La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
CédéDévédé

Le choc de la rentrée : Philippe Bianconi joue Chopin

Après le triomphe remporté par son CD consacré à Debussy en 2012, le pianiste français revient sous le même label, La Dolce Volta, avec les quatre premières Ballades et trois autres pièces de grand intérêt de Frédéric Chopin. C'est le choc de cette rentrée : pluie de récompenses à prévoir cette fois encore pour Philippe Bianconi.



C'est une Victoire de la Musique classique obtenue en 2012 (entre autres récompenses) qui a permis au public français de faire connaissance avec un de ses plus grands interprètes jusque-là curieusement méconnu. Philippe Bianconi a donné la plupart de ses concerts Outre-Atlantique pendant la première partie de sa carrière, comme le prédisposait son statut de lauréat au Concours Van Cliburn à la fin des années quatre-vingts.

Ce pur produit de l'école française de piano formé à Nice par une élève de Marguerite Long et Robert Casadesus a suivi un chemin non commun, récoltant une pluie de prix à de nombreux concours et la confiance du grand baryton Hermann Prey de 1983 à 1990. C'est en tant que collaborateur et accompagnateur qu'il avait été choisi à l‘époque pour le concert et pour enregistrer les trois cycles de lieds de Schubert.

Ce nouvel enregistrement du pianiste (redevenu soliste évidemment) dédié à Chopin est un enchantement et mérite au-delà des louanges convenues son second titre "Le piano poète". Parce qu'il a d'abord cultivé son tropisme pour Ravel, Debussy et les Romantiques allemands, Philippe Bianconi peut nous présenter aujourd'hui le compositeur franco-polonais sous un jour inédit. L'œuvre de Frédéric Chopin dans cette proposition résonne dans toute sa modernité, son esprit d'aventure, son inventivité inspiratrice pour les maîtres français qui lui succèderont.

Les quatre Ballades sont composées entre 1835 et 1842. Cette forme venue de la poésie romantique, dont le compositeur invente la version musicale - alors qu'il est exilé depuis 1831 à Paris à la suite de l'écrasement de la Révolution polonaise -, est frappée au coin de son génie propre (comme le Nocturne ou l'Impromptu). La Ballade n°1 (celle du "Pianiste" de Roman Polanski) d'une inspiration encore toute romantique bruisse encore des révoltes et des tourments de l'âme. Et c'est merveille que d'écouter Philippe Bianconi dont le jeu habité tour à tour court la poste des élans lyriques ou nous plonge dans les abîmes de la psyché.

Son jeu legato, les suspensions hypnotiques du rythme, les ruptures inspirées (par exemple dans la deuxième Ballade), les variations incroyables d'états de conscience rendues dans une belle sonorité et toujours susceptibles d'évoluer dans un discours musical dont on découvre sans cesse les méandres inattendus (même dans la forme beethovénienne du scherzo opus 54) font de l'interprétation un régal de nuances et d'expression, à mille lieux de l'effusion banale.

Une sensibilité pleine de retenue, parfois plus folle et libérée, s'exprime dans un phrasé des plus nobles mais le clavier à l'occasion ne manque pas d'une puissance d'acier (et cette maîtrise des pédales !). Philippe Bianconi, qui accentue les articulations comme peu, a choisi d'intercaler au milieu des quatre Ballades le Prélude opus 45 dont Chopin fait une pièce instrumentale indépendante. Méditation fructueuse dans la conception du programme qui rend évidente l'étonnante nouveauté de l'écriture de Chopin, à laquelle nous n'avions pas forcément pensé.

Le CD se termine par la Barcarolle opus 60. Se confirment alors la maîtrise d'improvisation du compositeur et la virtuosité envoûtante du pianiste qui définitivement emporte notre cœur et notre esprit. Cet opus de Philippe Bianconi est mon coup de cœur de la rentrée : à écouter absolument ! Et ne ratez pas les dates de la tournée 2014-2015.

● "Chopin_Philippe Bianconi. Le piano poète".
Philippe Bianconi, piano.
Label : La Dolce Volta.
Distribution : harmonia mundi.
Sorti : 26 août 2014.

Frédéric Chopin (1810-1849).
Les 4 Ballades.
Prélude en Ut dièse mineur, opus 45.
Scherzo n°4 en Mi majeur, opus54.
Barcarolle en Fa dièse majeur, opus 60.

Concerts :
9 septembre 2014 : Piano aux Jacobins, Toulouse (31).
21 septembre 2014 : Monte Carlo, Principauté de Monaco.
5 octobre 2014 : Cabourg (14).
7 octobre 2014 : Salle Gaveau, Paris.
5 décembre 2014 : Périgueux (24).
12 décembre 2014 : Lyon (69).

Christine Ducq
Samedi 6 Septembre 2014

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024