La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Cirque & Rue

"C'est pour toi que je fais ça !" Un classique des arts du cirque révisité par son créateur et la 34e promotion du CNAC à Culture Commune !

Culture et histoire communes pour deux entités qui marquent de leurs empreintes le territoire nordiste et minier depuis plus de trente ans. Pour signer ce parcours partagé, l'un, Guy Alloucherie, recrée une pièce maîtresse du répertoire circassien et l'autre, Culture Commune - Scène nationale du bassin minier du Pas-de-Calais, l'accueille sous chapiteau dans le cadre des "Trajectoires"… au cœur de l'ancien carreau de mine 11/19.



© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
Tout d'abord, pour la petite histoire - mais grande au pays des terrils ! -, c'est le 30 avril 1990, peu avant la fermeture du dernier puits de mine du territoire, que naissait une "association intercommunale de développement artistique et culturel" connue sous l'intitulé "Culture Commune". Celle-ci fut à l'époque portée par vingt-deux communes du Bassin minier du Pas-de-Calais (département qui fut de ceux sévèrement touché par une désindustrialisation de grande envergure).

En 1999, alors que La Fabrique Théâtrale venait tout juste d'être investie - lieu situé sur la Base 11/19 de Loos-en-Gohelle -, Culture Commune obtient le label "scène nationale". Détentrice de cette nouvelle reconnaissance, elle confirmera son action au service du territoire, pour inciter artistes, communes, actrices et acteurs du terrain et habitants(es) à travailler ensemble autrement, par le prisme de la culture. En 2014, arrive, à la direction de la structure, Laurent Coutouly qui poursuit encore aujourd'hui les actions imaginées en 90 et les développe.

© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
Culture Commune, c'est maintenant une équipe engagée et dynamique qui développe des actions artistiques et culturelles en lien avec des artistes et la population sur un vaste territoire urbain et rural composé de plus de 150 communes. Elles ont lieu tout au long de l'année, à la Fabrique Théâtrale, à proximité et dans les communes, mais aussi en itinérance. Pluridisciplinaire, le projet de Culture Commune s'appuie sur deux axes artistiques et culturels, à savoir "les écritures" et "le corps en mouvement". Cela permet d'approcher différentes démarches artistiques et d'accueillir une large palette d'artistes (auteurs, metteurs en scène, circassiens ou chorégraphes, etc.), pour certains en résidence afin de privilégier une politique de soutien au long cours de ces derniers.

Guy Alloucherie (avec sa compagnie Hendrick Van der Zee ou HVDZ, fondée en 1997) est depuis quelques années résident et artiste compagnon de Culture Commune… Ainsi, c'est sur le plateau de la Fabrique Théâtrale, il y a presque 25 ans, que s'est construite la création de ce classique des arts du cirque, "C'est pour toi que je fais ça !", revisité cet automne avec adresse et fougue par son concepteur et les quatorze étudiants circassiens issus de la 34e promotion du CNAC. C'est donc une longue trajectoire commune qui se poursuit avec la structure nordiste.

© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
"C'est pour toi que je fais ça !" fut la première confrontation de Guy Alloucherie avec les arts du cirque. Pour cette création, il explora les champs de rencontres possibles entre le théâtre, le cirque et la danse, ce qui fut une première dans un univers circassien qui avait connu une première "révolution" en quittant la tradition et qui allait en connaître une seconde en découvrant, après la concrétisation de ses recherches, la possibilité de l'expression émotionnelle, de la mise en place de situations théâtrales et d'une dramaturgie exprimée dans les comportements d'artistes habitués à un cirque mis en scène, certes, mais resté très technique.

La reprise de "C'est pour toi que je fais ça !" en 2021 est l'occasion d'une nouvelle expérimentation et d'une nouvelle recherche collective avec des étudiants représentant une génération très actuelle, porteuse de nouveaux codes, de parcours distincts, de regards sur le monde différents, même s'ils sont issus du même CNAC que les artistes créateurs de 1997. Si les bases du spectacle sont restés les mêmes, notamment son aspect pluridisciplinaire, le travail collectif a permis d'amener des disciplines qui sont spécifiques à cette 34e promotion ; et, surtout, d'exprimer des situations théâtrales qui appartiennent à leur jeunesse du "XXIe siècle" !

© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
D'emblée, le décor est planté, composition aérée propice aux passages, aux stationnements, aux rencontres… Un fauteuil, un canapé, un comptoir de bar et des agrès (planche coréenne, fil de fer... ou plutôt de corde, mât chinois, trapèze volant), chaque élément ayant une future vocation acrobatique, à titre de support ou de base technique à la réalisation d'un numéro de cirque ; ou étant le théâtre de scènes en mode de tentatives relationnelles ou conflictuelles pour les trois premières citations mobilières. D'autres (cerceau ou roue allemande), en humeur de mobilité, apparaîtront au cours du spectacle sous le jeu talentueux de leurs jeunes praticiens. L'ambiance est au hall de gare, aux quais sans destinations affichées, aux va-et-vient, aux échanges et aux rendez-vous inattendus.

Dans cet espace porteur d'imaginaire ferroviaire riche en déambulations, les individualités vont se frictionner, se friter, se reconnaître, s'assembler en construction d'amour ou d'amitié, en duo, trio, quatuor, etc. Puis, parfois, se regroupent en une ou deux formations de cinq à sept individus pour faire chorus, offrant alors une chorégraphie aux gestes répétés, corps, bras et mains, en parfaite harmonie et maîtrisés, mais sans intention apparente, sans déplacement, mais comme limité à un îlot fictif.

© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
S'ajoutent alors aux expressions émotionnelles théâtralisées - nourries d'une narration faites de monologues originelles ou d'improvisations fertiles -, dont l'histoire, le récit, la romance sont laissés à l'interprétation, voire à l'élaboration imaginative des spectateurs, des performances circassiennes dont les élans acrobatiques frisent la perfection. Tout est fluide et, surtout, sans temps mort, l'espace et le temps étant en permanence occupés par de multiples séquences entrecroisées.

Nul n'est besoin de se référencer à la création native tant cette "recréation" est féconde et généreuse, tant Guy Alloucherie a su accompagner avec lucidité et luminosité cette nouvelle conception et tant cette 34e promo d'où jaillit 14 vrais et remarquables talents apporte son énergie espiègle et sa maîtrise technique si talentueuse… Tous ont approché et se sont emparés de l'art de la pluridisciplinarité qui s'additionne si bien aujourd'hui aux arts du cirque !

"C'est pour toi que je fais ça !"

© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
Initialement, spectacle de fin d'études de la 9e promotion du CNAC (Centre national des arts du cirque) créé en 1997.
Repris et adapté par les étudiant·e·s de la 34e promotion du CNAC.
Metteur en scène : Guy Alloucherie.
Assistante et dramaturge : Martine Cendre.
Création musicale (1997) : Riké.
Chorégraphe : Marie Letellier.
Scénographe (1997) : José Froment.
Création lumières (1997) : Stéphane Auber, assisté de Charlotte Beaufort.
Enseignante référente CNAC : Marie Seclet.
Régie générale : Jean Louis Vandervliet.
Régie technique : Grégoire Bersot.
Régie Agrès : Guillaume Bes.
Les 14 étudiant·e·s de la 34e promotion du CNAC : Noa Aubry, Alice Binando, Tomas Denis, Jef Everaert, Yannis Gilbert, Julien Ladenburger, Marisol Lucht, Elena Mengon, Niels Mertens, Carolina Moreira Dos Santos, Matiss Nourly, Pauline Olivier de Sardan, Thales Peetermans, Tiemen Praats.
Tout public.
Durée : 1 h 20.

A été représenté du 7 au 9 octobre 2021 à 20 h.
Sous chapiteau à Culture Commune/Fabrique Théâtrale, Base 11/19, Loos-en-Gohelle (62).

>> culturecommune.fr
>> hvdz.org

26 et 27 octobre 2021.
Mardi 26 à 20 h 30 et mercredi 27 à 16 h 30.
CIRCa - 34e Festival du cirque actuel.
Dôme - CIRC, allée des Arts, Auch (32), 05 62 61 65 00.
>> circa.auch.fr
>> Billetterie CIRCa en ligne

© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.
© Christophe Raynaud de Lage/CNAC.

Gil Chauveau
Lundi 18 Octobre 2021

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Le consentement" Monologue intense pour une tentative de récit libératoire

Le livre avait défrayé la chronique à sa sortie en levant le voile sur les relations pédophiles subies par Vanessa Springora, couvertes par un milieu culturel et par une époque permissive où ce délit n'était pas considéré comme tel, même quand celui-ci était connu, car déclaré publiquement par son agresseur sexuel, un écrivain connu. Sébastien Davis nous en montre les ressorts autant intimes qu'extimes où, sous les traits de Ludivine Sagnier, la protagoniste nous en fait le récit.

© Christophe Raynaud de Lage.
Côté cour, Ludivine Sagnier attend à côté de Pierre Belleville le démarrage du spectacle, avant qu'elle n'investisse le plateau. Puis, pleine lumière où V. (Ludivine Sagnier) apparaît habillée en bas de jogging et des baskets avec un haut-le-corps. Elle commence son récit avec le visage fatigué et les traits tirés. En arrière-scène, un voile translucide ferme le plateau où parfois V. plante ses mains en étirant son corps après chaque séquence. Dans ces instants, c'est presque une ombre que l'on devine avec une voix, continuant sa narration, un peu en écho, comme à la fois proche, par le volume sonore, et distante par la modification de timbre qui en est effectuée.

Dans cet entre-deux où le spectacle n'a pas encore débuté, c'est autant la comédienne que l'on voit qu'une inconnue, puisqu'en dehors du plateau et se tenant à l'ombre, comme mise de côté sur une scène pourtant déjà éclairée avec un public pas très attentif de ce qui se passe.

Safidin Alouache
21/03/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024