La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Cirque & Rue

"Toruk"… Entre féérie numérique et fantasmagorie circassienne

Le Cirque du Soleil, "Toruk", AccorHotels Arena, Paris

Toruk, l'oiseau flamme, brillant de mille éclats jaunes et rouges, figure emblématique de la planète Pandora... Mais crainte par le peuple Na'vi... L'un des membres des cinq clans, au cœur pur, devra pourtant le chevaucher une première fois et le guider pour sauver l'arbre des âmes des coulées de laves destructrices. Ainsi nous est narrée "Toruk - le premier envol", la nouvelle création du Cirque du Soleil.



© Matt Beard/Cirque du Soleil 2017.
© Matt Beard/Cirque du Soleil 2017.
Spectacle multimédia et immersif, usant à la fois des dernières technologies et de disciplines artistiques remontant à la nuit des temps, comme l'art des marionnettes et celui des cerfs-volants, la nouvelle création du Cirque du Soleil transporte le public dans le monde imaginaire de James Cameron, tout en lui donnant une nouvelle facette, tant au niveau de la chronologie que de la narration.

En effet, le synopsis élaboré par les créateurs situe l'action trois mille ans avant l'arrivée des humains sur Pandora. Ce qui permet d'éviter le piège d'une pâle copie du film de James Cameron, tout en respectant l'univers, le peuple, la faune et la flore de la planète végétale dans un récit inédit, d'attirer les fans d'Avatar et de conquérir un public curieux de ce type de science-fiction et de grand spectacle.

Dès l'entrée dans le ventre de l'Arena de Bercy, on est intrigué par l'immense voile étalé sur l'ensemble du plateau où se meuvent des centaines de taches lumineuses qu'on pourrait prendre pour des lucioles. L'ambiance féérique ainsi perçue va très vite s'amplifier dès le début du spectacle avec la découverte de l'immense arbre-maison des Omatikaya (un des cinq clans Na'vi), élément de décor en deux parties s'ouvrant pour faire apparaître le métier à tisser géant, objet essentiel au clan, qui servira aussi d'agrès pour les acrobates-équilibristes.

© Matt Beard/Cirque du Soleil 2017.
© Matt Beard/Cirque du Soleil 2017.
Ainsi vont suivre, au fil de la narration, différents décors, aussi spectaculaires les uns que les autres, générés soit par des constructions classiques ou des accessoires traditionnels, soit par les projections vidéo (40 vidéoprojecteurs). La manière dont sont conçus les reliefs des modules constituant le "paysage" scénique permet aux projections vidéo d'en modifier les perspectives et les volumes. Cela crée à chaque fois un environnement spécifique dédié à chacune des cinq tribus, de la jungle verdoyante et luxuriante des Tawkami au sanctuaire d'animaux des Anurai, en passant par les "Montagnes flottantes" où vivent les léonopterix (toruk).

Dans cette débauche de moyens alimentés par des technologies "dernier cri", la performance vaut aussi par la qualité des artistes et la maîtrise de leurs disciplines respectives ou, la plupart du temps, par leur spectaculaire polyvalence, qui donne ainsi une réelle - et souhaitée - "humanité" (ou "Na'vinité" !) dans ce récit qu'on suit parfois un peu de loin.

Il faut alors noter ici quelques prouesses donnant à certains tableaux une saveur inoubliable. C'est le cas notamment avec la séquence de la forêt des bambous, ces derniers utilisés comme des mâts chinois en une aérienne esquisse de ballet et de combats (un retour aux origines en somme). Celle des fleurs et des "hommes fleurs", tout en légèreté et élégance avec leurs immenses corolles (très verticales au début) en un dégradé rouge orangé. Puis se transformant en éventail de soie… Visuellement très réussi.

© Matt Beard/Cirque du Soleil 2017.
© Matt Beard/Cirque du Soleil 2017.
Le talent est aussi à relever du côté des marionnettistes et de leurs créatures - représentant divers animaux de la planète - dont ils jouent avec une étonnante dextérité. Seize au total, toutes aussi bien réalisées les unes que les autres. En plus des six loups-vipères et des trois équidius existant dans le film, de nouveaux animaux ont été imaginés : 3 austrapèdes et un tortapède. Il y a également deux nuées de graines sacrées (woodsprites) descendant des cintres sous forme de mobiles, et bien sûr l'imposant toruk, réalisé en partie en soie synthétique.

Autre surprise aux rendus bluffants, les dix-huit cerfs-volants qui opèrent en de magnifiques ballets aériens, oiseaux vaporeux, reconstitutions multicolores, chamarrées, en accord avec une certaine flamboyance de la nature sur Pandora. Ils planent gracieusement dans les airs avant de descendre en piqué et d'effectuer des virages rapides comme l'éclair. Sur scène, ces engins impressionnants sont la représentation physique des banshees qui parcourent le ciel de Pandora.

Tout concoure à un spectacle hors normes et il ne s'agit plus ici bien sûr de cirque, ni ancien ni nouveau, ni moderne. Mais un type particulier de prestation destiné aux familles, marque de fabrique depuis quelques années du Cirque du Soleil qui, pour "Toruk", réunit avec succès deux visions artistiques distinctes mais ayant plusieurs atomes crochus, le cinéma de James Cameron et les pratiques multimédias de Michel Lemieux et Victor Pilon, pionniers dans ce dernier domaine.

La féérie est totale, reconnaissons-le, mais elle reste malheureusement chère (au vu de la jauge d'un "Bercy") puisque, au plus bas, il faut débourser un peu plus de 220 euros (ce soir, par exemple) pour un couple et deux enfants !

"Toruk - Le premier envol"

© Matt Beard/Cirque du Soleil 2017.
© Matt Beard/Cirque du Soleil 2017.
Écriture, mise en scène et réalisations vidéo : Michel Lemieux et Victor Pilon.
Directeur de création : Neilson Vignola.
Chorégraphie : Tuan Le et Tan Loc.
Composition et direction musicale : Bob et Bill.
Scénographie et conception des accessoires : Carl Fillion.
Sons : Jacques Boucher.
Lumières : Alain Lortie.
Costumes et maquillages : Kym Barrett.
Marionnettes : Patrick Martel.
Conception acrobaties : Germain Guillemot.
Conception équipements et gréements acrobatiques : Pierre Masse.

© Jesse Faatz/Cirque du Soleil 2015.
© Jesse Faatz/Cirque du Soleil 2015.
Du 4 au 14 avril 2019.
Mardi au vendredi à 20 h, samedi à 16 h et 20 h, dimanche à 13 h et 17 h, vendredi 12 avril à 16 h et 20 h.
AccorHotels Arena Bercy, Paris 12e.
>> accorhotelsarena.com
>> cirquedusoleil.com

Du 19 avril au 5 mai 2019 : Luzhniki Palace of Sports, Moscou, Fédération de Russie.

Gil Chauveau
Mercredi 10 Avril 2019

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024