C'est en 1976 que Philippe Madral écrit ce texte, alors qu'il traverse une période très difficile de sa vie personnelle et qu'il est "au bord du gouffre". Il n'est plus à prouver que les fleuves intranquilles de la vie sont définitivement propices à l'écriture, comme les multiples contraintes ou autres "joyeusetés" qu'elle nous réserve. Ce fut précisément le cas pour l'auteur, qui s'est brusquement retrouvé abandonné de la sphère créative nationale après, pourtant, sa collaboration à la direction du CDN du Nord, ainsi qu'au terme de trois mises en scène de ses propres pièces en 1974.
Après, plus rien. Jusqu'au jour où Lucien Gibarra, célèbre figure de l'"underground" théâtral parisien, lui tend la main en lui demandant d'écrire un monologue. Le texte "C'est la surprise" voit ainsi le jour, retraçant le désespoir que vivait l'auteur à l'époque. Puis le texte prend un autre titre, plusieurs années plus tard, et la pièce est créée à plusieurs reprises, notamment par Patrick Chesnais en 1986.
Ici, ce n'est pas un interprète masculin qui se présente sur le petit plateau du Guichet Montparnasse. Ce n'est pas Patrick Chesnais, loin de là, mais une frêle jeune femme, vêtue d'un bleu de travail parsemé de taches de couleurs et avec des tennis blanches qui "deviennent accessoires le temps d'une scène", comme le précise Stéphan Hersoen, le metteur en scène.
Après, plus rien. Jusqu'au jour où Lucien Gibarra, célèbre figure de l'"underground" théâtral parisien, lui tend la main en lui demandant d'écrire un monologue. Le texte "C'est la surprise" voit ainsi le jour, retraçant le désespoir que vivait l'auteur à l'époque. Puis le texte prend un autre titre, plusieurs années plus tard, et la pièce est créée à plusieurs reprises, notamment par Patrick Chesnais en 1986.
Ici, ce n'est pas un interprète masculin qui se présente sur le petit plateau du Guichet Montparnasse. Ce n'est pas Patrick Chesnais, loin de là, mais une frêle jeune femme, vêtue d'un bleu de travail parsemé de taches de couleurs et avec des tennis blanches qui "deviennent accessoires le temps d'une scène", comme le précise Stéphan Hersoen, le metteur en scène.
Une version toute revendiquée pour le moins audacieuse autour de laquelle, avec l'accord de l'auteur, il a ainsi pu "gommer les frontières des genres", et faire part du caractère universel des démons et des failles que nous avons toutes et tous plus ou moins enfouis en nous. Gageons fortement que d'aucuns (unes) critiques ou autres spectatrices et spectateurs ne verront pas, dans cette nouvelle adaptation, qu'un simple effet sensible et propre à la gent féminine !
Tandis que le public prend place, la comédienne patiente, les mains sur les oreilles, courbée, marchant à petits pas autour du plateau recouvert d'un drap blanc. Un pied devant l'autre, d'une manière toute mécanique et rigoureusement millimétrée, comme une forme d'oxymore du désordre à venir, au cœur de ce carré qu'elle arpente. Puis rapidement, le ton est donné. Des bruits dans sa tête surgissent, symbolisés par une musique stridente et récurrente.
"Approche-moi pas ! Fais gaffe au bord ! Reste ! Arrête ! Reste où t'es".
Tout au long du spectacle, le phrasé psychotique de la comédienne emporte le public comme dans un tsunami, le dérangeant, peut-être… Mais notons là une véritable performance d'actrice, d'autant que ce dernier est également associé à une dynamique corporelle bouleversante, qui n'est pas sans rappeler celle des personnes atteintes d'autisme ou plus globalement névrosées.
À ce titre, le jeu de Camille Bouillé est "tout simplement" époustouflant. Il n'est pas sans nous rappeler celui de la comédienne Sara Mortensen dans la série TV "Astrid et Raphaëlle". Les mimiques de son visage, comme le travail de ses mains et de ses bras, faisant d'ailleurs osciller le texte comme l'entièreté de sa prestation entre légèreté, drôlerie et dimension plus tragique.
C'est fulgurant, et comme au-delà du simple travail de comédienne !
Soulignons aussi la grande justesse de ses regards adressés au public, parfois glaçants, envahissants, déstabilisants ou/et largement complices.
La mise en scène de Stéphan Hoersen de la Compagnie du Plateau Libre tranche de façon sensible les tourments affichés de la comédienne : des bocaux de peintures et un jouet d'enfant aux couleurs vives, un grand carnet à dessin sur lequel elle trace d'un geste adroit des œufs de Pâques très colorés, la toile blanche au sol, lumineuse et entachée de traces multicolores, des chaînes qui brillent accrochées au plafond, le tout très loin de la grisaille et du brouillard que la comédienne a dans sa tête, et dont elle nous parle en 3D.
Tandis que le public prend place, la comédienne patiente, les mains sur les oreilles, courbée, marchant à petits pas autour du plateau recouvert d'un drap blanc. Un pied devant l'autre, d'une manière toute mécanique et rigoureusement millimétrée, comme une forme d'oxymore du désordre à venir, au cœur de ce carré qu'elle arpente. Puis rapidement, le ton est donné. Des bruits dans sa tête surgissent, symbolisés par une musique stridente et récurrente.
"Approche-moi pas ! Fais gaffe au bord ! Reste ! Arrête ! Reste où t'es".
Tout au long du spectacle, le phrasé psychotique de la comédienne emporte le public comme dans un tsunami, le dérangeant, peut-être… Mais notons là une véritable performance d'actrice, d'autant que ce dernier est également associé à une dynamique corporelle bouleversante, qui n'est pas sans rappeler celle des personnes atteintes d'autisme ou plus globalement névrosées.
À ce titre, le jeu de Camille Bouillé est "tout simplement" époustouflant. Il n'est pas sans nous rappeler celui de la comédienne Sara Mortensen dans la série TV "Astrid et Raphaëlle". Les mimiques de son visage, comme le travail de ses mains et de ses bras, faisant d'ailleurs osciller le texte comme l'entièreté de sa prestation entre légèreté, drôlerie et dimension plus tragique.
C'est fulgurant, et comme au-delà du simple travail de comédienne !
Soulignons aussi la grande justesse de ses regards adressés au public, parfois glaçants, envahissants, déstabilisants ou/et largement complices.
La mise en scène de Stéphan Hoersen de la Compagnie du Plateau Libre tranche de façon sensible les tourments affichés de la comédienne : des bocaux de peintures et un jouet d'enfant aux couleurs vives, un grand carnet à dessin sur lequel elle trace d'un geste adroit des œufs de Pâques très colorés, la toile blanche au sol, lumineuse et entachée de traces multicolores, des chaînes qui brillent accrochées au plafond, le tout très loin de la grisaille et du brouillard que la comédienne a dans sa tête, et dont elle nous parle en 3D.
"Je pense que je peux être très bonne dans le second ordre, uniquement dans le second ordre… Au fond, les autres, je ne sais pas ce qu'ils croient… La tête. Ma tête. Je ne sais pas…
Quand on peut plonger un lapin dans une bassine, c'est sûr qu'on va réussir dans la vie. Ma mère, c'est le genre de fille avec qui il faut prendre des précautions pour l'approcher… J'étais toquée d'elle, mais si on était gentille, ça ne passait pas".
"Finalement quoi", pièce au titre pour le moins énigmatique, actuellement au Guichet Montparnasse, et ce, jusqu'au 18 décembre, est une pièce d'une profondeur émotionnelle saisissante qui ébranle les certitudes des spectatrices et spectateurs sur leur normalité, et qui trouble autant qu'elle éclaire.
La prestation cathartique et éblouissante de Camille Bouillé, étoffée par la mise en scène de Stéphan Hersoen, simple, mais brillamment éclairante, fait de ce spectacle un moment particulièrement fort de la rentrée théâtrale parisienne.
Ne reste-t-on pas toujours un peu marginal, hors normes, handicapés de la vie, "pas comme les autres", lorsque le destin nous happe un jour, nous prend dans ses filets ? Lorsque le sentiment d'exclusion sociale ou sentimentale, l'absence de reconnaissance, les silences destructeurs, ou l'abandon nous submerge ?
À bien y regarder, c'est ce que dit cet exceptionnel seul en scène que Philippe Madral avait hâte de découvrir. Gageons que grâce à cette nouvelle adaptation, il aura pu retrouver toute la force incandescente de sa plume de 1976, et qu'elle lui aura définitivement apporté de la lumière, comme les œufs de Pâques peuvent le faire, cachés sous les arbustes…
Finalement ! Quoi ? Eh bien, cette pièce, à ne rater sous aucun prétexte !
◙ Brigitte Corrigou
Quand on peut plonger un lapin dans une bassine, c'est sûr qu'on va réussir dans la vie. Ma mère, c'est le genre de fille avec qui il faut prendre des précautions pour l'approcher… J'étais toquée d'elle, mais si on était gentille, ça ne passait pas".
"Finalement quoi", pièce au titre pour le moins énigmatique, actuellement au Guichet Montparnasse, et ce, jusqu'au 18 décembre, est une pièce d'une profondeur émotionnelle saisissante qui ébranle les certitudes des spectatrices et spectateurs sur leur normalité, et qui trouble autant qu'elle éclaire.
La prestation cathartique et éblouissante de Camille Bouillé, étoffée par la mise en scène de Stéphan Hersoen, simple, mais brillamment éclairante, fait de ce spectacle un moment particulièrement fort de la rentrée théâtrale parisienne.
Ne reste-t-on pas toujours un peu marginal, hors normes, handicapés de la vie, "pas comme les autres", lorsque le destin nous happe un jour, nous prend dans ses filets ? Lorsque le sentiment d'exclusion sociale ou sentimentale, l'absence de reconnaissance, les silences destructeurs, ou l'abandon nous submerge ?
À bien y regarder, c'est ce que dit cet exceptionnel seul en scène que Philippe Madral avait hâte de découvrir. Gageons que grâce à cette nouvelle adaptation, il aura pu retrouver toute la force incandescente de sa plume de 1976, et qu'elle lui aura définitivement apporté de la lumière, comme les œufs de Pâques peuvent le faire, cachés sous les arbustes…
Finalement ! Quoi ? Eh bien, cette pièce, à ne rater sous aucun prétexte !
◙ Brigitte Corrigou
"Finalement quoi"
Texte : Philippe Madral.
Mise en scène : Stéphan Journeaux Hersoen.
Avec : Camille Bouillé.
Scénographie et lumière : Stephan Hersoen.
Création vidéo: Adrien Jean-Robert et Camille Boullé.
Costumes, décors et accessoires Compagnie du Plateau Libre.
Création visuelle et graphique : Catherine Récamier.
Compagnie de Plateau Libre ( Stéphan Hersoen et Florence Limon)
Tout public à partir de 12 ans.
Durée : 1 h 05.
Du 4 septembre au 18 décembre 2025.
Jeudi à 19 h.
Théâtre Le Guichet Montparnasse, 15, rue du Maine, Paris 14e.
Réservations : 01 43 27 88 61.
>> Billetterie en ligne
>> guichetmontparnasse.com
Mise en scène : Stéphan Journeaux Hersoen.
Avec : Camille Bouillé.
Scénographie et lumière : Stephan Hersoen.
Création vidéo: Adrien Jean-Robert et Camille Boullé.
Costumes, décors et accessoires Compagnie du Plateau Libre.
Création visuelle et graphique : Catherine Récamier.
Compagnie de Plateau Libre ( Stéphan Hersoen et Florence Limon)
Tout public à partir de 12 ans.
Durée : 1 h 05.
Du 4 septembre au 18 décembre 2025.
Jeudi à 19 h.
Théâtre Le Guichet Montparnasse, 15, rue du Maine, Paris 14e.
Réservations : 01 43 27 88 61.
>> Billetterie en ligne
>> guichetmontparnasse.com
























