La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
CédéDévédé

Les "Songes" de Sébastien Guèze

À l'automne 2019, le ténor Sébastien Guèze a livré un enregistrement des berceuses de son enfance et certains de ses airs secrètement préférés à l'opéra. Un album que dominent la passion et la volonté de montrer l'étendue de ses moyens.



Sébastien Guèze, notre ténor qualité ardéchoise d'origine et né à Lyon, nous livre un séduisant enregistrement produit par lui-même, accompagné d'artistes de choix comme le quatuor Zaïde (composé de Charlotte Madet, Leslie Boulin Raulet, Sarah Chenaf et Juliette Salmona), le piano de Qiaochu Li, la guitare d'Emmanuel Rossfelder, la flûte de Jean Ferrandis (émouvante dans l'Ave Maria de Mascagni par exemple), la harpe de Daphné de Driesen, la clarinette de Joe Christophe et pas moins de sept pièces arrangées par la compositrice Camille Pépin. Ces artistes (beaucoup de femmes selon la volonté du ténor) ont un rôle décisif ici grâce à un talent éclatant.

Enregistré à l'Opéra de Vichy, ce CD "Songes" mêle plusieurs langues, plusieurs univers et plusieurs sentiments dans un programme original, au service de l'émotion : chanson, prière ou élégie, entre autres. Une de ses pièces maîtresses est la première piste : une chanson d'amour arrangée par Camille Pépin (avec l'assentiment de la petite fille du Compositeur Joachin Rodrigo, applaudissant à ce "Aranjuez con tu amor") à partir du "Concerto d'Aranjuez".

Avec la magnifique guitare d'Emmanuel Rossfelder et la voix du ténor à la texture séduisante, surgissent les ombres et les lumières d'un paysage mélancolique prenant. Une mélancolie que l'on retrouvera à la piste cinq du même J. Rodrigo avec "Adela". La guitare toujours somptueuse fait écrin alors à une voix qui dessine un entrelac délicat de notes, et délivrée ici d'une petite tendance à wagnériser dans la technique - tendance qu'on peut regretter parfois dans certains passages -, par exemple cette "Ultima canzone" qu'ont chantée Bergonzi ou Pavarotti. Très juste de bout en bout, on regrette alors un petit moment un peu trop emphatique de la part du ténor - nous extrayant du rêve, avant un somptueux finale.

Car la vaillance indéniable de Sébastien Guèze semble parfois un peu inopportune : qu'on songe à cette "Tristesse" de Chopin sur des paroles de Jean Loysel, "L'ombre s'enfuit", ou cette tristesse même se voit un peu trop emphatique alors même que le ténor est pourtant capable des plus belles subtilités, des plus beaux pianissimi. La fin justement de cette très belle pièce le prouve, de même que cette chanson de Rachmaninov sur des paroles de Pouchkine (piste huit) qui nous emporte loin, voix et piano.

Toute la nostalgie de la Russie et d'une autre vie se respire dans cette chanson géorgienne défendue ici par un sobre Sébastien Guèze. Même réussite avec la "Chanson de l'adieu" de Tosti où s'entend vraiment la poésie délicate de la déchirure ou la fameuse "Heure exquise" de R. Hahn sur un poème de Verlaine, et ses beaux passages de registres jusqu'à un final planant dans l'aigu.

Réussissant là aussi de très belles choses, tout en légèreté, le ténor nous emmène en voyage avec le superbe "Morgen", un des Lieder de Richard Strauss offert en conclusion. De nombreuses pépites encore sont à découvrir dans ce beau CD dans lequel l'engagement, la sincérité, la générosité de Sébastien Guèze se révèlent souvent avec une belle passion. La démonstration une fois de plus des qualités d'un ténor très attachant avec ce beau portrait musical.

● Sébastien Guèze - tenor and friend "Songes".
Avec : Quatuor Zaïde, Emmanuel Rossfelder, Qiaochu Li, Ferrandis, Christophe, De Driesen, Camille Pépin.
Distribution digitale : WiseBand.
Sortie : octobre 2019.

>> sebastiengueze.com

Programme des spectacles après déconfinement :
"Le Songe d'une nuit d'été" au Wexford Festival Opera, National Opera House en octobre-novembre 2020.
"Carmen" à l'Opéra de Leipzig de novembre à mai 2021.

Christine Ducq
Samedi 18 Avril 2020

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024