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Coin de l’œil

Sur la piste du Marsupilami : Houba top !

On a tout en nous quelque chose du Marsupilami. En tout cas, nous sommes nombreux à avoir rêvé de le rencontrer pour de bon. Alain Chabat vient de donner vie à ce fantasme d’enfance. Et, par la même occasion, de rendre un très bel hommage à un dessinateur de génie.



© Copyright : Chez Wam - Nicolas Guiraud.
© Copyright : Chez Wam - Nicolas Guiraud.
Flash back. Nous sommes en 1969, j’ai dix ans, et pour mon anniversaire, mes parents m’offrent quelques albums de BD. Parmi eux, entre un Lucky Luke et un Astérix, "Le nid des Marsupilami" de Franquin. J’y découvre un animal extraordinaire, générateur d’une hilarité instantanée, que tous les enfants - et pas mal d’adultes - voudraient avoir pour compagnon.

À peine l’album refermé, je fais un gros caprice : je veux aller au zoo voir un Marsupilami pour de vrai. Ma mère a le plus grand mal à me faire admettre qu’un petit singe à fourrure jaune tachetée de noir, doté d’une queue de plusieurs mètres de long, qui a un nombril mais est ovipare, qui avale des piranhas comme on dévore des cacahuètes, qui est amphibie et rigole quand il prend un coup de jus de 300 volts, et qui, en prime, est capable de parler par mimétisme, comment dire… ça n’existe pas. Énorme déception. Le Père Noël, je m’en foutais complètement, mais le Marsupilami, non, ce n’est pas possible…

© Copyright : Chez Wam - Nicolas Guiraud.
© Copyright : Chez Wam - Nicolas Guiraud.
Fin du flash back, retour au présent. Nous sommes dans une salle qui projette le dernier film d’Alain Chabat. Je découvre, quarante ans plus tard, que maman m’avait menti : le Marsupilami existe ! Il est là, sur l’écran, pour de bon, ce n’est pas un dessin, il bouge, il saute, il nage, il crie "Houba !", il bouffe des piranhas, il cogne des militaires, il fait des câlins à la Marsupilamie…

Après avoir donné vie au meilleur Astérix live - et le seul de la trilogie qui ne fasse pas injure aux talents comiques de Goscinny -, Chabat récidive et réalise cette fois un vrai fantasme de gosse. Le sien, sans nul doute, mais aussi celui de tous ceux qui ont lu, relu et rerelu les albums de Franquin en rêvant de voir un jour, "pour de vrai", le Marsupilami mettre une rouste à des galonnés d’opérette, faire de la voltige accroché à sa queue, aller à la pêche aux poissons carnivores, faire ami-ami avec un reporter maladroit et un héros aux allures de gamin… Tout y est. Chabat ne rate aucune des scènes incontournables, de la découverte du nid à la naissance des bébés marsu, en passant par la vision iconique de l’animal perché en haut de son interminable queue, sur fond de forêt palombienne.

© Copyright : Chez Wam - Nicolas Guiraud.
© Copyright : Chez Wam - Nicolas Guiraud.
Bien sûr, la patte des Nuls est là, avec ces séquences décalées et parfois un peu foutraques, qui sentent la déconnade entre copains partis en vrille sans d’autre souci que de se faire plaisir. Avec, aussi, ce numéro magistral de transformiste, exécuté par un Lambert Wilson visiblement bien décidé à tourner la page austère "Des hommes et des dieux". Avec, surtout, LA scène. Une scène moins enfantine, certes, mais indéniablement potache, et qui mérite largement sa place au Panthéon des grands moments de délire nonsensique. Rien de spectaculaire, juste trois ingrédients - un mini-chien ridicule, la tête de Jamel et une idée audacieuse -, mais le résultat déclenche un fou rire difficilement contrôlable.

© Copyright : Chez Wam - Nicolas Guiraud.
© Copyright : Chez Wam - Nicolas Guiraud.
Oui, "Sur la piste du Marsupilami" porte la marque de son réalisateur - ce qui est la moindre des choses. Mais, avec sa ribambelle de mouflets qui entourent les héros, avec ses animaux colorés, avec ses méchants grotesques, avec son dictateur fleur bleue, avec ses péripéties irréelles, il porte aussi la marque de Franquin et de son univers faussement naïf. Franquin, artiste et créateur de génie, écolo, pacifiste et indéfectiblement du côté des antihéros - bien avant que tout ceci ne devienne tendance -, dont l’un des rêves était sans doute de permettre aux enfants de grandir sans devenir de tristes adultes "responsables" et gris. Qu’il soit rassuré : si par malchance ou par erreur nous le sommes devenus, Alain Chabat nous offre un épatant billet de retour.

Allez, tous ensemble avec l’autre Alain, Souchon - qui aurait fait il y a quelques années un très crédible Gaston Lagaffe : "J'ai dix ans / Je sais que c'est pas vrai mais j'ai dix ans / Laissez-moi rêver que j'ai dix ans / Si tu fais chier l’Marsu, hé / T’ar ta gueule à la récré !"

© Copyright : Chez Wam - Nicolas Guiraud.
© Copyright : Chez Wam - Nicolas Guiraud.
● Sur la piste du Marsupilami
Réalisation : Alain Chabat.
Scénario : Alain Chabat et Jeremy Doner, d’après l’œuvre originale de Franquin.
Directeur de la photographie : Laurent Dailland A.F.C.
Avec : Jamel Debbouze, Alain Chabat, Fred Testot, Lambert Wilson, Géraldine Nakache, Liya Kedebe, Patrick Timsit, Aïssa Maïga, Jacques Weber et The Great Khali.
En salles depuis le 4 avril 2012.

© Copyright : Chez Wam - Nicolas Guiraud.
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Gérard Biard
Lundi 16 Avril 2012

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"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

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Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
06/03/2024
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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023