La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Le Prince de Machiavel par Laurent Gutmann : une adaptation libre, drôle et joyeuse

"Le Prince", Théâtre Paris-Villette, Paris

Niccolo M. aimerait bien un peu d'harmonie. Mais, en tant que directeur pédagogique d'une improbable formation à la gouvernance des peuples, il est bien obligé de constater la médiocrité de ses stagiaires. Ils ont bien du mal à comprendre lors des exercices pratiques, dans les jeux de rôle, les principes du chef, le jeu du prince...



© Pierre Grosbois.
© Pierre Grosbois.
De comprendre dans la quête du pouvoir, le jeu de la flatterie, le rôle de la violence, les pratiques d'intimidation, la grandeur de la ruse, l'idéal d'opportunisme.

De comprendre que "les princes ne font pas le bien ou le mal mais font bien ou mal ce qu'ils doivent faire, c'est-à-dire gouverner". Et que tout prince a un peuple qui pâtit de lui ou l'évalue...

Laurent Gutmann a transposé le Prince de Machiavel et le passage du livre à la scène fait d'un manuel apparemment cynique ou ironique un véritable exercice de liberté joyeuse.

Le livre en est transfiguré.

Dans cette fable, ce huis clos d'une formation professionnelle plus vraie que nature, les trois candidats en dépit des qualités managériales de l'animatrice révèlent leur inaptitude crasse sous le regard actif d'un public aux anges.

© Pierre Grosbois.
© Pierre Grosbois.
Et entre la salle et la scène, entre le spectateur et le balourd amateur de Métal, le binoclard faux derche ou la grande brune évaporée ou l'animatrice attentive et efficace se déroule un petit miracle de comédie qui rend lisible les champs de forces, unit dans le rire les caractères, les goûts et les passions. L'exercice est follement drôle. Il réalise une forme d'idéal dans la manière de plaire, de faire rire et de rendre compte.

De regards échangés en complicité des regards, le public est surpris et heureux de sa découverte et se trouve fondu dans une démocratie très participative.

Cette version du Prince de Machiavel construit une théorie et une pratique d'un théâtre conçu comme une petite république.

"C'est trop bien" disent les ados à la sortie.

"Le Prince"

© Pierre Grosbois.
© Pierre Grosbois.
D’après Nicolas Machiavel.
Mise en scène et scénographie : Laurent Gutmann.
Avec : Thomas Blanchard, Cyril Dubreuil, Maud Le Grévellec, Shady Nafar, Pitt Simon.
Lumières : Gilles Gentner.
Costumes : Axel Aust.
Maquillages et perruques : Catherine Saint Sever.
Son : Lucas Lelièvre.
Durée : 1 h 35.

Du 23 septembre au 8 octobre 2014.
Du mardi au samedi à 20 h, dimanche 16 h.
Théâtre Paris-Villette, Paris 19e, 01 40 03 72 23.
>> theatre-paris-villette.fr

Tournée :
Du 14 au 16 octobre 2014 : Le Granit, Scène nationale, Belfort (90).
4 novembre 2014 : Théâtre du Vésinet, Le Vésinet (78).
Du 12 au 14 novembre 2014 : Théâtre Jean Vilar, Suresnes (92).
Du 18 au 29 novembre 2014 : Le Quartz, Scène nationale, Brest (29).
2 mars 2015 : Théâtre Jacques Prévert, Aulnay-sous-Bois (93).
5 et 6 mars 2015 : Le Parvis, Scène nationale Tarbes Pyrénées, Tarbes (65).
Du 10 au 19 mars 2015 : Centre Dramatique Régional, Tours (37).
23 mars 2015 : Théâtre des 4 saisons, Gradignan (33).
26 et 27 mars 2015 : Le Théâtre, Scène nationale, Saint-Nazaire (44).
31 mars 2015 : Centre des bords de Marne, Le Perreux-sur-Marne (94).
7 avril 2015 : Théâtre Brétigny dedans dehors, Scène conventionnée, Brétigny-sur-Orge (91).
9 et 10 avril 2015 : Théâtre de Sartrouville et des Yvelines, Centre Dramatique National, Sartrouville (78).
.../...

Jean Grapin
Mardi 30 Septembre 2014

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024