La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Une critique sur le snobisme et la spéculation dans l'art contemporain par le collectif tg STAN & Dood Paard

"Art", Théâtre de la Bastille, Paris

Dans la pièce écrite en 1994, "Art" (qui est depuis un succès international), Yasmina Reza décrit le petit monde qui hante des galeries d'Art contemporain. Le texte de la pièce est réaliste, fait rire aux dépens de ses personnages. Et peut même passer pour réactionnaire. En confiant les droits au collectif hollandais tg STAN & Dood Paard, l'auteur accepte de lui donner un sacré coup de jeune.



© Sanne Peper.
© Sanne Peper.
La pièce présente des choses vues et entendues sous les traits caricaturaux de Serge, dermatologue, Marc, ingénieur, et d'Yvan, représentant en papeterie. Tous sont novices et s'écharpent au sujet d'un tableau monochrome blanc sur blanc* d'un peintre dont la cote monte. Acheté au prix de l'or par l'un d'entre eux. Ce qui occasionne cris, jalousie et ruptures.

La mise en scène baigne dans une atmosphère d'atelier, de garage, de squatt peut-être où se dessine tout un conformisme alternatif. Les comédiens mettent à l'aise et interpellent en tout naturel le public. Il flotte en l'air comme une atmosphère de bricolé alors que tous les effets sont parfaitement maîtrisés. Les accents flamands sont sur-articulés : ils sont irrésistibles en français. Les caractères sont outrés, tranchés, poussés à l'extrême de leur folie intime. Le collectif trouve mine de rien le meilleur du vaudeville et de l'art clownesque.

Le texte est très intelligemment recentré sur les rapports entre les personnages. "Art" devient ainsi le récit d'une vieille amitié qui explose.

© Sanne Peper.
© Sanne Peper.
Le collectif tg STAN & Dood Paard pointe les écarts qui séparent, souligne les malentendus, les dénis, les faux semblants. Toutes ces impasses de communication qu'un simple écart de jugement de valeur sur un tableau cristallise. La critique sur le snobisme et la spéculation des valeurs dans l'art contemporain, l'illusion d'appartenir à une caste heureuse s'en trouve renforcée.

Des Goûts et des Couleurs…

Dans cette satire, il faut savoir trouver l'Art et la Manière. Assurément tg Stan & Dood Paard ont trouvé les deux. Avec le rire et la tendresse due la tragi-comédie.

* Le premier monochrome « Carré blanc sur fond blanc » date de 1918 Kazimir Malévitch inaugure une nouvelle manière de peinture qui renvoie le spectateur à l'énigme de la chose vue : la forme, la matière, la couleur. La représentation et son sujet. Dans les années 1990 un célèbre collectionneur Claude Berry soutenait le peintre Ryman auteur de monochromes blancs…

"Art"

© Sanne Peper.
© Sanne Peper.
Texte : Yasmina Reza.
De et avec : Kuno Bakker, Gillis Biesheuvel et Frank Vercruyssen.
Lumière et son : Julian Maiwald.
Costumes : An D'Huys.
Production STAN et Dood Paard.

Du 2 au 30 juin 2017.
Du mardi au samedi à 20 h, lundi 26 à 20 h.
Théâtre de la Bastille, Paris 11e, 01 43 57 42 14.
>> theatre-bastille.com

Jean Grapin
Mercredi 7 Juin 2017

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
06/03/2024
Spectacle à la Une

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023