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Théâtre

"Les femmes de Barbe Bleue" Désirs, désirs, étranges désirs qui défient les réalistes et fascinent les fous

On entre dans la maison de Barbe Bleue par l'entremise de l'une de ses femmes, la dernière à être tentée par cette fameuse porte close dont elle a l'interdiction d'accès malgré cette clef qui lui brûle et lui glace la paume. C'est soir de fête et le maître de maison est absent. Et la boisson commence à manquer. Et la maîtresse de maison décide de descendre l'escalier de la cave qui mène à cet interdit. Au lieu d'un cellier, c'est un musée sanglant qu'elle découvre alors, un musée vivant de toutes les femmes de Barbe Bleue tuées.



© Morgane Moal.
© Morgane Moal.
Ces quatre précédentes épouses vont devant nous revivre le destin qui les amena là, à cette fin. Quatre histoires toutes très différentes. Quatre femmes chacune originale, unique, qui tentent de toucher du doigt les raisons profondes de ce qui est pour les cerveaux sensés, carrés, terre à terre, une folie, un indicible, un illogisme parfait : les raisons des désirs des plus bizarres et périlleux.

Les attraits de l'interdit et du danger, tout est là : comment résister à l'injonction qui dit de ne pas prendre ce chemin, de ne pas goûter cette boisson, de ne pas transgresser la règle. Toute l'histoire de Barbe Bleue fonctionne sur ce trouble des sens, cette tentation qui n'a l'air de rien, pas seulement curiosité mais fascination pour le mal.

On pourrait craindre trop de psychologie dans ce travail de création autour du thème du conte de Perrault, mais l'écriture collective de cette compagnie évite soigneusement cet écueil. Chaque histoire racontée, chaque destin devient, grâce aux interprétations très incarnées, un conte par lui-même, vécu ou revécu devant nous dans une forme de reconstitution. Le texte, comme la mise en scène de Lisa Guez, parvient à réaliser un dosage délicat, difficile entre une impudeur nécessaire et une analyse du comportement sous forme d'aveux.

© Morgane Moal.
© Morgane Moal.
Les cinq interprètes semblent être en accord parfait avec leurs personnages aux imaginaires éclatés. On tourne ainsi autour des abîmes de l'âme féminine, ses peurs, ses fascinations. Mais peut-être ces abîmes ne sont-ils pas uniquement féminins ?

Malgré la noirceur du fond de ces histoires, la mise en scène et le jeu des actrices provoquent plus de rires et de sourires que de frisson. Un jeu dynamique, des textes emportés empêchent tout pathos et apportent au spectacle autant de sensualité que de fantaisie.

"Les femmes de Barbe Bleue"

© Morgane Moal.
© Morgane Moal.
Une création collective de Juste avant la compagnie.
Idée originale et mise en scène : Lisa Guez.
Assistante à la mise en scène : Sarah Doukhan.
Avec : Valentine Bellone, Valentine Krasnochok, Anne Knosp, Nelly Latour, Jordane Soudre.
Dramaturgie et mise en forme de l'écriture : Valentine Krasnochok.
Création lumière : Lila Meynard et Sarah Doukhan.
Durée : 1 h 25.
Juste avant la compagnie.
>> justeavantlacompagnie.com

A été joué du 27 novembre au 1er décembre 2019 au Lavoir Moderne Parisien.
Vient de remporter le Prix du Jury et le Prix des Lycéens dans le cadre du Festival Impatience 2019.


Tournée 2019/2020
3 et 4 mars : Théâtre de la Verrière, Lille (59).
12 et 13 mars : L'Escapade, Hénin-Beaumont (62).
15 mai : Théâtre Les Tisserands, Lomme (59).
Juillet 2020 : Théâtre des Carmes, Festival Avignon Off.

Bruno Fougniès
Mercredi 18 Décembre 2019

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© Jean-François Delon.
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© Pics.
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Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

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Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

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Bruno Fougniès
15/10/2023