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Avignon 2019

•Off 2019• Antioche… Contradictions contemporaines… entre confort matérialiste et exaltation romantique

L'histoire se passe au Québec. Dans "Antioche" de Sarah Berthiaume, Antigone est une adolescente un peu foutrac, qui fait un peu n'importe nawak avec son djin troué et sa toga praetexta. Normal, elle voudrait jouer Anouilh et son Antigone, et articuler parfaitement le Français standard plutôt que jouer les fièvres du samedi soir…



© Yanick Macdonald.
© Yanick Macdonald.
… Quant à sa copine Jade, elle ne vaut pas mieux qui s'emmure dans les toiles d'Internet, universelle araigne maléfique, pendant que sa mère qui a fui la Syrie fait des listes de mots pour les mémoriser.

Dans cette terre d'exil et d'accueil, dans cette terre d'immigration qui mêle réfugiés du Proche-Orient et descendants des acadiens entourés d'Anglais, cette terre qui veut échapper au globish et se pose la question de sa présence au monde, les deux copines rêvent de fugues, vivent intensément le sentiment de la liberté ou de l'enfermement. C'est que le confort matérialiste ou l'exaltation romantique sont autant de pièges à éviter. Pour elles le retour aux origines est problématique. La pièce noue les contradictions contemporaines.

Le langage est populaire, direct et inventif. Et le spectacle évolue de la comédie populaire et farcesque au drame suspendu au dessus des têtes. Les personnages connaissent des paroxysmes et dans les allers et les retours de leurs rêves, dans leurs errances, leurs désirs de fugues se lit la construction d'une mémoire et d'une identité. Jusqu'à ce que les deux héroïnes, en bordure du danger, croisent le chemin de la fatalité et du destin. Le retour aux origines devient tentation de l'intégrisme, du terrorisme.

© Yanick Macdonald.
© Yanick Macdonald.
Le public (tout comme les protagonistes) est conduit jusqu'à ce carrefour de l'énigme non résolue soumise à la décision du spectateur. En cela fidèle dans la forme et le développement dramaturgique à la tragédie grecque. Un tour de force théâtral à saluer.

"Antioche"

© Yanick Macdonald.
© Yanick Macdonald.
Texte : Sarah Berthiaume.
Mise en scène : Martin Faucher, assisté de Emmanuelle Kirouac-Sanche
Avec : Sharon Ibgui, Sarah Laurendeau, Mounia Zahzam.
Scénographie : Max-Otto Fauteux.
Éclairages : Alexandre Pilon-Guay.
Musique originale : Michel F. Côté.
Costumes : Denis Lavoie.
Maquillage et coiffure : Angelo Barsetti.
Vidéo : Pierre Laniel.
Direction technique : Karl-Emile Durand et Francis Vaillancourt-Martin.
Direction artistique : Mario Borges, Joachim Tanguay.
Production : Théâtre Bluff.
Durée : 1 h 20.
À partir de 14 ans.

© Yanick Macdonald.
© Yanick Macdonald.
•Avignon Off 2019•
Du 5 au 26 juillet 2019.
Tous les jours à 16 h 10, relâche le mercredi.
11 • Gilgamesh Belleville, Salle 2
11, boulevard Raspail.
Réservations : 04 90 89 82 63.
>> 11avignon.com

Jean Grapin
Samedi 29 Juin 2019

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Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
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Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
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© Philippe Hanula.
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30/08/2024