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Théâtre

"Mataora" (1)… Théâtre témoignage, entre passé et présent, où l'on ressent l'amertume grecque

"Mataora, la mémoire trouée", Théâtre du Soleil, Paris

Hélène Cinq, avec sa troupe franco-grecque, fait remonter à la surface de la mémoire un épisode oublié de l'Histoire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et c'est passionnant. Mataroa ? C'est un bateau au nom de Pacifique sud qui s'est illustré, entre autres faits glorieux*, dans l'évacuation de plus de 180 étudiants grecs mis en en danger par une autre histoire oubliée, celle de la guerre civile grecque née à l'occasion de la libération de 1945.



© Danielle Aspis.
© Danielle Aspis.
Hélène Cinq rapporte l'histoire des petits malmenés par les décisions des puissants (et leurs accords stratégiques). Celles de Churchill et Staline… Mais aussi des grands argentiers contemporains.

Car Théâtre dans le théâtre, il est aussi question de la répétition d'une pièce de théâtre de nos jours... brutalement interrompue par la disparition des crédits culturels. Par ce biais, du cœur du métier de comédien, faisant le lien entre le passé et le présent, la troupe rend sensible le poids de la perpétuation des traumatismes et les difficultés d'exister entre crainte de guerre civile et crainte de l'exil. Être tous des Papadhópoulos (surnom des hommes corrompus) ou être tous des exilés ?

Le dialogue scénique entre le plateau, le récit et le contexte est rigoureux énergique et fluide. Le spectateur, au contact de comédiens en intimité directe et franche avec leurs personnages et leurs caractères, vit au rythme de la comédie et du drame. Il apprend plein de choses, reconnaît l'épreuve commune de la vie, l'épreuve du présent et perçoit la possibilité d'une voie nouvelle.

Les réalités de plateau et du récit glissent au rythme de la conscience. Rire et émotion conjurent le douloureux sentiment d'une triste et encore évitable répétition.

Ce théâtre témoignage porte à un haut point de cristallisation qui fait sens : celui de l'absurdité du drame et l'aube des tragédies. Théâtre tout simplement par lequel le spectateur ressent l'amertume grecque.

*Il a transporté des rescapés Buchenwald et Bergen Belsen.

"Mataora, la mémoire trouée"

© Danielle Aspis.
© Danielle Aspis.
Création collective.
D'après "Le Voyage du Mataroa 1945 - Au miroir de la mémoire" de Nelly Andrikopoulou.
Traduction : Dimitris Alexakis, Cybèle Castoriadis.
Adaptation et mise en scène : Hélène Cinque.
Idée artistique et recherche : Elita Kounadi.
Avec : Cybèle Castoriadis, Dimitris Daskas, Pantelis Dentakis, Malamatenia Gotsi, Ioanna Kanellopouou, Elita Kounadi, Tatiana-Anna Pitta, Harold Savary, Yiorgos Stamos, Polydoros Vogiatzis.
Musique : Nikos Kypourgos.
Lumières : Vincent Lefèvre.
Son : Nicolas Roy.
Costumes : Georges Vafias.
Vidéo : Stylianos Pangalos.
Habillage et montage vidéos : Véronica Bonafé.
Durée : 1 h 35.

Du 10 au 28 décembre 2014.
Du mercredi au samedi à 20 h, le dimanche à 15 h.
Théâtre du Soleil, Cartoucherie, Route du Champ de Manœuvre, Paris 12e, 01 43 74 24 08.
>> theatre-du-soleil.fr

14, 15 et 16 janvier 2015 : Théâtre Liberté, Toulon (83).

Jean Grapin
Lundi 22 Décembre 2014

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© Jean-François Delon.
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© Pics.
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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

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Bruno Fougniès
15/10/2023