La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Le Bourgeois gentilhomme"… prosaïquement superbe de modernité

"Le Bourgeois gentilhomme", Théâtre des Bouffes du Nord, Paris

Dans la mise en scène très créative de Denis Podalydès, "Le Bourgeois gentilhomme" est au carrefour du classique et du moderne, du comique et du tragique, renouant aussi avec la comédie-ballet de Molière autour de chants lyriques et de la musique de Lully.



© Pascal Victor.
© Pascal Victor.
C'est drôle, inventif, avec la rencontre de deux époques, moderne dans la scénographie et classique avec la musique de Lully. Le cadre de la pièce dévoile une approche théâtrale audacieuse dans une mise en scène intervenant par petites touches tout au long de la pièce. Celle-ci est savamment mise en valeur par la déclamation théâtrale des comédiens et le phrasé des répliques. Le théâtre de Molière et la musique de Lully forment un bel ensemble artistique nourri de chants lyriques et de danse classique.

Les personnages sont une gourmandise d'invention. Il y a M. Jourdain, plein d'emphase, d'énergie et de croquant. Mme Jourdain est habitée par un jeu à la fois hautain et drôle lorsqu'elle mime une dinde, M. Jourdain lui donnant la réplique. Il y a aussi les émissaires du grand Turc, très drôles avec leurs petites tailles et leurs petites voix. Chaque personnage, de Cléonte et Covielle jusqu'à Dorante et Dolimène, respire d'originalité. Le jeu transpire d'énergie, d'audace où la farce et la gaudriole outrepassent le contemporain et le classique de la pièce lui donnant ainsi un accent intemporel.

© Pascal Victor.
© Pascal Victor.
M. Jourdain est autant enclin au jeu, à l'espièglerie qu'au sérieux et à l'ambition d'être considéré comme un noble. Nous sommes au carrefour de personnages qui ont chacun une marque, une griffe, un timbre scénique. Il n'y a pas de petits rôles, que de grands personnages.

Ainsi, de l'inventivité de la mise en scène qui fait de chaque scène une histoire, nous sommes à découvrir chaque personnage dans une évolution nourrie par le contexte scénographique, les situations. Chacun, même si la trame respecte un caractère qui lui être propre, s'amuse, autant de lui-même que de l'autre, faisant de la pièce une comédie a plusieurs entrées.

La mise en scène de Podalydès fait de chaque rôle un axe d'évolution de la pièce. C'est par eux que les ressorts dramaturgiques puisent leur source. C'est par eux que l'histoire et les situations se façonnent, comme s'ils étaient indépendants de tout destin scénique ou théâtral. Ils semblent en être les instigateurs, les seuls maîtres à bord sur scène rendant à Molière un hommage appuyé à son génie créateur.

"Le Bourgeois gentilhomme"

© Pascal Victor.
© Pascal Victor.
Comédie-ballet de Molière avec la musique de Lully.
Mise en scène : Denis Podalydès, Sociétaire de la Comédie-Française, assisté de Laurent Podalydès.
Direction musicale : Christophe Coin.
Collaboration artistique : Emmanuel Bourdieu.
Scénographie : Éric Ruf, assisté de Delphine Sainte-Marie.

Avec (en alternance) :
Comédiens : Emeline Bayart, Julien Campani, Manon Combes, Bénédicte Guilbert, Elodie Huber, Francis Leplay, Leslie Menu, Hermann Marchand, Nicolas Orlando, Laurent Podalydès, Pascal Rénéric, Alexandre Steiger, Thibault Vinçon.
Danseuses : Windy Antognelli, Noémie Ettlin, Flavie Hennion et Artemis Stavridi.
Chanteurs : Geoffroy Buffière, Romain Champion, Cécile Granger, Matthieu Heim, Marc Labonnette, Vincent Lière-Picard et Francisco Mañalich.

© Pascal Victor.
© Pascal Victor.
Solistes de L'Ensemble La Révérence : Jérôme Akoka, Christophe Coin, Louis Creach, Stéphan Dudermel, Yvan Garcia, Domitille Gilon, François Guerrier, Nicolas Mazzoleni, Nathalie Petibon, Emmanuel Resche, Vincent Robin, Atsushi Sakai et Maria Tecla Andreotti.
Lumières : Stéphanie Daniel.
Costumes : Christian Lacroix, assisté de Jean-Philippe Pons.
Chorégraphie : Kaori Ito.
Maquillages et coiffures : Véronique Soulier-Nguyen.
Durée : 3 h avec entracte.

Du 26 juin 2015 au 26 juillet 2015.
Du mardi au samedi à 20 h, matinées les dimanches à 16 h et relâche le mardi 14 juillet.
Théâtre des Bouffes du Nord, Paris 10e, 01 46 07 34 50.
>> bouffesdunord.com

Safidin Alouache
Mercredi 8 Juillet 2015

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024