La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Conteur singulier et iconoclaste, Roland Shön sonne le retour à l'imaginaire

"Circulaires du service des instruments de mesure" et "Gyromances", Le Grand Parquet, Paris

Dans ses deux spectacles, "Circulaires du service des instruments de mesure" et "Gyromances", Roland Shön met en œuvre le personnage de l’érudit conférencier, transmetteur de savoirs liés à l’œuvre de Volter Notzing, mythique explorateur créé en 1992 par Roland Shön lui-même…



"Circulaires..." © Paul Bonmartel.
"Circulaires..." © Paul Bonmartel.
Le comédien auteur, à l’appui de sa démonstration, comme preuves d’un monde et d’une mythologie, avec les moyens d’une conférence clandestine ou officielle, lit des textes persuasifs, montre des bandes et des cartons dessinées.

Roland Shön fait partie de ces bricoleurs de génie qui (avec la complicité de musiciens, de constructeurs et de vidéastes), dans la simplicité affichée des dispositifs matériels et textuels, envoie le spectateur dans un domaine délicieux du spectacle : celui du désir de conte partagé, celui de l’admiration de l’ingéniosité bricolée. Là où le vrai-faux est plus que vrai. Surréel. Où le public capté entre en imaginaire par les manies des colporteurs avec leurs bobines, boîtes, casiers, machines de presque rien, leurs récits qui déjantent.

"Gyromances" © Paul Bonmartel.
"Gyromances" © Paul Bonmartel.
La forme quasi parfaite des expositions itinérantes et le jeu qui s’appuie sur les silences, des obscurités, entretiennent une ambiguïté qui exploite l’incident, les hésitations d’un conférencier malhabile et extrêmement modeste. Est ainsi révélé au public, piqué au vif, à lui en donner le tournis, ce qui le fonde en tant que public : à savoir son vouloir croire, son vouloir à prendre.

Le spectacle est déroutant, insolite, singulier, saugrenu. Le soupçon de canular affleure sans jamais percer la surface de la conscience. C’est ce doute qui rend captif l’auditoire qui n’a d’autre échappatoire que de suivre les respirations du récit et de s’échapper dans les images qui lui sont présentées.

Dans ces instants d’humour à froid, Roland Shön sonne le moment du retour à l’imaginaire. Celui par lequel les hommes depuis la nuit des temps se racontent le déroulé de leur Histoire. C’est avec des actes de conteurs aussi simplement élaborés, dans une manière de concrétion du temps et de rideau de parade, de bandeaux dessinés ou d’objets en boîtes, que le ressort de l’épopée se tend à qui veut la saisir.

"Circulaires du service des instruments de mesure"

"Circulaires..." © Paul Bonmartel.
"Circulaires..." © Paul Bonmartel.
Texte, interprétation, peinture, objets, vidéos : Roland Shön.
Avec la complicité de Jacques Bourgaux et François Small.
Bande son et musique : Jean-Jacques Martial.
Construction : Ludovic Billy.
Lumières : Claude Couffin.
Création de Shön et Théâtrenciel.

"Gyromances"

"Gyromances" © Paul Bonmartel.
"Gyromances" © Paul Bonmartel.
Texte, interprétation, peinture, objets : Roland Shön.
Musique : Jean-Jacques Martial.
Interprétation en direct : Jean-Jacques Martial (guitares et samplers) et Roland Shön (bugle).
Mise en jeu avec la complicité de Jean-Paul Viot.
Construction : Ludovic Billy.
Lumières : Éric Guilbaud.
Remerciements à la Logomotive Théâtre.
Création de Shön et Théâtrenciel.

Du 29 novembre au 23 décembre 2012.
"Circulaires..." >> Jeudi, vendredi et samedi à 18 h 45, dimanche à 14 h 45.
"Gyromances" >> Jeudi, vendredi et samedi à 21 h, dimanche à 17 h.
Le Grand Parquet, Paris 18e, 01 40 05 01 50.
>> legrandparquet.net
En partenariat avec Le Théâtre de la Marionnette à Paris.

"Gyromances" © Paul Bonmartel.
"Gyromances" © Paul Bonmartel.

Jean Grapin
Mercredi 12 Décembre 2012

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Le consentement" Monologue intense pour une tentative de récit libératoire

Le livre avait défrayé la chronique à sa sortie en levant le voile sur les relations pédophiles subies par Vanessa Springora, couvertes par un milieu culturel et par une époque permissive où ce délit n'était pas considéré comme tel, même quand celui-ci était connu, car déclaré publiquement par son agresseur sexuel, un écrivain connu. Sébastien Davis nous en montre les ressorts autant intimes qu'extimes où, sous les traits de Ludivine Sagnier, la protagoniste nous en fait le récit.

© Christophe Raynaud de Lage.
Côté cour, Ludivine Sagnier attend à côté de Pierre Belleville le démarrage du spectacle, avant qu'elle n'investisse le plateau. Puis, pleine lumière où V. (Ludivine Sagnier) apparaît habillée en bas de jogging et des baskets avec un haut-le-corps. Elle commence son récit avec le visage fatigué et les traits tirés. En arrière-scène, un voile translucide ferme le plateau où parfois V. plante ses mains en étirant son corps après chaque séquence. Dans ces instants, c'est presque une ombre que l'on devine avec une voix, continuant sa narration, un peu en écho, comme à la fois proche, par le volume sonore, et distante par la modification de timbre qui en est effectuée.

Dans cet entre-deux où le spectacle n'a pas encore débuté, c'est autant la comédienne que l'on voit qu'une inconnue, puisqu'en dehors du plateau et se tenant à l'ombre, comme mise de côté sur une scène pourtant déjà éclairée avec un public pas très attentif de ce qui se passe.

Safidin Alouache
21/03/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024