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Théâtre

La cellule familiale selon Lars Norén : Du risible au pathétique... jusqu’à l’humain

"Calme", Théâtre Nanterre-Amandiers, Nanterre (92)

Dans le propos de la pièce "Calme", Lars Norén ne propose rien tant que d’approcher au plus près la cellule familiale et d’en suivre, à travers la chute d’un hôtel de tourisme et les comportements des uns et des autres, les circuits névrosants.



© Pascal Victor.
© Pascal Victor.
La pièce ausculte et suit les symptômes du père, de la mère, des deux fils, de la serveuse.
Infantilisés, les personnages connaissent un retour périodique à l’enfance. Leurs capacités respectives de rancœur, tristesse, de dévouement attentif et de suicide vont croissant et ce dans une stagnation profonde des solutions adoptées pour contrer l’adversité. La famille est un piège où l’on se débat.

Affronter l’image paternelle et l’amour maternel, les nier, les éviter s’y substituer. À la croisée des tâtonnements, au milieu du champ de bataille, la femme accablée par son engeance masculine. La famille selon Lars Norén répand et entretient le sentiment d’un manque d’amour et retarde l’avènement de la liberté. Pas faux pour qui se souvient de la crise adolescente et des ruses de l’art d’être parent.

Force est de constater sur le plan dramaturgique que tout est dit dès les premières scènes et que la pièce connaît peu de rebondissements.

© Pascal Victor.
© Pascal Victor.
Dans le déroulé du spectacle, Jean-Louis Martinelli dans le décalage du jeu entre naturalisme et stylisation rend tangible la présence du temps des espoirs déçus de chaque personnage. Ils vivent l’expérience commune d’un vase clos, d’un temps immuable, figé, fermé à la durée infinie et monotone dont on pleure la perte quand il est trop tard. Où tout est calme en apparence. Et de ce point de vue la pièce a une vraie qualité cathartique.

Le spectateur hors résilience personnelle va aussi trouver son bonheur dans l’interprétation des comédiens. À cet égard Jean-Pierre Darroussin est vraiment étonnant dans l’approfondissement qu’il fait de son rôle du père qui fuit dans l’alcool et ne sait exprimer ses sentiments pourtant bien réels. Du risible au pathétique jusqu’à l’humain…

Dans "Calme", les comédiens expriment les signes de l’amour familial que leurs personnages entendent si peu. Comme une co-présence bienfaisante.

"Calme"

© Pascal Victor.
© Pascal Victor.
Texte : Lars Norén.
Traduction : Camilla Bouchet.
Adaptation et mise en scène : Jean-Louis Martinelli.
Assistante à la mise en scène : Amélie Wendling.
Scénographie : Gilles Taschet.
Lumière : Jean-Marc Skatchko.
Son : Jean-Damien Ratel.
Costumes : Karine Vintache assistée de Séverine Lustière.
Avec : Delphine Chuillot, Jean-Pierre Darroussin, Alban Guyon, Christiane Millet, Nicolas Pirson.
Durée : 3 h 15 entracte compris.

Du 18 janvier au 23 février 2013.
Du mardi a samedi à 20 h, dimanche à 15 h 30 et le jeudi à 19 h 30 (Relâche le lundi).
Théâtre Nanterre-Amandiers, Grande Salle, Nanterre (92), 01 46 14 70 00.
>> nanterre-amandiers.com

Jean Grapin
Mardi 29 Janvier 2013

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