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Dissolution de l'association La Machinerie 54  08/11/2022

Lettre ouverte du Syndeac à Monsieur Luc Ritz, président de la Communauté de communes Orne Lorraine Confluences et à l’ensemble des 73 élus,
à madame la Préfète de la Région Grand Est, à monsieur le directeur régional des Affaires Culturelles de la Région Grand Est, à monsieur le président de Région Grand Est, à madame la présidente du département de Meurthe et Moselle,
Nous sommes les compagnies de cirque, de danse et de théâtre de la Région Grand Est.
Nous sommes les lieux de culture de la Région Grand Est.
Ensemble, il nous faut aujourd’hui vous exprimer les conséquences sur nos structures et sur nos emplois de vos décisions récentes.
Nous prenons acte de la dissolution de l’association La Machinerie 54. Ce théâtre, situé sur votre Communauté de communes Orne Lorraine Confluences, vit et fait vivre la
culture sur votre territoire depuis presque cinquante ans.


Monsieur RITZ, à l’heure où vous dialoguez avec la Région Grand Est et la DRAC Grand Est pour imaginer ce que ces bâtiments pourraient devenir sous votre gestion, nous devons vous dire tout ce que nous perdons, tout ce que perdent les habitants du territoire.
La Machinerie 54, ce sont deux salles, La Menuiserie et le Centre Pablo Picasso. Perdre l’accès à ces lieux, c’est perdre :
- des centaines et des centaines d’heures de répétitions dans de bonnes conditions pour nos équipes ;
- des partenariats financiers essentiels, qui impactent l’emploi au sein de nos équipes ;
- nos liens aux habitants du territoire, tissés de saisons en saisons, depuis pour certains d’entre nous, des décennies.

Ainsi, nous perdons l’une des plus efficaces et accueillantes fabrique de spectacles de la Région Grand Est. Une fabrique qui est reconnue à l’échelle de nos territoires, mais aussi nationalement, grâce au professionnalisme, à l’engagement et à la gentillesse des équipes qui l’ont animée. Cela nous affecte tous.

Nous, artistes et compagnies implantés et impliqués ici, connaissons intimement votre territoire. Nous étions présents, bien au-delà du théâtre, dans les classes des écoles primaires, des collèges et lycées. Nous étions présents en décentralisation dans les salles des fêtes de vos communes. Nous avons tissé des liens et pensé, écrit, joué nos spectacles auprès de ses publics. Nous perdons un outil de travail essentiel à nos structures.

Nous, théâtres de la région, perdons un partenaire de travail essentiel, un membre de nos réseaux, un allié avec lequel nous construisions des accompagnements communs et cohérents des artistes que nous repérons. Voir ce partenaire disparaître affecte nos conditions de travail et la qualité du maillage des théâtres en Région Grand Est. Cela impacte le travail des artistes que nous avons pour mission de soutenir. Nous ne savons pas comment compenser cette perte.

À l’échelle du Département 54, c’est la 3e scène conventionnée qui disparaît en moins de 4 ans. Il n’y aura donc plus aucune scène conventionnée sur le département.
Est-ce juste pour ses habitants ? Leurs droits culturels ne sont-ils pas impactés ?
Les habitants de ce département n’ont donc pas le droit à une vie culturelle ?

Au niveau des institutions, le Département 54, la Région Grand Est, la DRAC Grand Est, vous disposiez d’un fort soutien. Vous aviez l’assurance d’une aide financière et pérenne de plus de 400 000 € par an, pour vous aider dans les missions de service public que vous sembliez vouloir mener.
Comment perdre un tel soutien ?

Monsieur RITZ, les difficultés financières de la Communauté de Communes Orne Lorraine Confluences sont connues et nous les entendons. Nous en sommes solidaires.

Mais, le projet de La Machinerie 54 est fauché en pleine saison. Les conséquences pour les artistes, les spectateurs, les élèves sont immédiates et catastrophiques : la saison est perdue, les ateliers dans les classes sont perdus, les actions de médiation sont perdues, les résidences de créations des artistes sont perdues, les co-productions des créations sont perdues.
Comment perdre tout cela ? Et du jour au lendemain ?
Comment travailler à une continuité avec un éventuel autre projet ?

Monsieur Ritz, nous vous demandons de recevoir au plus vite une délégation de nos représentants.
Aux institutions Région Grand Est et DRAC Grand Est, nous demandons de nous associer aux discussions qui se mènent afin que les artistes et théâtres du territoire soient entendus et que nous puissions trouver à poursuivre nos missions communes.


Aux publics, aux partenaires, aux amis, nous donnons rendez-vous le mercredi 9 novembre à 20 h à La Machinerie 54 pour une soirée de soutien et de concertation.

Pour le SYNDEAC (Syndicat National des Entreprises Artistiques et Culturelles) en Région Grand Est, Laurence Méner, déléguée nationale en Région Grand Est
Contact : 06 71 28 62 64.
Et les adhérents.
La Rédaction

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

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© Pics.
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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

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Brigitte Corrigou
08/09/2023
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La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
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"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

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"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
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Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023