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"Albert Einstein, un enfant à part" L'enfance d'un génie atypique, mais ô combien attachant !

"Seules deux choses sont infinies. L'univers et la stupidité de l'homme. Et encore, je ne suis pas certain de l'infinité de l'univers", Albert Einstein.
Peut-être que j'aurais dû naître au XIXe ! À quoi pensait Albert Einstein quand il a écrit ce que je cite au-dessus ? Quand il exprime la "stupidité de l'homme", pensait-il déjà à la déferlante des portables, des oreillettes, des "TikTok" et autres "Instagram" ! Soupir. Il faut vivre avec son temps, oui !



© Lou.
© Lou.
Albert est un génie. Et la comédienne qui incarne le jeune homme alors âgé de dix ans est incroyable, elle aussi. Elle captive l'attention du public pendant un peu plus d'une heure et c'est un bonheur absolu de ne voir briller que le plaisir des acteurs et non, la lumière des écrans de portable qui parfois s'invite dans les rangées de spectateurs.

Dans ce bel écrin qu'est le théâtre de la Tour Eiffel, adultes, ados et enfants étaient connectés à la scène. Rien que pour cela, une chronique en vaut la peine. Écouter le parcours de ce "petit Albert", scientifique en herbe, au caractère bien trempé qui n'a jamais plié face à ce qui le faisait vibrer, est un pur moment de grâce. La troupe, composée de trois comédiens, prend plaisir à partager un pan de la vie méconnu du grand public. La jeunesse de cet enfant un peu "à part" attiré par la lecture, les formules et autres calculs. Sans oublier l'amour de sa famille, les confidences auprès des grands-parents, la vie d'un enfant, certes un peu "différent". Une tête bien remplie de connaissances et de soif de savoir. Un "enfant à part" mais un enfant incontestablement.

© Lou.
© Lou.
Peut-être que j'aurais dû vivre au XIXe ! Dans un théâtre ! Les silences, les respirations, les acteurs qui interprètent plusieurs personnages, divinement dans ce spectacle. Puis, les rires, les sourires. Albert Einstein avait de l'humour, face à son professeur en cours. Vivant, à profiter de la vie, intéressé par le monde qui l'entourait, curieux. Justement ! Il m'a fait penser à Marie Curie par moments. Ces enfants pris, tôt, d'une passion, devenus grands, connus, récompensés de leurs travaux, dont on peut parfois oublier qu'ils ont été des gamins, espiègles et malins. Qu'ils ont fait des bêtises, qu'ils ont pu pleurer pour un animal disparu du jour au lendemain, qu'ils étaient gourmands et profondément attachants. Comme l'a été Marie Curie, comme l'a été aussi Albert Einstein. Deux scientifiques, deux parcours atypiques et toujours si présents dans nos esprits.

Les esprits, parlons-en ! Quel esprit volait au-dessus du public dimanche 4 décembre pour qu'aucun parasite ne vienne gâcher la fête ? Une sonnerie, un paquet de chips, des bavardages ou un ronflement de dernier rang. Rien de tout cela ne s'est produit, quel plaisir immense de regarder tous, petits et grands, dans le même sens.

© Lou.
© Lou.
Le plaisir que prend cette joyeuse troupe d'acteurs est palpable et ce spectacle est formidable. Un décor simple, mais suffisant, une mise en scène efficace, un texte fluide et un moment de théâtre chaleureux qu'il ne faut pas manquer avant de reprendre les transports en commun de ce XXIe siècle quelque peu perturbant, car le divertissement, c'est être connecté à la vraie vie et aux vrais "gens".

"Albert Einstein, un enfant à part"

© Lou.
© Lou.
Comédie dramatique en un acte de Brigitte Kernel, Sylvia Roux et Thomas Lempire.
Adaptée du roman "Le monde d'Albert Einstein" de Brigitte Kernel, édité aux éditions Flammarion jeunesse.
Mise en scène : Victoire Berger-Perrin.
Avec : Sylvia Roux, Tadrina Hocking ou Merryl Beaudonnet, Thomas Lempire.
Scénographie : Caroline Mexme.
Musiques et sons : Pierre-Antoine Durand.
Lumières : Stéphane Baquet.
Costumes : Judith Husch.
Perruque : Lou Valérie Dubuis.
Durée : 1 h 05.

Du 15 octobre au 31 décembre 2022.
Samedi à 14 h, dimanche à 11 h et du mardi au dimanche à 16 h pendant les vacances scolaires.
Théâtre de la Tour Eiffel, Paris 7e, 01 40 67 77 77.
>> theatredelatoureiffel.com

Isabelle Lauriou
Jeudi 8 Décembre 2022

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© François Vila.
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© Ève Pinel.
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