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Théâtre

"Dorothy Parker"… Elle n'excuse rien !

"Dorothy Parker ou Excusez-moi pour la poussière", Le Lucernaire, Paris

Autour d'un beau texte de Jean-Luc Seigle, Natalia Dontcheva incarne avec vérité et de façon poignante Dorothy Parker. Femme de conviction, la poétesse américaine avait porté le combat contre la discrimination, l'intolérance et l'extrémisme politique.



© DDM.
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Un corps renversé sur un sofa laisse apparaître des jambes. Le téléphone sonne, une voix se fait entendre, forte, presque débraillée, tirant sur les syllabes. Voici Dorothy Parker !

Tout, dans cette voix, dans cette attitude, dénote un style entre élégance et insolence, entre une classe certaine et une franchise insolente qui désarmerait n'importe quel soldat de n'importe quelle guerre. Tout est dans ces façons, dans ces postures presque de mannequin, ne rechignant pas à faire un pied-de-nez à son élégance en arborant une bouteille de whisky. Dorothy Parker est ce mélange explosif de grâce et de rugosité verbale, de franchise sans détour, de révolte et de tendresse.

Le personnage, haut en couleur, est parfaitement bien incarné par Natalia Dontcheva. Servie par l'excellent texte de Jean-Luc Seigle où les répliques ne manquent ni de mordant ni d'humour, le metteur en scène Arnaud Sélignac met en jeu, dans son intérieur, dans son intimité, une femme en proie à son époque.

© DDM.
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Dorothy Parker a lutté contre le Maccarthysme et les discriminations raciales subies par les noirs(es) américains. Elle a soutenu aussi Sacco et Vanzetti. Poète, scénariste, fauchée, elle était (souvent) habillée de vêtements Dior et (très souvent) accompagnée de sa bouteille de whisky à la main. Une femme extrême dans ses luttes et dans la force de ses convictions, sachant être à l'aise autant dans le combat que dans l'intimité d'une relation à deux.

Sur scène, Dorothy Parker revit grâce au talent de Natalia Dontcheva. La comédienne est très convaincante dans son jeu, oscillant sa voix, son regard, ses attitudes dans un vaste registre de sentiments. À la fois tendre, arrogante, cassante ou amoureuse, une bonne partie de la constellation des sentiments humains est passée en revue. Toujours sur la crête des sentiments, Natalia Dontcheva déploie une énergie bien dosée, dans laquelle le regard est toujours intense, alternant entre des yeux humides de tendresse ou fougueux d'insolence, d'ironie mordante avec une réelle présence corporelle. La comédienne arrive, dans un jeu souvent poignant, à faire cohabiter un côté bégueule, une revendication affirmée et une sensibilité à fleur de peau.

La pièce vaut son pesant d'or pour la qualité de jeu de Natalia Dontcheva, le texte de Jean-Luc Seigle et pour découvrir ou redécouvrir ce bout de femme, Dorothy Parker. Le théâtre va à la rencontre d'une femme courageuse, qui a été ouverte à l'autre, cet inconnu ou ce frère de sang, dans des périodes troubles et compliquées en combattant l'extrémisme politique. À notre époque qui ignore étrangement le courage politique et où la peur et l'intolérance sont portées par des "intellectuels", Dorothy Parker, vraie figure intellectuelle de combat et de conviction, manque !

"Dorothy Parker ou Excusez-moi pour la poussière"

© DDM.
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Texte : Jean-Luc Seigle.
Mise en scène : Arnaud Sélignac.
Assistante à la mise en scène : Deborah Saiag.
Avec : Natalia Dontcheva.
Décors et costumes : David Belugou.
Musique : Fabrice Aboulker et Damien Roche.
Durée : 1 h 15.

Reprise du 4 mai au 25 juin 2016.
Du 20 janvier au 19 mars 2016.
Du mardi au samedi à 19 h.
Théâtre Lucernaire, Paris 6e, 01 45 44 57 34.
>> lucernaire.fr

Publié le 4 février 2016.

Safidin Alouache
Samedi 30 Avril 2016

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© Jean-François Delon.
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© Pics.
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