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Théâtre

"Nouveau Roman"… entre humour, débats et littérature

"Nouveau Roman", Théâtre La Colline, Paris

La mise en scène fait vivre de l’intérieur un mouvement littéraire qui a secoué le monde de la littérature au milieu du siècle dernier. Les débats sont vifs et passionnés sans que l’humour et la légèreté ne faussent compagnie.



© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Julien Honoré, le frère du metteur en scène Clément Honoré, débute le spectacle en racontant avec une pointe d’humour quelques souvenirs d’enfance et ses débuts théâtraux avec son frère. Le contact avec le public est franc et direct comme pour montrer que nous sommes au théâtre avec des personnages fictifs joués par de vrais comédiens. Et c’est parti ! Julien Honoré (Claude Mauriac) présente la troupe créant ainsi une illusion fausse, mais réelle parce qu’assumée.

Nous sommes dans les années cinquante avec un mouvement littéraire appelé "Nouveau Roman" dont Robbe-Grillet, Sarraute, Duras, Pinget, Beckett, Sagan sont les porte-voix et les écrivains de talent.

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
La scène présente trois espaces de jeu sans frontière, celui d’un salon, d’un espace de débats et d’un bureau des Éditions de Minuit. Les écrivains, critiques et éditeurs se croisent. La parole est l’armature, la discussion l’habit d’une pièce où la littérature est l’humus du spectacle. Tout semble vrai car tout est vivace et spontané. La chose littéraire devient légère bien que les débats soient relevés. Les personnages habillent la littérature d’une belle robe séduisante. Elle devient charme et délice.

Les discussions sont à bâtons repus. L’humour est compagnon de jeu. Des téléviseurs laissent voir des interviews d’écrivains tels Duras ou Sollers. L’ombre de Beckett plane dans les propos des personnages.

Les débats sont vifs et passionnés avec un intellectualisme chassé de la scène et un ennui bâillonné. La musique, guitare électrique seule, et les chants prennent le relais.

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
L’auteur/metteur en scène, Christophe Honoré, nous plonge à l’intérieur d’un mouvement littéraire. Sa vue n’est ni partisane, ni "historique". Elle est vivante, fraîche, humoristique. Nous sommes dans l’intimité des écrivains, dans leurs humeurs, dans leurs engagements.

Le jeu des comédiens est un délice. Ludivine Sagnier (Sarraute) est superbe dans son rôle. Ce n’est pas la seule. Brigitte Catillon (Michel Butor), Jean-Charles Clichet (Robbe-Grillet), Julien Honoré (Claude Mauriac) plantent avec beaucoup de talent des personnages truculents.

Les débats retracent avec superbe une époque où les codes du roman ont été remis en question, où l’intrigue et les personnages devenaient secondaires. C‘est retranscrit avec vivacité. En somme, une belle pièce faite de belles répliques et de bons mots.

"Nouveau Roman"

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Texte : Christophe Honoré.
Mise en scène : Christophe Honoré.
Assistant à la mise en scène : Sébastien Lévy.
Scénographie : Alban Ho Van.
Avec : Brigitte Catillon, Jean-Charles Clichet, Anaïs Demoustier, Julien Honoré, Annie Mercier, Sébastien Pouderoux, Mélodie Richard, Ludivine Sagnier, Mathurin Voltz, Benjamin Wangermée.
Et la participation amicale de François Bégaudeau, Geneviève Brisac, Dennis Cooper, Charles Dantzig, Marie Darrieussecq, Alain Fleischer, Isabelle Huppert, Gilles Leroy, Mathieu Lindon, Emilio Lopez-Menchero, Éric Reinhardt, Lydie Salvayre et Philippe Sollers.
Lumière : Rémy Chevrin.

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.
Vidéo : Rémy Chevrin, Christophe Honoré et Baptiste Klein.
Costumes : Coralie Gauthier pour Yohji Yamamoto, Y’s et Limi Feu.
Durée : 2 h 50.

Spectacle du 15 novembre au 9 décembre 2012.
Du mercredi au samedi à 20 h 30, mardi à 19 h 30, dimanche à 15 h 30.
La Colline Théâtre national, Paris 20e, 01 44 62 52 52.
>> colline.fr

© Jean-Louis Fernandez.
© Jean-Louis Fernandez.

Safidine Alouache
Lundi 26 Novembre 2012

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