La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

On peut rire partout, même à Sunderland !

"Sunderland", Petit Théâtre de Paris, Paris

Pas vraiment de larmes à l’œil, mais le cœur gros. Pas non plus d’éclats de rires, mais le sourire aux lèvres. On ressort du Petit Théâtre de Paris, en se disant qu’on a assisté à une pièce comme on aimerait en voir plus souvent… "Sunderland" est une "Maison de poupées" version moderne, le drame d’une famille ordinaire mis en scène par Stéphane Hillel (directeur du Théâtre de Paris et molière du metteur en scène 2003).



Sunderland © D.R.
Sunderland © D.R.
Si on peut parler de "pièce cinématographique", aux personnages aussi suintants que ceux d’un Tenessi Williams, on ne va pas commencer à y coller des étiquettes. À quoi bon ? Ce qu’en a fait Clément Koch n’en reste pas moins personnel, percutant et éminemment moderne. Sans effet de manche particulier, sans non plus tomber dans la mièvrerie "pseudo-philosophico-intellectuAL" d’un certain théâtre, ce jeune auteur de quarante ans (Sunderland est sa seconde pièce) a écrit une pièce qui a toute sa place dans le paysage théâtral contemporain. Ni visionnaire, ni tout à fait révolutionnaire, cette œuvre a cependant le mérite évident d’être d’une justesse sans faille et d’avoir donné à ses personnages une réelle épaisseur. Le spectateur, quant à lui, se laisse séduire par la performance superbe des comédiens. Il suffisait pour cela d’entendre, ce soir-là, le parfait silence d’une salle pourtant à son comble…

Et dès les premières répliques. À commencer par la jeune Léopoldine Serre qui nous scotche littéralement tant son jeu frise la perfection. Elle donne l’impression d’avoir oublié que devant elle se trouve une salle bourrée de spectateurs tant elle débite son texte avec un parfait naturel. Dans la peau d’une gamine de 15 ans, cette comédienne de 23 semble – en plus d’être parfaitement crédible – absolument à l’aise. Elle incarne donc son personnage avec une justesse impeccable et surtout a su garder la spontanéité de la jeunesse. Si ses apparitions au théâtre sont encore récentes, sa filmographie est déjà bien longue puisqu’elle a commencé à tourner à l’âge de 6 ans. Encore l’année dernière, on a pu la voir dans "Je vous aime très beaucoup" de Philippe Locquet, alors qu’elle jouait le rôle d’une petite lolita. En bref, ici, de nouveau, elle arrive à faire de Jill une petite gamine bien attachante.

Sunderland © D.R.
Sunderland © D.R.
Les autres comédiens non plus ne sont pas en reste côté talent. À commencer par le duo qui tourne autour de la petite Jill. Élodie Navarre menant la cadence. Cette jeune comédienne est arrivée à se composer un personnage à la fois responsable dans son rôle de grande sœur et un peu paumé quant à sa propre vie. En permanence sur le fil du rasoir, elle navigue de l’un à l’autre. Mais le plus habile est d’avoir réussi à faire évoluer une jeune femme émouvante et profonde, aux apparences pourtant bien superficielles.

On n’est pas en manque non plus de superficialité avec Constance Dollé dans le rôle de Ruby, l’amie de la famille. Entre jupes trop courtes et téléphone rose, Ruby défie les lois du préjugé et dégaine les répliques drôles plus vite que son ombre. Mais son personnage, aussi excentrique soit-il, n’en demeure pas moins dense et attachant. C’est d’ailleurs peut-être celui que nous avons préféré.

Nous ne pouvons citer l’ensemble de l’équipe (ils sont 8). Mais de Vincent Deniard à Bénédicte Dessombz, l’équilibre est trouvé. Sunderland, petite ville paumée du nord de l’Angleterre, ne se résume plus seulement par sa grisaille et par son chômage. Les dialogues sont bien ficelés et ses personnages délicieusement acidulés.

Un grand bravo à Stéphane Hillel. S’il n’en est évidemment pas à son premier succès, il a su adapter avec une grande justesse et beaucoup de sobriété cette pièce qui se joue en permanence sur le fil du rasoir… Mi-sérieuse, mi-légère, elle ferait au cinéma une excellente comédie dramatique. Entre hallucinations et "opéra sperme", "Lucky Luck vient de tirer sa dernière cartouche…" Comme dit Ruby, "en plein dans le cul " !

"Sunderland"

Sunderland © D.R.
Sunderland © D.R.
(Vu le 19 octobre 2011)
Texte : Clément Koch.
Mise en scène : Stéphane Hillel, assisté de Chloé Simoneau.
Avec : Élodie Navarre, Constance Dollé, Léopoldine Serre, Vincent Deniard, Vincent Németh, Thierry Desroses, Bénédicte Dessombz, Pascale Mariani.
Décor : Jacques Voizot.
Musique : François Peyrony.
Lumières : Laurent Beal.
Costumes : Cécile Magnan.

Depuis le 15 septembre 2011 et prolongations jusqu'en janvier.
Du mardi au samedi 21 h et en matinée les samedi à 17 h et dimanche à 15 h.
Petit Théâtre de Paris, Paris 9e, 01 42 80 01 81.
>> theatredeparis.com

Mardi 25 Octobre 2011


1.Posté par Erravan le 27/01/2012 18:01
Une Elodie Navarre remarquable dans ce nouveau rôle.Quelle comédienne!

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024