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Mobilisation et coopération Art et Culture contre le Covid-19  27/05/2020

Est-ce trop demander que de la cohérence, Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre ?

Depuis les premières restrictions d'activité des salles de spectacle, le 9 mars, les annonces présidentielles et gouvernementales concernant les activités artistiques et culturelles s'enchaînent de manière erratique.

Comment peut-on affirmer le 16 avril que de "petits festivals" pourraient se tenir à partir du 11 mai, comme si ces milliers d'événements étaient en mesure de s'adapter d'un jour à l'autre à de nouvelles conditions d'accueil, alors qu'aujourd'hui la quasi-totalité des festivals d'été est annulée et que les festivals d'automne n'ont à ce jour aucune visibilité quant aux conditions de leur tenue ?

Comment peut-on annoncer le 15 mai que la Fête de la musique aura bien lieu, que les parcs à thèmes et les lieux de cultes rouvrent, alors que l'ensemble de nos établissements sont fermés au public, qu'aucun atelier de pratiques artistiques de proximité n'est autorisé, qu'aucune équipe artistique n'a pu réellement reprendre son activité, et que la plupart des salles de spectacle ou de concert n'envisagent aucune reprise possible de la diffusion avant janvier 2021 ?

Comment peut-on interdire les événements de plus de 5 000 personnes jusqu'au 1er septembre, les regroupements de plus de 10 personnes jusqu'au 2 juin, sans limitations intermédiaires à venir, et rouvrir le Puy du Fou ?

Comment peut-on faire de telles annonces alors qu'elles sont en totale contradiction avec les protocoles sanitaires promus par le ministère de la Culture pour l'ensemble des pratiques artistiques et culturelles, pour la tenue des festivals et la réouverture des lieux au public ?

Comment peut-on être autant déconnecté de nos réalités professionnelles, de nos calendriers, de nos outils de travail ?

Comment peut-on annoncer le 6 mai des mesures pour la culture (prolongation des droits pour les intermittents du spectacle, commandes publiques massives pour les créateurs, fonds festivals...) et n'en n'avoir, trois semaines après, aucune traduction concrète ?

Comment peut-on i["refonder une ambition culturelle pour la France"i] en "libérant les énergies créatrices et en donnant aux artistes confiance et visibilité" sans qu'aucune mesure sérieuse de politique publique ne soit prise ?

Comment peut-on annoncer pour le secteur culturel 50 millions d'euros par-ci, 5 millions par-là, alors que le tourisme, fortement dépendant de nos activités, se voit proposer une enveloppe de 18 milliards ?

Comment peut-on si peu connaître les domaines de la culture qui sont faits de professionnels, organisés et structurés ? Comment peut-on nous traiter comme des amuseurs publics, des histrions égocentriques vivant par et pour leur passion, alors que nos activités ont un poids économique direct de 47,5 milliards d'euros, soit 2,2 % de l'économie française et concernent 2,4 % de sa population active ?

Comment peut-on tenir aussi peu compte des arts et de la culture, quand ils s'appuient sur les droits humains fondamentaux et revendiquent l'émancipation des personnes et le développement de leurs capacités ? Comment peut-on privilégier la rentabilité économique et les seules industries au détriment de la multiplicité des forces citoyennes au service de l'intérêt général ?

Vos annonces distillées au compte-goutte, contradictoires et incohérentes épuisent les acteurs, ajoutent de la confusion à la situation, de la désespérance à la fragilisation.

Souhaitez-vous vraiment que le monde des arts et de la culture sorte de cette crise ? Alors, faites-le avec nous, pas contre nous !

Les signataires

ACTES IF - Réseau solidaire de lieux culturels franciliens
AJC - Association Jazzé Croisé
CITI - Centre International pour les Théâtres Itinérants
FAMDT - Fédération des acteurs et Actrices de Musiques et Danses Traditionnelles
FEDELIMA - Fédération de lieux de musiques actuelles
FERAROCK - Fédération des Radios Associatives Musiques actuelles
La Fédération de l'Art Urbain
FNAR - Fédération nationale des arts de la rue
FNEIJMA - Fédération Nationale des Ecoles d'Influence Jazz et Musiques actuelles
France Festivals - Fédération des festivals de musique et du spectacle vivant
FRACA-MA - Pôle région Centre-Val de Loire musiques actuelles
GRAND BUREAU - Réseau musiques actuelles Auvergne-Rhône-Alpes
OPALE - Organisation pour Projets Alternatifs d'Entreprise
OCTOPUS - Fédération des Musiques Actuelles en Occitanie
PAM - Pôle de coopération des Acteurs de la filière Musicale en Région Sud
Le Pôle - Pôle de coopération des acteurs pour les musiques actuelles en Pays de la Loire
Pôle Nord - Fédération régionale des arts de la rue et de l'espace public en Hauts-de-France
RIF - Réseau des Musiques Actuelles en Ile-de-France
RIM – Réseau des indépendants de la musique
Le Réseau Musiques Actuelles Grand Est
SCC - Syndicat des Compagnies et Cirque de Création
SMA - Syndicat des Musiques Actuelles
SYNAVI - Syndicat national des arts vivants
THEMAA - Association Nationale des Théâtres de Marionnettes et des Arts associés
UFISC - Union Fédérale d'Intervention des Structures Culturelle
ZONE FRANCHE - Réseau des musiques du monde

Photo : Auditorium Radio France vide © Radio France/Christophe Abramowitz.
La Rédaction

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À découvrir

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023