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Festivals

Biennale des Écritures du Réel 2024 à Marseille, un festival à l'écoute des secousses du monde

Théâtre, danse, cirque, littérature, conférences, ateliers, scènes partagées, telle est la diversité de cet événement organisé par le Théâtre La Cité durant deux mois (du 20 mars au 25 mai) dans vingt-trois lieux différents de la cité phocéenne. Présents lors du premier week-end du festival, nous avons assisté à deux spectacles singuliers : "À la ligne" de la Cie D'ici Demain" et "Tijuana" du collectif mexicain Lagartijas Tiradas al Sol.



"Tijuana" © Lagartijas Tiradas al Sol.
"Tijuana" © Lagartijas Tiradas al Sol.
Le Théâtre La Cité – dont l'équipe est animée par Michel André, metteur en scène et directeur artistique – est un lieu qui se distingue dans le paysage culturel marseillais par sa volonté de se situer hors des sentiers balisés. Ici, pas de programmation de spectacles à l’année, mais un lieu partagé de recherche et de création. Concrètement, c'est une fabrique artistique citoyenne en interaction constante avec la ville et ses habitantes et habitants.

Pour la petite histoire, le Théâtre La Cité ouvre ses portes en 2005. Il prolonge le projet de la Compagnie de La Cité (Florence Lloret et Michel André). Il se construit autour d’une démarche que l’on pourrait qualifier de théâtre documentaire avec notamment la création des spectacles "Rue des Muguets" (2004-2007), "Nous ne nous étions jamais rencontrés" (2008-2010), "Jusqu’ici tout va bien" (2012), "L’alphabet des oubliés" (2012). C’est dans ce cadre que le terme d’écritures du réel fait son apparition, plus ouvert et fidèle que celui de théâtre documentaire, si l'on considère ce qui se joue sur le plateau dans leurs créations.

"À la ligne" © Laura Blanvillain.
"À la ligne" © Laura Blanvillain.
Les spectacles de Michel André échappent au témoignage pour mettre en jeu le processus de recherche et d’enquête en lui-même. Le Théâtre La Cité invite alors d’autres artistes de toutes disciplines, intéressés par ces écritures, à collaborer ; et il ouvre en parallèle le champ de la création aux habitants de la ville en créant les Ateliers de La Cité. Régulièrement, des philosophes, des chercheurs, sont invités au théâtre. Une articulation art et société s’expérimente et prend forme.

C'est dans la continuité de cette ligne artistique, que nait la Biennale des écritures du réel, en 2012. Il s'agit d'un festival qui s’attache à mettre en dialogue art, politique et société. Celui-ci défend la vision d’un théâtre engagé et partagé qui explore de nouvelles relations entre les artistes et les chercheuses, chercheurs, autrices, auteurs, corps enseignant, habitantes, habitants et jeunes publics… Paroles, récits, poèmes d’un réel à vif, la biennale invite, à la croisée du politique et du poétique, à questionner le monde avec les yeux des autres.

Se déroulant du mercredi 20 mars au samedi 25 mai 2024, l'événement a été imaginé en trois grandes traversées autour d’une cinquantaine d’événements – théâtre, danse, littérature, cirque, cinéma, conférences, ateliers et scènes partagées – dans plus d'une vingtaine de lieux partenaires. Chacune d’entre elles trace un chemin dans le réel, du je au nous, de l’intime au politique.
Traversée #1 "(se) dire" ; traversée #2 "renverser" et traversée #3 "faire nous".

>> Découvrir la programmation

Biennale des Écritures du Réel 2024
Du 20 mars au 25 mai 2024.
Dans 23 lieux de Marseille.
Festival organisé par le Théâtre La Cité, Marseille 6e, 04 91 53 95 61.
>> theatrelacite.com

Gil Chauveau
Vendredi 12 Avril 2024

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"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
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"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
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"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

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Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024