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Théâtre

"Cabaret Louise" Cabaret foutraque et jouissif pour s'indigner encore et toujours !

Grandes ignorées de nos scolarités boutonneuses, la Commune et l'une de ses figures majeures, Louise Michel, sont tirées du passé et ici convoquées à une célébration festive et effrontée, bâtie sur des fondations soixante-huitardes bienfaisantes, où se réunissent de manière intempestive, ou pas, Rimbaud, Hugo, Léo et Théophile Ferré, Louise Attaque, Johnny Hallyday, Jules Ferry et Adolphe Thiers, etc., prenant vie grâce aux joyeux jeux virtuoses de Charlotte Zotto et Régis Vlachos.



© Xavier Cantat.
© Xavier Cantat.
En une forme de cabaret drolatique, foutraque, jouissif et impertinent, est rendu hommage à la révolte, à l'espérance d'une toujours future révolution, au souvenir de celles qui ont eu lieu - sans malheureusement toujours beaucoup d'efficience -, à celles et ceux - communards ou soixante-huitards - qui les imaginèrent sur le terreau de folles utopies. Régis Vlachos nous offre à nouveau un insolent et hilarant éloge d'une nouvelle rébellion à inventer, nous incitant, dans le respect de nos libertés individuelles, à nous indigner encore et toujours.

Cet hommage audacieux et - forcément - libertaire est associé subtilement, dans un intelligent second plan et en un judicieux contrepoint, à nos désespérantes actualités. Et, tour de force réussi, est généré, en complément inattendu et croustillant, une approche de mise en abyme conjugale du couple tentant de représenter le spectacle tout en l'interrompant de tempétueuses disputes, de tentatives de réconciliation… ou de négociation de définitive séparation... Instillant ainsi dans tous les tiroirs narratifs, une revendication féminine et féministe émanant historiquement de Louise Michel et, dans une contemporanéité militante, celle de la femme d'aujourd'hui que sont les comédiennes Charlotte Zotto et Johanna Garnier.

© Xavier Cantat.
© Xavier Cantat.
Dans cet exercice unissant tant les références historiques documentées, les rappels à teneur pédagogique pour les jeunes générations contemporaines que nos désarrois actuels, l'auteur (et comédien) Régis Vlachos cite à la défense de l'art révolutionnaire et de la passion rebelle : la correspondance de Louise Michel avec Victor Hugo, Olympes de Gouges, "Le forgeron" - magnifique poème de Rimbaud écrit pendant et en estime de la Commune, "Toute cette Histoire" de Louise Attaque, la relation entre Louise Michel et Théophile Ferré, "Sans la nommer" de Georges Moustaki… et bien d'autres pépites alimentant ce "beuglant" original et burlesque.

Côté accusé est retranscrit, souvent avec précision, l'ignominie de cette troisième République qui, avec l'aide d'un pays étranger, massacra plus de 30 000 de ses concitoyens, et qui vit exercer le gouvernement honteux d'Adolphe Thiers et Jules Ferry.

Cette séquence historique oubliée qu'est la Commune, souvent seulement symbolisée par une reprise volontaire et militante du "Temps des cerises" par des artistes comme Motivés, Noir Désir ou Joan Baez, est un intelligent rappel, liant 1871 à aujourd'hui, à la nécessité permanente de réfléchir sur les déviances de la démocratie, de questionner les erreurs politiques passées et présentes, et d'alimenter l'indignation salvatrice.

© Xavier Cantat.
© Xavier Cantat.
Instillant une théâtralité inventive et épanouie, la mise en scène de Marc Pistolesi est riche et surprenante de trouvailles offrant aux trois comédiens un terreau propice à l'expression de toutes les facettes que peut exposer un cabaret déjanté, drôle et revigorant. Un grand coup de chapeau à Charlotte Zotto, Johanna Garnier et Régis Vlachos qui nous embarquent avec un enthousiasme peu commun dans ce spectacle "historique" dépoussiéré mettant en avant de belles idées révolutionnaires… sans prise de tête mais avec une réelle bonne humeur et une énergie salutaire.

"Cabaret Louise"

© Xavier Cantat.
© Xavier Cantat.
Comédie musicale et burlesque.
Texte : Régis Vlachos.
Mise en scène : Marc Pistolesi.
Avec : Charlotte Zotto et Régis Vlachos.
Et les voix de Jack Frantz et Michel Papineschi.
Lumières, scénographie, costumes : Marc Pistolesi.
Régisseur : David van Tongerloo/Léo Delorme.
Compagnie du Grand Soir.
Durée : 1 h 05.
À partir de 12 ans.

Du 2 septembre au 25 octobre 2020.
Du mardi au samedi à 21 h et dimanche à 17 h 30.
Théâtre Le Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr

Gil Chauveau
Lundi 31 Août 2020

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"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
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Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
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Brigitte Corrigou
06/03/2024
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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
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"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023