Loge (orchestre injustement persécuté par un comité tristement célèbre - car gangrené par la corruption - pour l'avoir initialement voulu "Olympique' dans la tradition du XVIIIe siècle).
(3) Debussy, Ravel, Bartok…

Atelier de musique © Claude Doaré.
Atelier de musique © Claude Doaré.
Concerts à réécouter sur le site de la chaîne Culturebox de France Télévisions.

Prochains concerts :
5, 6 et 7 mai 2016.

Programme complet :
>> musiqueadeauville.com

Festival de Pâques de Deauville.
Salle Élie de Brignac.
32, avenue Hocquart de Turtot, Deauville (14).
Tél. : 02 31 14 40 00 ou 02 31 14 14 74.

Christine Ducq
Mercredi 4 Mai 2016

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Concerts | Lyrique







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"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

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"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

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