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"Les Séparables", un superbe plaidoyer pour la liberté et le théâtre

"Les Séparables", Théâtre de la Ville hors les murs, Espace Pierre Cardin, Paris

C'est dans une cité composée d'immeubles de grande hauteur (qu'on appelait avec humour au milieu du vingtième siècle des cages à lapins) que se déroule la pièce "Les Séparables" de Fabrice Melquiot dirigée par Emmanuel Demarcy-Mota.



© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Derrière toutes ces fenêtres qui vous parlent, ces fenêtres qui vous guettent, le petit Romain rêve de chevauchées sauvages et la petite fille Sabah de tribus indiennes.
L'histoire débute comme un conte.

Et il faut saluer la grâce du décor mouvant élaboré par l'équipe du Théâtre de la Ville qui, en reprenant les fonctions de l'ordiphone, les développe à l'échelle de la scène, multiplie les avatars pour mieux dépayser et conquérir (reconquérir) un espace mental nouveau : celui du merveilleux. Ou comment il est démontré combien la 3D véritable et la cage de scène (le théâtre) crée les conditions et les proportions propices au sens du magique.

Dans cette histoire, tout devrait rassembler ces deux enfants qui s'apprécient, partis dans de grandes plaines imaginaires optimistes et partagées, sur le traces d'un bison mythique, à la découverte des forces de la Nature et de leur mise en harmonie.

Mais Romain et Sabah appartiennent au monde de leurs parents, appartiennent à leur gent. Ils apprennent à espionner en faisant des cadeaux pour mieux les refuser, mieux s'en méfier. Se mettent en position de victime à la recherche de bouc émissaire. Ou c'est le premier qui dit qui est ! Raciste ou pas raciste ! Jusqu'à la déraison, jusqu'au fait divers des parents.

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Intériorisant le fait de ne pas fréquenter l'autre (qui n'est pas autrui), Romain et Sabah protégés du monde extérieur et suspicieux sont de nouveaux Roméo et Juliette. Ils le regretteront amèrement. Le conte est cruel.

Dans les séparables, la cité française du XXIe siècle semble revenir à la cité italienne du cinquecento italien. Vendetta et compagnie ?

Le texte, adapté au théâtre au fil de différentes présentations dans dix-huit écoles de Paris (durant un an), retranscrit des paroles vraies et ose poser des questions contemporaines.

Est-il possible pour un enfant de jouer encore aux indiens et aux cow-boys en toute ingénuité ? La pièce est un superbe plaidoyer pour la liberté et le théâtre. Mais elle laisse un goût un peu amer, non pas que le spectacle soit raté, bien au contraire, mais dans sa fin ouverte et ambiguë, elle laisse en suspend un happy end espéré.

Les enfants applaudissent.

"Les Séparables"

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Tout public à partir de 6 ans.
Texte : Fabrice Melquiot (l'Arche éditeur).
Création collective sous la direction d'Emmanuel Demarcy-Mota.
Avec la collaboration de Christophe Lemaire.
Avec : Céline Carrère & Stéphane Krähenbühl.
Création musicale : Arman Méliès.
Création vidéo : Mike Guermyet.
Scénographie : Yves Collet.
Costumes : Laurianne Scimemi Del Francia.
Lumières : Christophe Lemaire & Yves Collet.
Environnement sonore : David Lesser.
Durée : 1 h.

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Du 6 au 23 février 2018.
Mercredi, samedi, dimanche à 15 h ; mardi 13 et jeudi 15 à 14 h 30 ; jeudi 22 et le vendredi à 19 h 30.
Théâtre de la Ville hors les murs, Espace Cardin, Studio, Paris 8e, 01 42 74 22 77.
>> theatredelaville-paris.com

Jean Grapin
Mardi 13 Février 2018

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