La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
CédéDévédé

Le Quatuor Tchalik réinvente le monde rêvé de Reynaldo Hahn

Les jeunes musiciens franco-russes du Quatuor Tchalik et leur frère, le pianiste Dania Tchalik, nous transportent dans le monde rêvé de Reynaldo Hahn à l'occasion de la parution de leur nouveau CD entièrement dédié à ce compositeur phare de leur répertoire.



© Steve Murez.
© Steve Murez.
Reynaldo Hahn ne fut pas seulement l'amant de jeunesse de Marcel Proust, qui l'appelait "un instrument de musique de génie" (et un de ses plus fidèles amis ensuite, une amitié que la publication des lettres de l'auteur de la "Recherche" au mitan du vingtième siècle mit singulièrement en lumière), il fut également un des plus féconds musiciens des salons de la Belle Époque. C'est ainsi qu'il croisa Stéphane Mallarmé ou Anatole France, après Marcel en attendant d'accéder au poste de directeur de l'Opéra de Paris à la fin de la seconde guerre mondiale.

Ce vénézuélien par sa mère et allemand par son père, né à Caracas en 1875, naturalisé français dès 1912, se signala par une intense activité non seulement en composition, mais également comme chef d'orchestre (mozartien) et critique musical, notamment au Figaro. Élève de Lavignac et de Massenet au Conservatoire de Paris, il composa une œuvre toujours connue dans le domaine lyrique (opérettes et mélodies) et en passe d'être réévaluée (si ce n'est redécouverte) dans le paysage de la musique de chambre.

© Steve Murez.
© Steve Murez.
Reprenant un programme donné à Venise en septembre 2019, les quatre archets et le pianiste Dania Tchalik font (re)découvrir aujourd'hui à un plus vaste public les deux quatuors à cordes, un quintette avec piano et trois pièces brèves de Hahn. Une redécouverte qui s'impose tant ces jeunes artistes s'attachent manifestement à redonner vie et vivacité, lyrisme et grâce à des partitions délicates, aux coloris changeants, aux architectures subtiles et aux climats entêtants. Car la musique de Reynaldo Hahn est toujours sensible et pleine d'esprit.

L'enregistrement s'ouvre sur deux superbes quatuors à cordes, composés respectivement en 1939 et 1943 à l'automne d'une vie. Le premier, chantant, joliment mélancolique et toujours charmant, donne le ton d'une œuvre chambriste à tort longtemps ignorée. Le second, au ton plus grave voire âpre, envoûte tout autant. C'est que les Tchalik l'ont souvent interprété (au Mozarteum à Salzbourg, par exemple), rendant ici à merveille la perfection de cet art de la conversation en musique clairement hérité chez Hahn du XVIIIe siècle.

Quelques pièces brèves offrent à des duos entre Marc (violoncelle) ou Gabriel (violon) et Dania Tchalik l'occasion de déployer leur art fait d'une belle complicité et d'un naturel esprit d'émulation fraternelle. Une entente bien rendue dans l'excellent son du CD enregistré en décembre 2019 à la Seine Musicale, notamment dans ces Variations chantantes sur un air ancien (de F. Cavalli) datée de 1905 ou ces Deux improvisations sur des airs irlandais de 1911 - pièces jusqu'ici inconnues, créées dans ce disque grâce à la proximité des musiciens avec la petite nièce du compositeur, Eva de Vengohechea.

Le Quintette pour piano et cordes écrit entre 1917 et 1922 clôt ce très beau programme. Il est ici défendu par des artistes qui le jouent depuis leurs premiers concerts, exaltant par conséquent cette langue hahnienne faite de clarté, de simplicité noble et de gravité élégante. Les Tchalik y font une fois de plus la preuve de leur grand talent comme de l'urgence de réhabiliter le Reynaldo Hahn chambriste.

● Quatuor Tchalik, Dania Tchalik "Reynaldo Hahn".
Label : Alkonost Classic.
Distribution physique : UVM.
Distribution numérique : Absilone/Believe.
Sortie : 20 novembre 2020.

>> quatuortchalik.com

Christine Ducq
Mercredi 13 Janvier 2021

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023







À découvrir

"Othello" Iago et Othello… le vice et la vertu, deux maux qui vont très bien ensemble

Réécrit dans sa version française par Jean-Michel Déprats, le texte de William Shakespeare devient ici matière contemporaine explorant à l'envi les arcanes des comportements humains. Quant à la mise en jeu proposée par Jean-François Sivadier, elle restitue - "à la lettre" près - l'esprit de cette pièce crépusculaire livrant le Maure de Venise à la perfidie poussée jusqu'à son point d'incandescence de l'intrigant Iago, incarné par un Nicolas Bouchaud à la hauteur de sa réputation donnant la réplique à un magnifique Adama Diop débordant de vitalité.

© Jean-Louis Fernandez.
Un décor sombre pouvant faire penser à d'immenses mâchoires mobiles propres à avaler les personnages crée la fantasmagorie de cette intrigue lumineuse. En effet, très vite, on s'aperçoit que l'enjeu de cet affrontement "à mots couverts" ne se trouve pas dans quelque menace guerrière menaçant Chypre que le Maure de Venise, en tant que général des armées, serait censé défendre… Ceci n'est que "pré-texte". L'intérêt se noue ailleurs, autour des agissements de Iago, ce maître ès-fourberies qui n'aura de cesse de détruire méthodiquement tous celles et ceux qui lui vouent (pourtant) une fidélité sans faille…

L'humour (parfois grinçant) n'est pour autant jamais absent… Ainsi lors du tableau inaugural, lorsque le Maure de Venise confie comment il s'est joué des aprioris du vieux sénateur vénitien, père de Desdémone, en lui livrant comment en sa qualité d'ancien esclave il fut racheté, allant jusqu'à s'approprier le nom d'"anthropophage" dans le même temps que sa belle "dévorait" ses paroles… Ou lorsque Iago, croisant les jambes dans un fauteuil, lunettes en main, joue avec une ironie mordante le psychanalyste du malheureux Cassio, déchu par ses soins de son poste, allongé devant lui et hurlant sa peine de s'être bagarré en état d'ébriété avec le gouverneur… Ou encore, lorsque le noble bouffon Roderigo, est ridiculisé à plates coutures par Iago tirant maléfiquement les ficelles, comme si le prétendant éconduit de Desdémone n'était plus qu'une vulgaire marionnette entre ses mains expertes.

Yves Kafka
03/03/2023
Spectacle à la Une

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
07/04/2023
Spectacle à la Une

Dans "Nos jardins Histoire(s) de France #2", la parole elle aussi pousse, bourgeonne et donne des fruits

"Nos Jardins", ce sont les jardins ouvriers, ces petits lopins de terre que certaines communes ont commencé à mettre à disposition des administrés à la fin du XIXe siècle. Le but était de fournir ainsi aux concitoyens les plus pauvres un petit bout de terre où cultiver légumes, tubercules et fruits de manière à soulager les finances de ces ménages, mais aussi de profiter des joies de la nature. "Nos Jardins", ce sont également les jardins d'agrément que les nobles, les rois puis les bourgeois firent construire autour de leurs châteaux par des jardiniers dont certains, comme André Le Nôtre, devinrent extrêmement réputés. Ce spectacle englobe ces deux visions de la terre pour développer un débat militant, social et historique.

Photo de répétition © Cie du Double.
L'argument de la pièce raconte la prochaine destruction d'un jardin ouvrier pour implanter à sa place un centre commercial. On est ici en prise directe avec l'actualité. Il y a un an, la destruction d'une partie des jardins ouvriers d'Aubervilliers pour construire des infrastructures accueillant les JO 2024 avait soulevé la colère d'une partie des habitants et l'action de défenseurs des jardins. Le jugement de relaxe de ces derniers ne date que de quelques semaines. Un sujet brûlant donc, à l'heure où chaque mètre carré de béton à la surface du globe le prive d'une goutte de vie.

Trois personnages sont impliqués dans cette tragédie sociale : deux lycéennes et un lycéen. Les deux premières forment le noyau dur de cette résistance à la destruction, le dernier est tout dévoué au modernisme, féru de mode et sans doute de fast-food, il se moque bien des légumes qui poussent sans aucune beauté à ses yeux. L'auteur Amine Adjina met ainsi en place les germes d'un débat qui va opposer les deux camps.

Bruno Fougniès
23/12/2022