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Théâtre

"Les Consolantes" Une grande leçon de vie !

La très belle pièce de Pauline Susini nous plonge dans les jours après les attentats du 13 novembre 2015. Face à l'incompréhension parfois de ce qui fait société, à savoir les amis, la famille et l'administration française, parfois, cruellement tatillonne, le combat des victimes, pour qu'elles soient reconnues et acceptées comme telles, est un parcours du combattant. Cette création est un très bel arc-en-ciel d'émotions et de sentiments où se mêlent autant le rire, le désir de vivre que la force intérieure.



© Christophe Raynaud de Lage.
© Christophe Raynaud de Lage.
La scénographie découvre un plateau nu recouvert d'une bâche blanche froissée. Un protagoniste (Nicolas Giret-Famin) vient sur scène et présente le contexte de la pièce qui est celui de "l'après" des attentats du 13 novembre 2015. Cette entame fait partie du spectacle qui s'inscrit comme un fil rouge entre l'assistance et les personnages, entre la réalité et la fable qui sont miroirs l'un de l'autre. Ce lien est nourri aussi par les interprètes venant du public, montrant par ce biais que les attentats du 13 novembre auraient pu frapper n'importe qui.

La mise en scène de Pauline Susini adopte une dramaturgie dans laquelle les protagonistes et les spectateurs, qui entourent la scène, sont ensemble, les premiers s'installant dans l'assistance ou la quittant pour rejoindre le plateau. Elle est découpée en ruptures scéniques avec une variété de tableaux. Elle met à distance les spectateurs pour les plonger ensuite dans les méandres du quotidien des victimes face à l'administration française et face à leurs relations sociales, familiales et amicales.

© Christophe Raynaud de Lage.
© Christophe Raynaud de Lage.
Ce début est situé d'un point de vue extérieur, celui d'être spectateur des attentats, pour nous immiscer ensuite dans leur vie intime, dans des situations aussi diverses qu'un enterrement, qu'un déménagement et qu'une évaluation médicale. La scène du déménagement a été reprise du très beau récit "Déplier le cœur" (2025) d'Aurélie Silvestre dont son compagnon, Matthieu, a été assassiné lors de l'attaque terroriste du Bataclan.

Qu'est-ce qu'être "victimes d'un attentat" ? Au-delà des mots et de sa définition juridique, c'est son contenu, lié à des vécus, qui est mis en relief. C'est dans ce périmètre, où les vies sociales, familiales, intimes et judiciaires s'imbriquent, que se noue la fable qui fait le lien entre intimité et extimité. Une intimité qui met à nu leurs doutes, leurs perceptions de "l'après" et leurs combats pour se faire reconnaître pour ce qu'elles sont par une administration sourcilleuse et avare de sa confiance, comme si la souffrance, physique et psychique, extrême d'un attentat se mesurait à ce qui est visible ou à la longueur d'une cicatrice.

La pièce met en exergue ces moments extrêmement pesants. Plusieurs types de protagonistes sont présents tels qu'une épouse, des amis, un avocat et une médecin. On est témoins d'une évaluation faite par cette dernière pour un dédommagement financier en présence de la victime et de son avocat, au travers de négociations avec celui-ci et d'un questionnement médical à celui-là pour essayer de convaincre de la normalité d'une situation, à des fins de réduction des dépenses, situation qui n'est pourtant que terrible et violente.

Ces différentes composantes sont tenues par un même fil rouge qui est celui des "14 novembre" pour reprendre l'expression d'Aurélie Silvestre*, de cet "après" où ces grands blessés de la vie se retrouvent seuls. Un parcours auquel on ne s'attarde pas généralement, la visibilité à ce sujet n'étant pas ou très peu traitée publiquement.

Ce qui fait contexte aussi est le lien entre théâtre et la réalité, entre ce qui se joue sur scène et dans le public, entre ce qui est raconté et ce qui est vécu par chacun d'eux. Un enregistrement audio se fait aussi entendre, relayé ensuite par une protagoniste. Le témoignage se transforme en dire, la mémoire devient présente.

Il y a aussi un vrai moment comique où nous assistons à l'enterrement d'une victime qui apparaît ensuite habillée en ange descendant du ciel. Elle est excédée par le chant (Célia Rosich) d'une chanson de Johnny Halliday, par les habits portés des présents et par le décor de l'enterrement.

© Christophe Raynaud de Lage.
© Christophe Raynaud de Lage.
Les sentiments et les émotions des victimes s'expriment à l'aide d'un miroir, celui du public, qui permet une plongée dans leur solitude, leur détresse, leur combat. Le spectacle est un très bel arc-en-ciel de couleurs et d'émotions. Il mêle de la profondeur et de l'humour, des faits et des relations sociales, de la tristesse et du rire, de l'amour et un combat. Elle est une immersion de ce qu'a pu être des jours comme les "14 novembre" avec son lot de tristesse, d'absence, d'incompréhension et de lutte. Et de retour aussi à la Vie, car ces personnages sont riches d'une force et d'une grande humanité où nulle colère, nulle haine ne s'exprime. Une grande leçon de vie !
◙ Safidin Alouache

* "Nos 14 novembre" par Aurélie Silvestre, Éditions JC Lattès, novembre 2016.

"Les Consolantes"

© Christophe Raynaud de Lage.
© Christophe Raynaud de Lage.
Texte : Pauline Susini en collaboration avec les comédiennes et comédiens.
Mise en scène : Pauline Susini.
Assistante à la mise en scène : Florence Albaret.
Avec : Noémie Develay-Ressiguier, Sébastien Desjours, Nicolas Giret-Famin, Célia Rosich.
Création sonore : Loïc Le Roux.
Régie son : Olivier Wurth.
Scénographie : Camille Duchemin, assistée d'Elmest Poudoulec.
Production : Compagnie Les Vingtièmes Rugissants.
Durée : 1 h 15.

Ce spectacle a été joué les 20 et 21 novembre à la salle Le Grand Parquet, Paris 18ᵉ.

Tournée
21 mars 2025 : Scène Prévert, Joinville-le-Pont (94).

Safidin Alouache
Vendredi 5 Décembre 2025

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