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Théâtre

L'Histoire d'une femme, comme une approche d'une danse rituelle caressant le danger

"L'Histoire d'une femme", Théâtre de Poche-Montparnasse, Paris

Harcelé, bousculé, assommé par les préjugés, le personnage de Pierre Notte est une femme qui aimerait bien comprendre et n'en peut plus. Une femme qui a la rage. Une femme qui est en bordure de la crise de nerfs et a encore la force d'exposer ses demandes de pourquoi.



© Victor Tonelli.
© Victor Tonelli.
Les vexations anodines , les sous-entendus, les violences verbales, les insultes, les rires gras qui composent le socle des paillardises et autres regard archétypaux sur les femmes. Dans la rue, au bureau, dans la ville. Le machisme ordinaire et les tracas, les souffrances, l'usure qui en découlent.

Dans cette histoire, les anecdotes se succèdent, entrent en résonance et alimentent, par leur flux continu, une conscience de plus en plus excitée et fragilisée. Les épisodes s'enchevêtrent. Leur violence, leur exubérance croissent. Le cumul des faits s'agglutine jusqu'à produire des hallucinations.

Le spectateur est happé par le récit de cette femme qui aimerait bien comprendre le rôle que lui imposent (à elle et à ses consœurs) les hommes. Le pourquoi de ce qui les anime quand ils parlent d'elles. Mère ou putain ou princesse. La conception qu'ils se font de leurs devoirs envers elle, leur manière de pouvoir qui leur fait les assujettir par le geste et le langage, et qui révèle pourtant à la réflexion comme une impuissance chronique à rencontrer l'autre sexe.

Une incapacité à faire des découvertes mutuelles, à se répartir des fonctions de manière naturelle et des compétences.

La femme de Pierre Notte voit la vie côté rude et rêve de douceur. Quelque chose comme l'amour.

Muriel Gaudin endosse le personnage et porte le rôle à un haut niveau d'intensité et de précision. La comédienne rend sensible les phénomènes d'obsession, les troubles qui agitent la conscience. Elle atteint des paroxysmes. La pièce se voit à la fois comme une épopée picaresque avec sa part d'humour et de fantaisie et comme une approche d'une danse rituelle qui caresse le danger.

Le spectateur et la spectatrice applaudissent de concert cette histoire d'une Fille du feu.

"L'Histoire d'une femme"

© Victor Tonelli.
© Victor Tonelli.
Texte : Pierre Notte (texte publié aux éditions Quatre-Vents/L'avant-scène théâtre).
Mise en scène : Pierre Notte.
Avec : Muriel Gaudin.
Lumières : Antonio de Carvalho.
Durée : 1 h 10.

Du 17 mars au 7 mai 2017.
Jeudi, vendredi et samedi à 19 h, dimanche à 17 h 30.
Théâtre de Poche-Montparnasse, Paris 6e, 01 45 44 50 21.
>> theatredepoche-montparnasse.com

Jean Grapin
Lundi 27 Mars 2017

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© Jean-François Delon.
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© Pics.
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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

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15/10/2023