La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"L’École des femmes" par Philippe Adrien... Une mise en lumière de la fragilité des destins

"L’École des femmes", Théâtre de la Tempête, Paris

L’histoire de "L’École des femmes" de Molière est connue : elle est celle de la séquestration d’une jeune fille abandonnée, Agnès. Son bourreau, Arnolphe alias M. de La Souche, veut la forcer au mariage tout en ne voulant pas être un mari trompé. Il a tout fait pour qu’Agnès soit bête et inculte.



© Laura Mariani.
© Laura Mariani.
La tenue de la maison est absolument irraisonnable. Les femmes y passent pour le potage de l’homme et c’est là-bas que, du côté de la barbe, se veut la toute-puissance. Les serviteurs y sont particulièrement idiots. Le petit chat y meurt. Assurément les choux des potagers fussent-ils des chou-pins ne porteront pas de choupinettes.

Agnès ingénue découvre à rebours son intelligence, sa liberté et sa force dans l’amour avec un jeune homme, Horace.

De rebondissements en coups de théâtre, Molière sublime le thème traditionnel du mariage forcé. À la fois témoignage et plaidoyer pour la liberté, la pièce oscille entre réalisme, drame, comédie et farce jusqu’à un happy end d’apothéose. Frappée au coin du bon sens et de l’expérience, elle est pure comédie et offre à chaque comédien matière à chatoiement ; et au spectateur matière à divertissement et réflexion.

© Laura Mariani.
© Laura Mariani.
Philippe Adrien qui met en scène fait confiance au texte, à la jeunesse et au jeu, laisse le plaisir de jouer se diffuser en toute liberté. Le jeu est juste, et le spectateur ravi voit le théâtre se nourrir du théâtre dans l’enfantement de sa vérité.

C’est ainsi que les costumes du XIXe siècle, les cousins d’Amérique présentés en amish, renforcent la cohérence interne de la pièce plutôt que d’apparaitre comme éléments anachroniques.

© Laura Mariani.
© Laura Mariani.
La proposition de faire d’Horace un jeune homme métis est une authentique intuition dramaturgique qui relie, densifie les destins des deux amoureux. Historiquement crédible, elle fait en effet d’Horace un enfant de l’amour entre un colon blanc de l’Amérique et une esclave noire.

Le spectateur adore la fraicheur et la vitalité de cette proposition qui renvoie à la fragilité des destins.

"L’École des femmes"

© Laura Mariani.
© Laura Mariani.
Texte : Molière.
Mise en scène : Philippe Adrien.
Avec : Raphaël Almosni (Enrique et notaire), Vladimir Ant (Oronte), Gilles Comode (Alain), Pierre Diot (Chrysalde)
Joanna Jianoux (Georgette), Valentine Galey (Agnès), Pierre Lefebvre (Horace), Patrick Paroux (Arnolphe).
Scénographie : Jean Haas.
Lumières : Pascal Sautelet, assisté de Maëlle Payonne.
Musique et son : Stéphanie Gibert.
Costumes : Cidalia Da Costa.
Maquillages : Sophie Niesseron.
Collaboration artistique : Clément Poirée.
Direction technique : Martine Belloc.
Habillage : Emilie Lechevallier et Françoise Ody.

Du 13 septembre au 27 octobre 2013 (prolongations jusqu'au 2 novembre).
Du mardi au samedi à 20 h, le dimanche à 16 h.
Théâtre de la Tempête, Salle Serreau, 01 43 28 36 36 .
>> la-tempete.fr

Jean Grapin
Mardi 8 Octobre 2013

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024