La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Festivals

George Enescu Festival, le rendez-vous de la planète musicale

Pour sa 24e édition, titrée "The World in Harmony", le Festival George Enescu a encore une fois donné rendez-vous aux meilleurs artistes et orchestres de la planète.



Marc-André Hamelin, Auditorium Hall © Andrei Gindac.
Marc-André Hamelin, Auditorium Hall © Andrei Gindac.
Le Festival George Enescu invite tous les musiciens qui comptent - artistes et orchestres internationaux - tous les deux ans. Sa mission ? Faire connaître les œuvres du compositeur George Enescu (il fut longtemps appelé en France George Enesco, cette France où il a étudié, vécu et repose pour l'éternité). Autre mission d'importance : inviter les meilleures phalanges et musiciens du monde tout en donnant une grande visibilité aux compositeurs des XXe et XXIe siècles.

Du baroque au contemporain, le spectre des répertoires est large en termes de programmation des concerts. Notons aussi qu'un Forum international des Compositeurs est organisé pour la seconde fois depuis la création du festival (du 6 au 21 septembre) - un forum dirigé par Dan Dediu où se sont exprimés entre autres Eric Montalbetti, Krysztof Penderecki, Philippe Manoury ou encore Xiagang Ye (par ailleurs joués et dirigeant).

Durant vingt-trois jours dès la fin du mois d'août, quatre-vingt-quatre concerts (à raison de deux à cinq par jour), deux mille cinq cents musiciens étrangers, mille artistes roumains ont donné plus de trois cents œuvres de cent quarante neuf compositeurs à Bucarest et dans d'autres grandes villes de Roumanie (Bacau, Cluj, Sibiu…) sans oublier quelques capitales étrangères pour un festival hors les murs (Florence, Berlin, Toronto, Montréal, etc.). Tous portant haut le bonheur et le rayonnement de la musique.

Orchestre Philharmonique de Liège, Athenaeum © Christine Ducq.
Orchestre Philharmonique de Liège, Athenaeum © Christine Ducq.
Une belle et ambitieuse manifestation, dont Zubin Mehta est le président d'honneur et Vladimir Jurowski le directeur artistique, qui permet au mélomane de varier son point de vue et ses perspectives habituelles sur le monde musical. Outre les copieux concerts de plus de deux heures parfois dédiés à des formations de dimension variée ("Great Orchestras of the world", "Recitals and Chamber Music", "Music of the XXI Century"), de nombreux opéras en version non scénique ont été donnés en journée et dans le cadre des "Midnight Concerts".

L'occasion rêvée d'entendre (entre nombreux autres artistes) Diana Damrau, Xavier de Maistre, Joyce di Donato, Sir Bryn Terfel, Denis Matsuev, Torsten Kerl ou encore Kristine Opolais, Nelson Freire, David Grimal et Elisabeth Leonskaja ; certains accompagnés par les orchestres les plus prestigieux. Ouvert en fanfare avec le Berliner Philharmoniker dirigé par Kirill Petrenko, le festival ne s'est-il pas achevé avec le Royal Concertgebouw Orchestra dirigé le 21 septembre par Mariss Jansons et le 22 par Tugan Sokhiev ?

Entre-temps auront été admirés (entre autres) Le London Symphony Orchestra, l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, l'Orchestre national de France - sans oublier la découverte d'orchestres nationaux tels que le Romanian Youth Orchestra, le Sibiu Philharmonic Orchestra - ou le Radio Romania National Orchestra dirigé par l'excellent Paul Daniel dans "Peter Grimes" de Britten. Parmi les nombreux opéras programmés donc, la "Léonore" de Beethoven par le Freiburger Barockorchester sous la baguette de René Jacobs et "La Femme sans ombre" de R. Strauss par le Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin (dirigé par Vladimir Jurowski).

Moments forts à retenir de l'avant-dernier week-end de la manifestation : la stratosphérique interprétation du Concerto pour piano opus 16 d'Edvard Grieg par le pianiste norvégien Leif Ove Andsnes dialoguant avec l'Oslo Philharmonic Orchestra mené par son directeur musical au bras d'acier Vasily Petrenko ; le prodigieux récital consacré à Enescu et Feinberg par le pianiste canadien Marc-André Hamelin mais aussi le programme de musique contemporaine offrant l'"Elegia minacciosa" du compositeur Dan Dediu et le Concerto pour piano, "Island Nation Free", du brillant Francesco Tristano par le Sibiu Philharmonic Orchestra séduisant de plasticité et d'engagement sous la baguette de Cristian Lupes à la radio nationale.

Sibiu Philharmonic Orchestra, Radio Hall © Andrada Pavel.
Sibiu Philharmonic Orchestra, Radio Hall © Andrada Pavel.
Autre moment phare du festival, la redécouverte du chef-d'œuvre opératique de George Enescu, "Œdipe", créé à l'Opéra de Paris en 1936, programmé le 21 septembre au Bucharest National Opera House avec les forces de la maison dirigées par Tiberiu Soare. Outre l'énorme offre officielle, de nombreux événements sont organisés dans le pays pour associer le plus large public possible, y compris les enfants.

Plus de trois cents concerts gratuits sont ainsi organisés. Il faut bien avouer que Bucarest séduit particulièrement dans cet intense bain musical avec ces concerts joués aux quatre coins de la ville - et avant tout dans des lieux remarquables tels que l'Athenaeum au charme Art Nouveau, le Palace Hall et son gigantisme (témoin de l'apogée de l'ère communiste) ou l'Auditorium à l'acoustique idéale du Musée des Beaux-Arts.

Le mélomane curieux ne peut de surcroît manquer la visite du beau Palais Cantacuzino au 141 Calea Victorici, devenu en 1956 le Musée national George Enescu. La veuve du propriétaire, la Princesse Maria (Maruca Cantacuzino), avait en effet épousé en seconde noce le compositeur roumain et ils logèrent entre 1945 et 1946 dans un ravissant pavillon situé dans le jardin du palais. Le Palais-Musée hébergeant depuis longtemps la Société des Compositeurs Roumains dont G. Enescu fut un membre fondateur et le premier président.

Sibiu Philharmonic Orchestra, Radio Hall © Andrada Pavel.
Sibiu Philharmonic Orchestra, Radio Hall © Andrada Pavel.
L'enfant prodige, le violoniste et pianiste virtuose, professeur de Yehudi Menuhin, n'était-il pas le plus grand représentant (et fondateur) de l'école roumaine ? C'est ce que démontrent brillamment les concerts du festival donnant à entendre toute l'œuvre du compositeur né à Liveni et enterré au Père Lachaise. Un festival qui compte parmi les premiers en Europe.

Du 31 août au 22 septembre 2019.
George Enescu Festival,
Bucarest, Roumanie.
Tél. : (+40) 21 - 317 80 81
>> festivalenescu.ro
Prochaine édition en 2021.

Christine Ducq
Lundi 23 Septembre 2019

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
06/03/2024
Spectacle à la Une

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023