La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
CédéDévédé

Muz’nouch : chaos social

Des paroles qui sentent le trottoir et une musique qui n’a pas peur de se rouler dans tous les styles, voilà ce que propose le groupe caennais Muz’nouch, dans un deuxième album aux allures de voyou au cœur tendre.



© Éric Robillard.
© Éric Robillard.
Ils sont quatre, comme les Beatles. La comparaison s’arrête là. Si l’on veut dénicher des influences dans la créativité des Muz’nouch, il faut plutôt aller les chercher du côté de Renaud ou de Boris Vian pour le ton et le fond, et un peu dans tous les genres pour l’univers musical : jazz, rock, musette, tzigane… Manque juste la techno, peut-être parce qu’aucun des membres du quatuor n’éprouve d’affinités avec les marteaux-piqueurs numériques, peut-être aussi pour de très banals impératifs techniques.

Car les Muz’nouch veulent pouvoir s’installer n’importe où, à l’improviste, pour envoyer leurs couplets. "Sur le disque, il y a des arrangements, de l’électrique, explique Valéry Dekowski, le chanteur. Mais sur scène, on garde ce quatuor en bois, avec la possibilité de jouer et de chanter dans la rue. On peut chanter toutes les chansons sans sono, sans micro, sans rien. On se met sur un bout de trottoir et c’est parti. C’est un critère de sélection des chansons très important. Et des thèmes abordés qui vont avec".

© Éric Robillard.
© Éric Robillard.
Le fait est que ça sent le pavé. Dans tous les sens du terme : manif’ et fleur de bitume. Du "Vieux chacal", qu’"y a bien qu’la mort pour l’empêcher/d’ouvrir sa gueule sous une pancarte", à "Gaston et sa cibiche", qu’"aimait bien vivre dans la fumée/ça piquait mais c’était comme un pet qu’on fait", en passant par les "Gueux dégueux", "tous ces vilains qui tendent la main", les thèmes de Muz’nouch respirent la déglingue sociale, le dessous de bras libertaire et l’amour des gueules qui se s’oublient pas. Ou qui refusent de se faire oublier, comme la mère de "T’es morte" qui ouvre l’album dans un feu d’artifice de mélancolie ironique.

Et quand la fantaisie pointe, c’est aussi sur l’air de la Carmagnole : "Les jouets d’cons" et son père désolé "de pas pouvoir t’payer l’jouet qu’tas vu en rayon/qu’est moche comme un yorkshire et vaut la peau du fion", "Merci" et son bon citoyen qui remercie les myopathes "grâce à vous j’combats la misère/je suis aussi cool que l’Abbé Pierre/quand j’vous soutiens j’me sens moins nul/pis j’paye moins d’impôts, bon calcul !" ou encore le héros malchanceux de "La pub et le progrès", dont les aventures "dans un monde où tout était prévu et tout organisé" ne se passent pas exactement comme prévu, justement…

Mais alors, direz-vous, au milieu de ce déluge de misères, certes souvent cocasses mais misères tout de même, reste-t-il un peu de place pour la tendresse et l’amour ? Surprise… Pour le savoir, il vous faudra acheter l’album ou aller voir Muz’nouch en concert…

• Muz’nouch "T’es morte".
Sortie le 21 mai 2012.
Label (et distribution) : Rue Stendhal.

Muz’nouch : chaos social
• En concert les 30 et 31 mai 2012 à 21 h.
Théâtre de la Vieille Grille, 1, rue du Puits de l’Ermite, Paris 5e, 01 47 07 22 11.
Chant : Valéry Dekowski.
Guitare : Gary Grandin.
Contrebasse : Hugues Letort.
Accordéon : Nicolas Bordes.

Gérard Biard
Lundi 14 Mai 2012

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024