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Lyrique

L'Opéra de Paris reste ouvert !

Depuis la fermeture des lieux culturels, l'Opéra de Paris doit faire face à de sérieux défis sanitaires et logistiques pour continuer ses activités. Répétitions et créations se poursuivent néanmoins. Actuellement sur son site, sur la page l'Opéra chez soi, on peut redécouvrir une magnifique "Flûte enchantée" dans la production de Robert Carsen pour le prix d'une place de cinéma, mais aussi d'anciens et nouveaux spectacles et des ballets (certains gratuits).



© Elisa Haberer - OnP.
© Elisa Haberer - OnP.
Parmi tant de beaux spectacles à découvrir (l'opéra à 11,90 € et le ballet à 7,90 €) sur le site de l'Opéra de Paris, une distribution d'une radieuse jeunesse donne tout son prix à la reprise de la production de 2014 de "La Flûte enchantée" de Robert Carsen. Le metteur en scène canadien abandonne, on s'en souvient, toute idée d'un décorum maçonnique pour nous offrir un singspiel mozartien d'une totale modernité.

Jouant la carte de l'économie de moyens avec une belle simplicité en termes de scénographie (une forêt, un tapis de verdure, des souterrains ténébreux pour les épreuves initiatiques), il livre sa vision des aventures du prince Tamino (plus "homme" que prince ici) "sur le chemin de la vertu et de l'amour" - des aventures donc traitées à hauteur d'homme au fil des quatre saisons. Ici La Reine de la Nuit (superbe Sabine Devieilhe) est l'alliée de Sarastro (grandiose Nicolas Testé) pour conduire les héros vers la lumière transcendante de l'Agapé, cet idéal de fraternité et de progrès.

Quatre jeunes chanteurs en état de grâce mettent le comble à notre félicité. Dans ce quatuor de haut vol, le Tamino de Cyrille Dubois est un enchantement (timbre très pur et phrasé legato) face à la Pamina sensuelle de Julie Fuchs. On apprécie aussi beaucoup leur double burlesque, l'oiseleur fanfaron à souhait d'Alex Esposito et la parfaite et opulente Papagena de Mélissa Petit. Le plaisir de retrouver nos impeccables chanteurs français sur la scène de l'Opéra de Paris (aux côtés de leurs collègues européens), idéalement accompagnés par l'orchestre maison dirigé par un Cornelius Meister inspiré, aura été le vrai cadeau (le seul) de la situation sanitaire actuelle. Le reste de la distribution est à la hauteur des espérances, tel le Monostatos drôlissime du ténor autrichien Wolfgang Ablinger-Sperrhacke.

© Elisa Haberer - OnP.
© Elisa Haberer - OnP.
Prochain spectacle à marquer d'une pierre blanche diffusé sur Arte Concert le 18 février : une nouvelle production maintenue, celle d'"Aïda" (M. Mariotti, direction et mise en scène de Lotte de Beer) avec S. Radvanosky, L. Tézier et J. Kaufmann. Si on doit pleurer l'annulation de "Capriccio", on pourra cependant se consoler avec le "Faust" de Benjamin Bernheim avec Florian Sempey et Ermonela Jaho (en ce moment en répétitions à Bastille), le 25 mars sur la chaîne Culture Box puis sur le site de l'opéra.

Après la nomination de la nouvelle cheffe des Chœurs, Cheng-Lien Wu, et celle très prochaine du nouveau directeur musical de l'orchestre, l'Opéra de Paris vient aussi de prendre connaissance du "Rapport sur la diversité à l'Opéra national de Paris" commandé à Constance Rivière et Pap N'Diaye. Alexander Neef a d'ores et déjà annoncé que plusieurs des pistes suggérées avaient été retenues. Outre la nomination d'un Chargé de mission "diversité et inclusion", un comité consultatif scientifique comprenant des personnalités extérieures et des artistes maison veillera sur la durée à leur application pour garantir une plus grande représentativité de la diversité de la société française dans les carrières artistiques, administratives ou techniques qu'offre la Grande Boutique.

Une réflexion sur la présence d'œuvres issues de la diversité (celles du Chevalier de Saint-Georges, par exemple) et sur la contextualisation pour le public d'œuvres du passé parfois problématiques est également bien avancée. Le nouveau directeur général a notamment insisté sur le fait qu'il ne s'agissait en rien d'en censurer certaines (après une polémique récente sur le ballet "La Bayadère") mais bien d'apporter (par le biais de conférences et d'expositions) des clefs de compréhension - sans rien disputer à la liberté du metteur en scène ou du chorégraphe.

© Svetlana Loboff - OnP.
© Svetlana Loboff - OnP.
"La Flûte enchantée"
De W. A. Mozart.
Disponible sur L'Opéra chez soi (site de l'OnP) jusqu'au 22 février 2021.
En langue allemande sous titrée en français et en anglais.
Production : Robert Carsen.
Direction : Cornelius Meister.
Orchestre et Chœurs de l'Opéra de Paris.
Réalisation : Jérémie Cuvillier.

>> operadeparis.fr

© Svetlana Loboff - OnP.
© Svetlana Loboff - OnP.

Christine Ducq
Jeudi 11 Février 2021

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Concerts | Lyrique







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

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30/08/2024