La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Cirque & Rue

"Blizzard" Tempête de neige au cœur de l'hiver pour un tourbillon de poésie visuelle et de folie acrobatique virtuose

Un vent glacial souffle sous le chapiteau de FLIP Fabrique, de ce souffle plein de froidure hivernale québécoise qui vous emporte dans de blanches contrées oubliées où le monde revêt de lourds manteaux neigeux… l'occasion rêvée pour les artistes la la compagnie circassienne basée à Québec d'imaginer un spectacle sous les flocons… plein de poésie et de virtuosité acrobatique.



© Sébastien Durocher.
© Sébastien Durocher.
Comment raconter l'effroyable blizzard si ce n'est en imaginant une exploration poétique de son univers fait d'un immense décor de neige et d'un rideau vibrant, envoûtant, hypnotique de flocons blancs dansant de façon permanente comme de petites fées clochettes hivernales domptant le froid et la tempête ; et des attitudes spécifiques qu'il génère, de l'habillement multicouche qu'il impose aux pratiques ludiques ou sportives (bataille de boules de neiges, hockey sur glace, etc.) qu'il crée.

Au centre de la scène, un cube - en forme de conteneur - partiellement évidé, les parois restantes étant translucides… Grand froid par temps de blizzard, il neige sous le chapiteau… le conteneur servira d'illusoire protection avant de devenir un étonnant agrès accueillant quelques équilibres pyramidaux ou devenant l'instrument et/ou le support de ceux-ci ou d'autres performances équilibristes et acrobatiques. Le piano est à proximité et les autres agrès se positionnent au fur et à mesure en devant de scène.

© Emmanuel Burriel.
© Emmanuel Burriel.
Les sept acrobates de FLIP Fabrique s'emparent du thème qu'ils ont créé avec énergie, enthousiasme et espièglerie (celle-ci alimentant les séquences clownesques hilarantes, notamment le numéro consistant à vêtir de façon exagérée l'un d'entre eux), encouragés, stimulés par un chanteur musicien (piano, guitare, banjo) d'une redoutable efficacité tant sur ses interprétations vocales et l'attrait mélodique que sur l'apport rythmique toujours très pertinent.

Double mât pour portées aériennes pleines de fougue, trampoline générant de spectaculaires envols, mains à mains sur fond de mélodie douce et mélancolique, gestes acrobatiques variés et précis, jonglages usant de pelles et boules de neige, ou, plus classique, avec des balles, mais à sept jongleurs - dont une séquence dans le cube en utilisant les parois transparentes -, acrobaties à la sangle, seul puis en couple. Ces dernières se révèlent être un très beau numéro d'une grande élégance, très athlétique, d'où émerge beaucoup de délicatesse entre les deux partenaires. Jeu avec de grands cerceaux lumineux (à leds, changements de couleurs, visuellement bluffant), effet spectaculaire et magique, d'une grande force graphique, optique, entre merveilleux et féérique, virtuose.

© Sébastien Durocher.
© Sébastien Durocher.
La marque de fabrique de FLIP est l'émanation constante d'effluves poétiques issues de personnalités artistiques à la fois espiègles, vives et profondément généreuses… tout en étant des performeuses et performeurs circassien(ne)s confirmé(e)s réalisant des séquences très techniques, parfaitement maîtrisées. Les numéros acrobatiques ont réellement un niveau international. L'aisance dans la réalisation des figures (saut, salto, jetée, chutes, etc.) n'a d'égal que la fluidité des enchaînements. Chacun est toujours très aérien dans la réalisation d'un échange, d'une performance. Les sept membres maîtrisent tous à la perfection les différents arts du cirque (acrobatie, voltige, jonglage, clown, etc.) et il y a quasiment en permanence une vraie jubilation sur le plateau.

Blizzard, vous avez dit blizzard ! Dans une cohérence théâtrale bienvenue et pour un apport comique jouissif, trois-quatre capsules aux sonorités publicitaires sont réparties dans le déroulement du spectacle. Ces interventions "à l'initiative" de l'improbable ministère canadien du froid, de la froidure et du "brrr" accentuent l'approche décalée et volontairement dédramatisante d'un phénomène météorologique pas toujours bienveillant comme nous avons pu le voir récemment en Amérique du Nord.

L'univers, les ambiances, les atmosphères et les situations burlesques, avec leurs prodigieuses envolées, leurs tableaux théâtraux, poétiques et intemporels ne sont pas sans rappeler la magie, la féérie d'un "Slava'Snowshow" ! Les artistes québécois associent avec talent, souvent avec virtuosité, humour jubilatoire et tendre lyrisme, usant de la magie du geste, de l'adrénaline des fragiles corps-à-corps tout en légèreté et de la beauté chorégraphique des acrobaties… Un spectacle hivernal qui réchauffe les cœurs et nos imaginaires les jours de grisouille et de brrr !

"Blizzard"

© Emmanuel Burriel.
© Emmanuel Burriel.
Concept original : FLIP Fabrique.
Direction générale et artistique : Bruno Gagnon.
Mise en scène : Olivier Normand.
Distribution originale : Camila Comin, Bruno Gagnon, William Jutras, Justine Méthé-Crozat, Hugo Ouellet-Côté, Samuel Ramos, Jérémy Saint-Jean.
Distribution actuelle : Justine Méthé-Crozat, Alana Moggridge, Ben Nesrallah, Hugo Ouellet-Côté, Thierry Proulx, Samuel Ramos, Jérémy Saint-Jean, Daniel Sullivan.
Scénographie : Marie-Renée Bourget Harvey.
Éclairages : Caroline Ross.
Costumes : Erica Schmitz.
Musique : Ben Nesrallah.
Durée : 1 h 15.

A été représenté du 8 au 31 décembre 2022.

À l'Espace Chapiteaux, Parc de la Villette, Paris 19e, 01 40 03 75 75.
>> lavillette.com

© Emmanuel Burriel.
© Emmanuel Burriel.
Tournée
17 janvier 2023 : Agora Desnos - Scène nationale de l'Essonne, Évry-Courcouronnes (91).
20 et 21 janvier 2023 : Maison des arts, Créteil (94).
25 janvier 2023 : Palais du Littoral, Grande-Synthe(59).

Gil Chauveau
Jeudi 12 Janvier 2023

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024