La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Un cœur Moulinex, un cœur gros comme ça, un rêve français… de qualité

"Un cœur Moulinex", Théâtre de l'Opprimé, Paris

Dans "Un cœur Moulinex", Claude Viala montre les coulisses de la fabrication d'un célébrissime moulin à légumes électrifié. Côté patrons, côté ouvrières. Vu sous l'angle des humbles dans la manière d'un théâtre simple et efficace.



© Pierre Nasti.
© Pierre Nasti.
Le texte de Simon Grangeat charpenté et très documenté narre comment un bricoleur de génie normand apporta au monde entier le rêve d'un palais des arts ménagers qui connut son apogée puis son déclin.

Les comédiens sont en prise directe avec le public, endossent ouvertement les personnages, s'expriment, échangent les rôles, les points de vue, s'interpellent. Ils le font avec un sens de l'espièglerie tel qu'ils mettent en connivence plutôt qu'à distance. Ce théâtre à la manière brechtienne met en perspective une histoire sociale, un récit économique.

Il y a une première partie dure et joyeuse. Celle de la découverte de la solidarité et de la camaraderie d'atelier. C'est, dans un monde de labeur, le goût du bien faire partagé par un patron plus inventeur que gestionnaire. Dans un paternalisme affectueux, le rêve collectif d'une amélioration de la condition féminine.

La seconde partie est dure et cruelle. Elle est celle de l'exténuation progressive, de la montée des ambitions antagonistes, de la taylorisation intense et des modernisations ratées. Avec, au final, la montée des statistiques, l'espionnage industriel et les malfaçons qui aiguisent la voracité des prédateurs.

© Pierre Nasti.
© Pierre Nasti.
Mené avec dynamisme et entrain, la pièce divertit. Et par-delà la surface des choses, qui comporte forcément une part d'inconnu et d'indicible, le spectateur explore une aventure sociale, une aventure humaine. Il acquiert juste ce qu'il faut de connaissance des événements pour entrevoir les mécanismes cachés sous les grands mots, qui apportent jouissances pour les uns et amertume pour les autres (Concurrence, Mondialisation, Financiarisation).

Dans son entrain à montrer, le jeu met en valeur un théâtre optimiste. Et au final, comme en pointillé, suspend le récit d'un chevalier blanc qui reprendrait la marque pour sa valeur symbolique et non pour sa valeur financière*.

Le spectateur partage avant tout un plaisir qui a un cœur gros comme ça… Un cœur Moulinex , un Rêve Français. De qualité, de qualité…

*La société d'emboutissage de bourgogne (SEB) citée dans la pièce a racheté les brevets et la marque Moulinex et relance une ligne produits.

"Un cœur Moulinex"

© Pierre Nasti.
© Pierre Nasti.
Texte : Simon Grangeat.
Mise en scène : Claude Viala.
Avec : Hervé Laudière, Carole Leblanc, Véronique Müller, Loredana Chaillot, Pascaline Schwab, Christian Roux, Julien Brault.
Assistant à la mise en scène : Hervé Laudière.
Musique : Christian Roux.
Scénographie : Shanti Rughoobur.
Durée : 1 h 30.
Compagnie Aberratio Mentalis.

© Pierre Nasti.
© Pierre Nasti.
Du 8 au 26 novembre 2017.
Du mercredi au samedi à 20 h 30, dimanche à 17 h.
Théâtre de l'Opprimé, Paris 12e, 01 43 40 44 44.
>> theatredelopprime.com

Jean Grapin
Jeudi 9 Novembre 2017

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Le consentement" Monologue intense pour une tentative de récit libératoire

Le livre avait défrayé la chronique à sa sortie en levant le voile sur les relations pédophiles subies par Vanessa Springora, couvertes par un milieu culturel et par une époque permissive où ce délit n'était pas considéré comme tel, même quand celui-ci était connu, car déclaré publiquement par son agresseur sexuel, un écrivain connu. Sébastien Davis nous en montre les ressorts autant intimes qu'extimes où, sous les traits de Ludivine Sagnier, la protagoniste nous en fait le récit.

© Christophe Raynaud de Lage.
Côté cour, Ludivine Sagnier attend à côté de Pierre Belleville le démarrage du spectacle, avant qu'elle n'investisse le plateau. Puis, pleine lumière où V. (Ludivine Sagnier) apparaît habillée en bas de jogging et des baskets avec un haut-le-corps. Elle commence son récit avec le visage fatigué et les traits tirés. En arrière-scène, un voile translucide ferme le plateau où parfois V. plante ses mains en étirant son corps après chaque séquence. Dans ces instants, c'est presque une ombre que l'on devine avec une voix, continuant sa narration, un peu en écho, comme à la fois proche, par le volume sonore, et distante par la modification de timbre qui en est effectuée.

Dans cet entre-deux où le spectacle n'a pas encore débuté, c'est autant la comédienne que l'on voit qu'une inconnue, puisqu'en dehors du plateau et se tenant à l'ombre, comme mise de côté sur une scène pourtant déjà éclairée avec un public pas très attentif de ce qui se passe.

Safidin Alouache
21/03/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024