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Concerts

Les beaux lendemains de Sonia Wieder-Atherton à Pleyel

Qui pourrait avoir envie d’écouter les œuvres d’un directeur de conservatoire un tantinet collabo et d’un compositeur allemand compromis avec les nazis ? Beaucoup de monde ce lundi 19 décembre à Pleyel ! Surtout quand il s’agit de la belle et talentueuse Sonia Wieder-Atherton.



OJF à Pléyel © Sylvain Pelly
OJF à Pléyel © Sylvain Pelly
Et tout l’Orchestre de Paris, des inconnus, des "pipeules" (dont l’ancien directeur de l’Opéra Hughes Gall, ou Cavanna), tous, vous dis-je, étaient pressés, en ce soir pluvieux, de venir applaudir l’élite des conservatoires et écoles de musique, formant l’Orchestre Français des Jeunes (OFJ) sous la direction du chef Dennis Russell Davies. Et bien sûr la grande violoncelliste Sonia Wieder-Atherton.

La célèbre soliste, avec sa générosité habituelle, est venue donner la réplique à l’Orchestre dans le "Don Quichotte" de Richard Strauss, un poème symphonique de 1897, loin du dodécaphonisme d’un Schönberg et du primitivisme d’un Stravinsky. Le dialogue de la virtuose Sonia Wieder-Atherton avec les musiciens de l’OFJ (vrai vivier de jeunes talents !) a fait sonner superbement cette orchestration straussienne riche, colorée, imposante… Sorte d’Apocalypse joyeuse et burlesque à la sauce "Cervantès" !


OJF et Sonia Wieder-Atherton à Pléyel © Sylvain Pelly
OJF et Sonia Wieder-Atherton à Pléyel © Sylvain Pelly
Dans une première partie du concert, la jeune formation, créée en 1982 pour donner une expérience orchestrale aux meilleurs musiciens de demain, a bien mérité de la nation en interprétant avec beaucoup d’impétuosité "La Procession nocturne" de Henri Rabaud.

Nous avons beaucoup aimé cette pièce aux grandes lignes éloquentes, mais aussi par moment vrai "prodige de ténuité", écrite en 1899. Le passé trouble de l’ancien directeur du Conservatoire, H. Rabaud, n’a pas été retenu contre lui, semble-t-il. Avec raison.

Mais allez-vous me rétorquer, c’est tout ce que proposait le Chef D. Russell Davies ce soir-là ? Et non !

Nous avons entendu aussi avec plaisir la "Sinfonietta" de Leos Janacek, une œuvre symphonique de 1926. Une sorte de fanfare synthétisant les influences moraves et pragoises du vrai premier compositeur moderne, avant Debussy. Comme en témoignent les accents pleins de bravoure, de naturel et de liberté de cette musique au grand style unique, réconciliant tradition populaire et composition savante.

Une très belle soirée donc, à Pleyel, et qui augure bien de l’avenir des formations orchestrales du monde entier ! Les jeunes solistes de l’OFJ ont été formidables, pleins d’une fougue exaltée par le jeu passionnant et impressionnant de la lauréate du concours Rostropovitch, la géniale (répétons-le !) Sonia Wieder-Atherton. Nous recommandons d’ailleurs son CD chez Naïve. Et les Jeunes, leur chef, la virtuose, tous ont reçu des ovations bien méritées.

"Orchestre Français des Jeunes, Dennis Russell Davies et Sonia Wieder-Atherton"

L'OJF et Dennis Russell Davies © Sylvain Pelly
L'OJF et Dennis Russell Davies © Sylvain Pelly
(Concert vu le 19 décembre 2011).

Sous la direction de : Dennis Russell Davies.
Avec : Orchestre Français des Jeunes.
Violoncelle : Sonia Wieder-Atherton.

Salle Pleyel, Paris 8e.
http://www.sallepleyel.fr/
Réservations : 01 42 56 13 13.

Pour connaître l’agenda de Sonia Wieder-Atherton :
http://soniawiederatherton.com/agenda

Christine Ducq
Jeudi 22 Décembre 2011

Concerts | Lyrique







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"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

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Isabelle Lauriou
15/05/2025
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© Philippe Hanula.
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N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
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"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

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Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

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