La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Concerts

Paavo Järvi et l'Orchestre de Paris… ce n'est qu'un au revoir !

Le 18 juin 2016, à la Philharmonie, le plus français des chefs estoniens donnera son dernier concert comme directeur musical de l'Orchestre de Paris. Musiciens et public auront sans doute le cœur serré - comme le Maestro lui-même - tant ses six saisons à la tête de la phalange parisienne ont été marquées par une belle réussite.



Orchestre de Paris, Paavo Järvi © J.-B. Pellerin.
Orchestre de Paris, Paavo Järvi © J.-B. Pellerin.
Six saisons, une belle aventure humaine et artistique que celle vécue par le chef estonien Paavo Järvi et l'Orchestre de Paris. Six saisons consacrée à remodeler un orchestre revenu au top des formations françaises reconnues au niveau international. En témoignent les échos des nombreuses tournées effectuées sur tous les continents dans des articles élogieux parus un peu partout.

En France ? Le chef ne fait pas encore l'unanimité. Serait en cause une prétendue "froideur" sans doute inhérente (pour ses détracteurs) à un artiste né à Tallinn ? Pour qui était à son avant-dernier concert à la Philharmonie le 25 mai (comme à tous les autres), le reproche ne tient pas. Il suffisait de voir l'émotion et la gratitude des musiciens de l'orchestre comme celles du public.

Ce concert portait assurément l'empreinte du chef devenu en quelques années un des plus marquants de la longue histoire de l'orchestre. Il s‘ouvrait par une création commandée au compositeur Richard Dubugnon : un "Caprice II pour orchestre", mettant à contribution tous les pupitres en un crescendo électrisant.

Paavo Järvi © Mirco Magliocca.
Paavo Järvi © Mirco Magliocca.
Puis l'orchestre avait invité le soliste Leonidas Kavakos pour le Concerto pour violon n°2 aussi âpre que virtuose de Béla Bartok, période "Allegro Barbaro". Enfin, la Symphonie n°6 de Dimitri Chostakovitch (un des compositeurs fétiches de Paavo Järvi) - malheureusement moins donnée que les 5e et 7e - entraînait la ferveur générale avec ses trois mouvements aux climats antagoniques.

Et en effet, qui mieux que le fils du fameux Neeme Järvi (1) pouvait rendre au largo son atmosphère quasi funèbre avec ses longues phrases mélodiques raffinées, la vivacité diabolique des changements de rythme de l'allegro comme la force cosmique du presto final ? Froideur ? Certainement pas… mais le feu sous l'apparent self-control et une vraie passion pour des partitions libérant dangereusement les forces motrices à l'œuvre dans l'univers. Le 18 juin, le programme de son dernier concert comme directeur musical de l'Orchestre de Paris est construit autour de la 3e symphonie de Gustav Mahler - évidemment un autre compositeur de son Panthéon.

Paavo Järvi a annoncé il y a longtemps son départ (2), décidé alors même qu'il déclarait lui-même "adorer" l'orchestre. C'est que d'autres aventures l'attendent ailleurs. Mais nous reverrons toujours avec gratitude l'homme qui ne manquera pas de revenir en France pour nous rappeler son amour du travail bien fait et la haute idée qu'il se fait de sa mission et des orchestres qu'il dirige. Et puis en attendant (pour qui en douterait, ne le connaissant pas), son humour sarcastique et son expertise se vérifieront comme chaque année sur les réseaux sociaux aux prochaines éditions de l'Eurovision. Un des plus grands chefs au monde s'intéressant à l'Eurovision ? Oui, il est comme cela monsieur Järvi, un passionné sans préjugés - tout ce qu'il y a d'aimable.

(1) Paavo Järvi appartient à une famille de musiciens avec les chefs d'orchestre Neeme Järvi et Kristjan Järvi (son frère). Ses répertoires de prédilection sont français, allemand, russe et scandinave.
(2) Outre le Deutsche Kammerphilharmonie de Brême (dont il est directeur artistique depuis 2004), Paavo Järvi rejoint l'orchestre symphonique de la NHK à Tokyo.


Prochains concerts de l'Orchestre de Paris
18 juin 2016 à 20 h 30.
Philharmonie de Paris, "Grand final de Paavo Järvi".
Gustav Mahler, Symphonie n°3.
Paavo Järvi, direction.
Michelle DeYoung, alto.

21 juin 2016 à 22h.
Sous la Pyramide du Louvre, "Fête de la musique".
Gustav Mahler, Symphonie n°4.
Daniel Harding, direction.
Christina Landshamer, soprano.

>> paavojarvi.com
>> orchestredeparis.com

Christine Ducq
Vendredi 17 Juin 2016

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024