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Théâtre

Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes… Juste le rêve d'une ombre

À Charleville-Mézières où il a plu des plumes d'anges grâce à la compagnie Gratte Ciel (1), les marionnettistes, qu'ils soient porteurs d'une tradition comme la compagnie Picaresk, qu'ils soient humbles comme ces Américains du sud avec leurs livres maquettes ou leur théâtre d'ombres pour un spectateur, ou bien qu'ils caressent des projets scéniques comme La Licorne ou Les Anges au Plafond parmi les plus ambitieux du théâtre contemporain, démontrent leur inventivité et leur sens de la création.



© Olivier Guillemain.
© Olivier Guillemain.
Ainsi, dans "Le rêve d'une ombre" (2), la compagnie La main d'œuvres ausculte, commente et concrétise un rêve. Celui du porteur d'ombre, du rêveur qui voit son ombre devenir une réalité douée d'une conscience . Une ombre… ce matériau à bien des égards fantasque dès qu'il se détache de la personne et vit sa vie d'ombre.

Dès que la pénombre s'installe dans la salle, dès que le narrateur apparaît, qui sait disparaitre quand il le faut et être présent quand cela est nécessaire, le spectateur est envouté. Il entend les mots, posés, pesés. Il voit les objets, écoute, écarquille les yeux. Le dispositif scénique est rigoureux, cohérent, l'enchaînement des jeux fluide. Une manière d'attention est accordée au mouvement et à son silence.

Il y a la table et ses accessoires, la maquette de maison éclatée et sa manipulatrice, ses projections vidéo. Il y a les portants de vêtements, et son acrobate à la perche. Il y a les images projetées et fondues, la création musicale et les pendrillons mouvants. Par le jeu, les accessoires si concrets sont amenés à leur pouvoir d'évocation, au seuil de leur métamorphose.

© Olivier Guillemain.
© Olivier Guillemain.
Marionnette ou pantin ou double de gloire. Il y a de l'un à l'autre, entre ces éléments, comme un mouvement, une respiration qui amplifie les effets et déréalise. Comme en un rêve, le spectateur se trouve au bord d'une indécision des sens, d'une interrogation, d'un doute sur la réalité même du monde.

Sur scène, il y a une pénombre et une ombre, comme en "Un palais à quatre heures du matin" (3). Tout est montré, tout est allusif. Tout est à la fois théâtral et marionnettique, le spectacle déroule un conte, élabore un mythe. Celui de la caverne avec sa dimension fantasmatique et ironique. Le spectateur surpris émerveillé reconnaît l'évanescence du temps qui passe et le masque de l'illusion.

(1) Le spectacle d'ouverture "Place des Anges", par la Cie Gratte Ciel, a eu lieu le 21 septembre à 22 h, place Ducale.
(2) "Le rêve d'une ombre", par la Cie La main d'œuvres, a été joué les 21 et 22 septembre.
(3) Le spectacle, de manière invisible, rend hommage à Alberto Giacometti, à "L'étrange histoire de Peter Schlemihl" d'Adelbert von Chamisso et aux contes de E.T.A. Hoffman.

"Le rêve d'une ombre"

© Olivier Guillemain.
© Olivier Guillemain.
Ombres humaines et marionnettes.
Libre interprétation de "L'ombre" d'Hans Christian Andersen
Texte : Achille Sauloup.
Écriture scénique et jeu : Katerini Antonakaki, Sébastien Dault et Achille Sauloup.
Images : Katerini Antonakaki et Olivier Guillemain.
Musique : Ilias Sauloup.
Lumière : Gwennaëlle Krier.
Régie son : Christine Moreau.
Durée : 1 h 20.
À partir de 15 ans.
Par la Cie La main d'œuvres.
>> lamaindoeuvres.com

Tournée 2019/2020
8 et 9 novembre 2019 : marioNEttes - Festival international, Théâtre du Concert, Neuchâtel (Suisse).
14 janvier 2020 : Le Safran - Scène conventionnée, Amiens (80).
Du 23 janvier au 25 janvier 2020 : Grande Scène, TJP - CDN, Strasbourg (67).
1er Février 2020 : Festival Imaginale, Théâtre JES, Stuttgart (Allemagne).
Du 21 au 30 avril 2020 : Le Mouffetard - Théâtre des arts de la marionnette, Paris (75).

Jean Grapin
Mercredi 2 Octobre 2019

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© François Vila.
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