La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Concerts

Paavo Järvi réussit ses débuts avec l'Orchestre de l'Opéra de Paris

Le chef estonien a pour la première fois dirigé l'Orchestre de l'Opéra de Paris lundi dernier à la Philharmonie. Une première rencontre qui a satisfait tant le chef que les musiciens, pourtant réputés difficiles. Un concert à réécouter sur le site de la Philharmonie.



© Christine Ducq.
© Christine Ducq.
Lundi dernier, les auditeurs de France Musique ont pu découvrir le beau programme du concert de vingt heures choisi pour sceller la première rencontre du chef estonien avec l'orchestre de l'Opéra de Paris. D'abord le Ricercare à six voix extrait de "L'Offrande musicale" de J. S. Bach, dans l'orchestration d'A. Webern de 1935 - une pièce brève donnée en hommage aux Victimes de la crise sanitaire. Redoutable à mettre en place à l'orchestre, ce Ricercare, enchaînant des épisodes variés sans véritable lien thématique de soliste à soliste puis de pupitres à pupitres, ne trouve pas immédiatement son assise mais finit par convaincre.

Le reste de la soirée est consacré à Johannes Brahms. D'abord ses "Variations sur un thème de Haydn" (opus 56a) créées en 1873 à Vienne sous la baguette de Brahms lui-même. Une œuvre d'un quart d'heure environ qui permet en huit variations précédées par un Thème "Andante" et conclues par un Finale de faire briller les possibilités de l'orchestre tant au niveau des styles (marche animée, choral, scherzo vif ou sicilienne gracieuse) qu'au niveau de la maîtrise des dialogues des voix ou du contrepoint et des dynamiques (rendu des pulsations, syncopes…). Le Finale, qui culmine dans un tutti des plus impressionnants, ne dissipe pas l'impression que, dans la grande salle vide de public de la Philharmonie, l'acoustique (donc la réverbération du son) ne sert pas vraiment l'équilibre entre les vents et le reste des pupitres. Une petite gêne sans doute imperceptible à la radio.

© Christine Ducq.
© Christine Ducq.
Composée pendant l'été 1877, la Symphonie n°2 (opus 73) offre dès l'abord ses superbes formules mélodiques, ses franches couleurs dans le premier mouvement tel que dirigé par Paavo Järvi. La valse respire la joie - et les tableaux variés, de ces couleurs naïves que Brahms voulait donner à l'œuvre. Une atmosphère brumeuse prend très vite le dessus et on se dit souvent jusqu'au Finale que l'orchestre a quasiment pris une sonorité germanique - alors que frappent parfois les puissances obscures. Les interventions des cordes souples, à la sonorité magnifique, constituent toujours un événement de choix.

Les second et troisième mouvements sont servis par un orchestre offrant des climats aussi différents que possibles : l'emphase parfois le dispute à l'alacrité. Les pupitres sont emportés et transcendés par un chef à la gestique ronde et énergique, qui se sait architecte mais aussi fresquiste. Le Finale confirme en fanfare que l'orchestre s'est assez libéré pour dégager une énergie débridée dans la confiance d'une belle rencontre.

L'ancien directeur musical de l'Orchestre de Paris, désormais aux manettes de l'orchestre symphonique de la NHK de Tokyo, rappelle quant à lui toutes les qualités de son leadership - appréciées pendant ses six trop courtes années à Paris. Les musiciens de l'Opéra de Paris étaient ravis lundi soir en quittant la Philharmonie. On le sait, avec eux le respect ne se gagne pas facilement. Le Maestro Järvi les a pourtant bel et bien conquis.

© Christine Ducq.
© Christine Ducq.
Orchestre de l'Opéra national de Paris.
Paavo Järvi, direction.


Concert en réécoute
>> sur le site de la Philharmonie

>> sur le site de France Musique

Christine Ducq
Vendredi 7 Mai 2021

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024