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Avignon 2019

•Off 2019• Les Émigrés L'espoir caché d'un possible ailleurs

Théâtre La Reine Blanche, 16 rue de la Grande Fusterie

Émigrés. Pas encore immigrés. La pièce de Slawomir Mrozek a été créée en 1975 dans un monde coupé par un implacable "rideau de fer", un monde absurde. Un monde de dissidents. Elle réunit deux "émigrés", deux réfugiés, l'un politique, l'autre économique.



© Pascal Gély.
© Pascal Gély.
Le dialogue fait apparaître les différences culturelles et les préjugés de l'un par rapport à l'autre. Repris en 2016 et porté par deux comédiens aux accents légèrement slaves, il n'a rien perdu de sa puissance prend une dimension dramatique et réaliste renouvelée.

La pièce, mise en scène par Imer Kutllovci, est jouée dans les combles du théâtre. Le spectateur partage cette soupente, éprouve la sensation d'un refuge coupé du monde mais d'apparence paisible. Il accompagne ces deux hommes réunis par la banalité de la pauvreté, par la nécessité de leur vie en commun. Que tout sépare malgré tout, quoi qu'ils s'en défendent.

Des petits gestes, des paroles anodines, des petits objets intimes, maladroitement dissimulés, dévoilent une recherche obstinée de vivre en dépit de la précarité, trahissent les souffrances d'une promiscuité mal acceptée. Des lignes de fractures se dessinent. Ces deux hommes à la cohabitation improbable se révèlent suspicieux, vivent les allers-retours de la colère et de l'incompréhension. L'un en vis-à-vis de l'autre, côte à côte, face à face.

© Pascal Gély.
© Pascal Gély.
Dans ce huis clos, dans cet entre-deux qui dure, les caractères s'exacerbent. Les tensions croissent. Les dénis sont évidents. L'antagonisme vire à l'hostilité, tourne à l'affrontement. Un fait divers dostoïevskien.

Le spectateur applaudit alors deux comédiens hors pair, leurs accents de vérité et apprécie que le pessimisme des caractères soit tempéré, contrebalancé par le jeu. Qui exprime de manière claire le cheminement des personnages. Dans l'épreuve, chacun est mu par l'espoir caché d'un possible ailleurs et va en direction de l'autre. Découvre le désir, le plaisir de partager de la chaleur. Avènement d'une émancipation réciproque. Fragilité d'un bien commun qui a pour socle une enfance encore vivante. Bien commun.

Le théâtre vibre toujours avec l'air du temps. Les émigrés est une pièce d'aujourd'hui, du moins tant que les hommes seront les hommes.

"Les Émigrés"

© Pascal Gély.
© Pascal Gély.
Texte : Slawomir Mrozek.
Traducteur : Gabriel Meretik.
Mise en scène : Imer Kutllovci.
Assisté de Ridvan Mjaku.
Avec : Mirza Halilovic et Grigori Manoukov.
Durée : 1 h 40.
Compagnie de l'Étoile.

•Avignon Off 2019•
Du 6 au 26 juillet 2019.
Tous les jours à 21 h 15, relâche le vendredi sauf le 26.
Théâtre La Reine Blanche
16 rue de la Grande Fusterie.
Réservations : 04 90 85 38 17.
>> reineblanche.com

Jean Grapin
Lundi 24 Juin 2019

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
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•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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© Philippe Hanula.
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Gil Chauveau
26/03/2024