La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Coulisses & Cie

"Lucernaire Bonjour !" Chroniques dessinées, savoureuses et humoristiques d'une caissière finement observatrice et joyeusement espiègle

Derrière le guichet d'un théâtre peut parfois se cacher une personne "extra-ordinaire" possédant d'autres talents que celui consistant à accueillir, avec une humeur dotée d'une bienveillance et d'une patience toutes professionnelles, les spectateurs, espèce aux multiples caractères… Aptitudes ou dons insoupçonnés qui peuvent se dévoiler de manière inattendue comme ce fut le cas au Lucernaire, célèbre lieu culturel du sixième arrondissement parisien, avec Céline Ena, responsable de billetterie, qui se révèle aujourd'hui autrice et dessinatrice !



© Céline Ena/Éditions L'Harmattan.
© Céline Ena/Éditions L'Harmattan.
Originaire de Pau, Céline Ena "monte à la capitale" pour suivre des études de Lettres Classiques et prendre des cours de théâtre. En quête d'un petit boulot, en attendant le décollage de sa carrière artistique et/ou littéraire, elle se retrouve embauchée au Lucernaire, encore alors sous la direction des créateurs du lieu, Christian Le Guillochet et Luce Berthommé. Pour Céline, c'est un heureux signe du destin qui lui ouvre une nouvelle voie professionnelle.

Ainsi depuis plus de vingt-six ans, derrière son guichet du Lucernaire, Céline Ena répond au téléphone, prend des réservations, se remaquille, vend des tickets de théâtre ou de cinéma, boit du café, donne des renseignements, puis recommence. Ce qui pourrait paraître routinier s'avère riche de rencontres éphémères, parfois surprenantes, de répliques imprévues, voire déconcertantes. Bref, elle ne s'ennuie jamais, transportée par les saynètes qui se jouent tous les jours à son comptoir, drôles, tragiques, inquiétantes… captivantes.

© Céline Ena/Éditions L'Harmattan.
© Céline Ena/Éditions L'Harmattan.
Au fil des années, le sourire toujours rivé aux lèvres, l'œil pétillant, le regard aiguisé et les oreilles affutés, Céline Ena relève, note, consigne ces échanges vécus de visu ou au téléphone dans un petit cahier. Petit à petit, celui-ci s'étoffe d'anecdotes amusantes, touchantes mais aussi agaçantes. Et c'est là qu'interviennent la crise sanitaire et le premier confinement. Le Lucernaire, comme tous les théâtres, ferme ses portes et Céline, comme nous tous, est dans l'obligation de "s'enfermer" chez elle.

D'un naturel plutôt généreux, c'est alors qu'elle décide de partager ces petites histoires patiemment collectées… et en sélectionne les meilleures, les plus représentatives de l'imagination, de la créativité sans limites de ses clients futurs spectateurs ou simples badauds de passage. Sans compter que ceux-ci peuvent se révéler de véritables et étonnants comédiens… involontaires ! Bien que dessinatrice autodidacte, c'est sous la forme d'un album dessiné qu'elle va retranscrire ces chroniques, historiettes, nous emmenant ainsi à la rencontre de personnages singuliers, parfois drôles, ridicules, exaspérants, naïfs, incultivés ou simplement émouvant.

Céline Ena s'avère être une fine observatrice et une talentueuse croqueuse des différents caractères du genre humain, de leurs diverses humeurs (irritabilité, extravagante, colère, impatience, séduction, etc.) qu'elle traduit avec finesse grâce à un trait clair, sobre mais suffisamment détaillé pour être éminemment expressif, esquissant avec justesse attitudes, gestique, voire grimaces, laissant le lecteur entrer dans les différentes et courtes séquences (traitement type "planches" BD) et n'hésitant à user d'un humour espiègle pour rendre tous ces personnages encore plus humains, parfois pitoyables, parfois attachants, toujours intéressants… car nous avons peut-être été l'un d'eux un jour…

Céline Ena est dotée d'un vrai coup de crayon, maîtrisé et créatif - si les textes sont issus d'une collecte de la réalité, les visages des protagonistes ont été "imaginés" - et d'un sens de l'observation doublé (triplé !) d'humour et d'autodérision. Un nouveau talent à découvrir, scrutatrice de comportements théâtraux dans un univers dont on se préoccupe peu habituellement, celui occupé par le public. À quand un deuxième volume ?

© Céline Ena/Éditions L'Harmattan.
© Céline Ena/Éditions L'Harmattan.
• "Lucernaire Bonjour !"
Autrice : Céline Ena.
Éditeur : L'Harmattan.
Date de publication : 1er septembre 2021.
Broché - format : 15,5 x 24 cm, 72 pages.
>> editions-harmattan.fr

Gil Chauveau
Lundi 21 Février 2022

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Le consentement" Monologue intense pour une tentative de récit libératoire

Le livre avait défrayé la chronique à sa sortie en levant le voile sur les relations pédophiles subies par Vanessa Springora, couvertes par un milieu culturel et par une époque permissive où ce délit n'était pas considéré comme tel, même quand celui-ci était connu, car déclaré publiquement par son agresseur sexuel, un écrivain connu. Sébastien Davis nous en montre les ressorts autant intimes qu'extimes où, sous les traits de Ludivine Sagnier, la protagoniste nous en fait le récit.

© Christophe Raynaud de Lage.
Côté cour, Ludivine Sagnier attend à côté de Pierre Belleville le démarrage du spectacle, avant qu'elle n'investisse le plateau. Puis, pleine lumière où V. (Ludivine Sagnier) apparaît habillée en bas de jogging et des baskets avec un haut-le-corps. Elle commence son récit avec le visage fatigué et les traits tirés. En arrière-scène, un voile translucide ferme le plateau où parfois V. plante ses mains en étirant son corps après chaque séquence. Dans ces instants, c'est presque une ombre que l'on devine avec une voix, continuant sa narration, un peu en écho, comme à la fois proche, par le volume sonore, et distante par la modification de timbre qui en est effectuée.

Dans cet entre-deux où le spectacle n'a pas encore débuté, c'est autant la comédienne que l'on voit qu'une inconnue, puisqu'en dehors du plateau et se tenant à l'ombre, comme mise de côté sur une scène pourtant déjà éclairée avec un public pas très attentif de ce qui se passe.

Safidin Alouache
21/03/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024