La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2019

•Off 2019• Viens on se marre… en découvrant la sensuelle légèreté de l'homo comicus

"Viens, on se marre", Théâtre du Marais, Paris

Sodomie, féminisme, homophobie, terrorisme, romantisme, nouvelles tendances alimentaires, Netflix, Dieu avec un s… Autant de sujets existentiels qu'aborde Jeremy Lorca dans son deuxième spectacle "Viens, on se marre", stand-up lucide, personnel, original, bourré d'humour mais sombre aussi parfois… quand il parle de lui, avec plus d'intimité en filigrane.



© Didier Parsy.
© Didier Parsy.
Sortant du classique stand-up, il use immédiatement d'un cadre autobiographique à la franchise déconcertante où sa sincérité et son humour piquant désamorcent les situations les plus grotesques, les vérités les plus désespérantes… ou exaspérantes.

Ici, ce qui séduit, ce n'est pas tant les sujets abordés - puisés comme il se doit dans son quotidien comme dans celui de ses semblables ponctué de situations grotesques qui frisent l'auto-caricature - que la manière dont il nous en parle… une narration où pointe une certaine sensibilité, une constante autodérision et une douce, inhabituelle complicité avec le public que son personnage instaure instantanément… les échanges malins et taquins avec celui-ci en sont la preuve.

Son spectacle est cru, vif, souvent épicé, sans tabou mais profondément humain. Il fait partie aujourd'hui d'un groupe d'humoristes qui aborde tous les sujets de fronts - sexe, terrorisme, racisme, réfugiés, PMA/GPA, LGBT, inégalité homme-femme, etc. -, sans complexe mais sans vulgarité, dans une forme de stand-up qu'à sans doute initié/renouvelé Blanche Gardin, entre autres. Mais Jérémy a quelque chose de différent, une humanité, une flamme, une générosité qui est teintée sans cesse d'une sensualité heureuse qui lui donne un accès particulier au public, un mode de communication qui fait que celui-ci lui accorde immédiatement sa sympathie et son adhésion.

© Didier Parsy.
© Didier Parsy.
Avec une apparente attitude insouciante, jouant parfaitement les mesures de sa partition narrative soit sur un ton un brin détaché et badin, soit avec une tonalité plus espiègle et provocatrice, Jérémy prend (ne nous méprenons pas !:) le spectateur par surprise en lui assénant sans prévenir des saillies salées, bien relevées, sans fioritures, à l'érotisme explicite, révélateur des perversions et des travers sexuels de l'homo ou hétéro sapiens à tendance "erectus".

Ses aventures "comiques" peuvent aussi appartenir à un registre plus sensible où les désarrois sont liés à la solitude, aux échecs amoureux, aux "râteaux" imprévus et aux quotidiennes agressions de la vie, appelant plus les sourires que le rire. C'est l'un de ses talents, fil de ferriste sur une corde tendue glissante entre une férocité hilarante et un "I'm so happy" façon Droopy.

Derrière le performeur fantaisiste se cache aussi un auteur qui aime pratiquer une écriture intelligente et sensuelle - ses chroniques sur Europe 1 en sont un autre exemple. Au fil de ses récits pointent quelques phrases à l'humanité débordante… "Aimons-nous vivant !", "respect pour les femmes maintenant que je me suis fait épiler. Elles sont bien plus courageuses que nous… Mais pourquoi vous gagnez moins ?" ou "comme je suis célibataire, j'ai souvent envie de moi."

Incontestablement, avec cette nouvelle création, Jérémy Lorca poursuit son décryptage de nos actuelles interrogations existentielles en façonnant un personnage original, très personnel et déjà identifiable, construit sur une autodérision joyeuse et un verbe vif, lucide mais jamais cruel.

"Viens, on se marre"

© Didier Parsy.
© Didier Parsy.
Texte : Jérémy Lorca.
Mise en scène : Thierno Thioune.
Avec : Jérémy Lorca.
Régie : Anne Coudret.
Durée : 1 h 10.
À partir de 16 ans.

•Avignon Off 2019•
Du 5 au 28 juillet 2019.
Tous les jours à 15 h 10, relâche le lundi.
Théâtre Le Palace, Salle 4
38, cours Jean Jaurès.
Réservations : 04 90 03 33 41.
>> lepalaceavignon.fr


Gil Chauveau
Mercredi 17 Juillet 2019

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024