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"Même pas sommeil"… Tout en blues et beauté mélodique

Charlélie Couture nous revient en force avec son dernier album, le vingt-troisième, et la poursuite de sa tournée, avec un blues bien léché où la trompette taquine la mandoline et l'ukulélé, avec des paroles toujours poétiques, souvent d'actualité et parfois autobiographiques.



Artiste multiforme comme il en existe peu, il est le "héros" du multisme, un des fondateurs de cet art qui se veut multiple et protéiforme. Ne soyons pas ingrat… merci Trump ! Car, sans le vouloir, et c'est sans doute la seule bonne action de son mandat, il nous a fait un joli cadeau en faisant revenir Charlélie Couture en France. Franco-américain, il avait décidé de partir voir la belle New York en 2004 et était revenu en 2017 suite à l'élection présidentielle américaine.

Son dernier album est un mystère de blues et de beauté. Toujours la même voix, un peu traînante qui se glisse dans les mélodies. L'album est tout d'un bloc, de qualité, d'une inspiration tirée au cordeau autant dans les paroles que dans la musique.

Les compositions sont d'une maîtrise artistique mêlant un puissant souffle bluesy avec des vers décrivant l'état du monde ou parfois un bout de vie. Celles-ci ont toutes une belle allure musicale sertie de paroles que n'importe quel poète aurait pu envier.

Tout est bien ficelé, la guitare sèche enjambe à grands pas les accords appuyés par l'électrique, suivi d'une trompette qui claironne à la fin de chaque couplet dans "Le lamantin". Le rythme et la tonalité sont à chaque fois différents avec, par exemple, "Les chevaux froids" dans un son presque de "cavalerie" telle une horde de chevaux majestueux débarquant dans une toundra alors que "Même pas sommeil" démarre au quart de tour avec un duo de guitares au final.

Les jeux de mots s'enchaînent, l'anglais vient aussi en renfort dans "The hardest" avec les guitares électriques accompagnées par le violon. "Uku social" est une composition musicale charmante, presque enfantine, d'une tonalité très particulière, avec un piano accompagné d'un ukulélé aux notes détachées, aux accents voulus presque maladroits. Avec "Les heures caniculaires", c'est un autre tempo, comme une marche plus difficile sous un soleil de plomb, la chaleur qui vous colle aux semelles, avec quelques accords d'harmonica appuyés par une basse très présente.

"Another man blues" est librement inspiré du traditionnel "Another man done gone" avec une guitare électrique et des envolées à l'harmonica. "Seul et unique", titre presque descriptif du talent de Charlélie Couture est accompagnée d'une mandoline donnant à la chanson un accent joyeux à la consonance aiguë. "Ode à l'Est", très blues, nous emmène vers un voyage musical sur quelques accords à la guitare quand "Résister sister" finit en beauté au piano et à la trompette. Je m'arrête là mais il faudrait en dire beaucoup pour les treize compositions de l'album.

C'est beau et très inspiré, avec des compositions variées et riches, sans âge. Il n'en existe pas un qui ira enterrer Charlélie Couture du haut de ses bottes et de son bouc qui, tel un sage artistique, cultive ses différents talents, autant dans les essais, la photographie, les dessins, la peinture, la sculpture, le cinéma, les poèmes que la musique.

● Charlélie Couture "Même pas sommeil"
Label : Rue Bleue.
Distribution : Pias.
Sortie : 25 janvier 2019.
Parole et musique : Charlélie Couture excepté "Another man blues" librement inspiré du traditionnel "Another man done gone".

Musiciens : Charlélie Couture (piano, guitares électrique et acoustique, claviers, ukulélé), Karim Attoumane (guitares), Martin Mayer (batterie), Oliver Smith (basses acoustique et électrique), Jack Gavard (basse), Pierre Sandra (violons, banjo, mandoline), Sam Garcia (Bandoléon), Dombrance (claviers, guitare acoustique), Camille Passeri (trompette), Vincent Bucher (harmonica), Chris Bergson (guitare électrique).

Tournée
15 juin 2019 : Opéra Confluence, Avignon (84).
30 août 2019 : Les Soirées Saint-Marc, Jaumegarde (13).
26 septembre 2019 : Festival Les Internationales de la Guitare, Salle des dômes, Rivesaltes (66).
11 octobre 2019 : Théâtre Ducourneau, Agen (47).
12 octobre 2019 : Festival de Marne, Théâtre, Saint-Maur-des-Fossés (94).
15 octobre 2019 : Le Mas, Le Mée-sur-Seine (77).
18 octobre 2019 : Le Cèdre, Chenôve (21).
2 novembre 2019 : Palais des Festivals, Cannes (06).
16 novembre 2019 : Le Channel, Calais (62).
12 décembre 2019 : Théâtre, Vienne (38).
13 décembre 2019 : Le Cratère - Scène nationale, Alès (30).
14 décembre 2019 : Espace Julien, Marseille (13).

Safidin Alouache
Lundi 3 Juin 2019

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© Jean-François Delon.
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